Allocution Macron: Le président est en campagne sans le dire

L'allocution d'Emmanuel Macron, ce mardi 9 novembre, avait des allures des précampagne électorale. (Photo: Elysee)
L'allocution d'Emmanuel Macron, ce mardi 9 novembre, avait des allures des précampagne électorale. (Photo: Elysee)

POLITIQUE - Il ne manquait plus que: ”C’est pourquoi j’ai décidé d’être candidat à ma réélection”. Mais ce n’est évidemment pas venu, car le président de la République n’est pas près d’annoncer sa candidature.

Conserver son avance dans les sondages, mobiliser son électorat et convaincre ceux qui ne le sont pas, en revanche, il ne s’en est pas privé, ce mardi 9 novembre, lors de son allocution d’une demi-heure enregistrée à l’Élysée et diffusée à 20 heures. La neuvième depuis le début de la crise, la première depuis celle du 12 juillet qui actait l’extension du pass sanitaire.

À cinq mois de l’échéance suprême, Emmanuel Macron a fait le bilan de sa gestion de la crise et de son action à la présidence de la République, avant de se projeter vers l’avenir. Le ton n’y était pas, mais le fond aurait pu se trouver dans un meeting de campagne.

Un bilan brandi comme un trophée

Sur le modèle des dernières affiches des Jeunes avec Macron, le président a loué sa stratégie du “quoi qu’il en coûte”, en soutenant que cette dernière a ”évité à un demi-million de compatriotes de basculer dans la pauvreté”, que les soignants ont été “augmentés de 200 à 400 euros” et que malgré les investissements, “le déficit public sera inférieur à 5% cette année”.

Forcé d’enterrer la réforme des retraites pour les prochains mois, qu’il avait opportunément conditionnée à la situation sanitaire qui “se dégrade partout en Europe”, le chef de l’État a acté qu’elle ne serait pas mise en œuvre avant la présidentielle. “Les conditions ne sont pas réunies pour relancer ce chantier”, a-t-il assumé, pour préserver “la concorde” nationale et ne pas empêcher la reprise sur laquelle comptent “les organisations syndicales et professionnelles”.

Mais comme pour contrebalancer ce renoncement qui lui sera reproché à droite et alors que les Républicains en campagne pour leur congrès reprennent du poil de la bête dans un pays qui n’a jamais été aussi à droite, Emmanuel Macron a mis la barre de ce côté-là de l’échiquier, sans se cacher.

Ainsi la “valeur travail”, thème cher à Nicolas Sarkozy est omniprésent de la seconde partie de son discours, après l’évacuation de la situation sanitaire, de l’appel à la vigilance et à la vaccination et de nouvelles mesures comme le conditionnement du pass sanitaire à une dose de rappel pour les plus de 65 ans avant le 15 décembre.

Il faudra “travailler plus longtemps”

Il nous faudra “travailler plus longtemps”, a-t-il prévenu, reportant sans le dire aussi clairement la réforme des retraites à un éventuel quinquennat supplémentaire. Conscient des tensions qu’elle a suscitées, il réitère sa volonté qu’“aucune pension ne soit inférieure à mille euros” et tente de la revendre différemment. “La retraite ne doit être ni une contrainte, ni une angoisse, mais un choix plus libre”, a-t-il précisé en estimant par exemple que ceux qui souhaitent travailler au-delà de l’âge légal le pourront.

Pour les mois immédiats, il s’est concentré sur l’ “indispensable” réforme de l’assurance-chômage dont une partie vient d’entrer en vigueur et dont l’autre sera appliquée le 1er décembre. Il faudra désormais avoir travaillé six mois sur les deux dernières années, au lieu de quatre précédemment, “pour être indemnisé”, a-t-il rappelé, avant de marteler, sans plus de précision, que “Pôle emploi passera en revue les offres sans réponse” et que “sans recherche active, les allocations seront suspendues”. Des dispositifs déjà existants, mais qui servent surtout au président pour se positionner sur la droite de l’échiquier sensible aux thèmes de l’“assistanat”.

Manière aussi de mettre la pression sur les “trois millions de personnes au chômage”, alors que de nombreux secteurs “me disent peiner à recruter”, a-t-il déclaré, pour se montrer proche du terrain.

Il a des fourmis dans les jambes."Un cadre de la majorité, au "HuffPost".

Égrenant son bilan comme sur un tract, “les 15 milliards d’euros sur la formation déployés depuis 2017”, “les chiffres records de l’apprentissage” ou “le taux de chômage des jeunes au plus bas depuis quinze ans”, le président s’est placé en position d’écoute à la fin de son discours. “J’entends bien les doutes, l’incertitude, la colère quelquefois ou la fatigue quand je viens à votre rencontre. C’est une période difficile, angoissante pour beaucoup d’entre vous”, a-t-il dit en agitant la carte “empathie”, après avoir évoqué les prix à la pompe, sa volonté d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et en annonçant la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires.

“Mais regardez ce que nous avons réussi! En agissant ensemble, unis. L’impensable”, a-t-il lancé en conclusion, comme sur une estrade. “Je vous le dis avec beaucoup de convictions, n’ayons pas peur”, a-t-il poursuivi, paraphrasant le Pape Jean-Paul II face au communisme en 1978, cette fois à l’encontre des nationalismes. “Croyons en nous! Croyons-en la France!”, a-t-il imploré comme une réponse, sans le nommer, à un Zemmour décliniste. “En une France forte de son esprit de résistance à la dilution dans un monde qui va, à la soumission, aux dogmes, aux obscurantismes, au retour du nationalisme”.

Il ne manquait plus que des drapeaux, une introduction de Marlène Schiappa et une Marseillaise la main sur le cœur, et on y était. “Il a des fourmis dans les jambes”, soufflait récemment un cadre de la majorité au HuffPost. On s’en est rendu compte ce soir.

À voir également sur Le HuffPost: Retrouvez l’intégralité du discours d’Emmanuel Macron

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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