Dans son allocution, Emmanuel Macron refuse toute autocritique et charge les oppositions (tout en comptant sur elles)

Emmanuel Macron a rejeté toute responsabilité dans la crise.
Emmanuel Macron a rejeté toute responsabilité dans la crise.

POLITIQUE - Le feu, quel feu ? Un gouvernement renversé pour la première fois depuis 1962, un budget de la Sécurité sociale toujours en suspens, une instabilité politique et économique quasi inédite sous la Ve République… Mais pour Emmanuel Macron, l’heure n’est pas à la contrition. Le Président, qui s’est invité ce 5 décembre à la télévision à l’heure du dîner, n’a pas cherché à entamer le moindre mea culpa. Tout juste a-t-il reconnu que sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale avait été « mal comprise ».

« Beaucoup me l’ont reprochée et je sais, beaucoup continuent de me la reprocher. C’est un fait et c’est ma responsabilité », a-t-il déclaré… Sans aller jusqu’à remettre en cause l’idée même d’une dissolution, qui a débouché sur une crise politique dont on peine à entrevoir l’issue.

Après la censure de Michel Barnier, plus de 6 Français sur 10 veulent la démission d’Emmanuel Macron

Sur le reste, et notamment la chute du gouvernement de Michel Barnier survenue la veille, il ne regrette rien. Son ancien Premier ministre a, selon lui, été victime de « l’irresponsabilité » d’un « front antirépublicain », au sein duquel « l’extrême droite et l’extrême gauche se sont unies ». Tout l’argumentaire présidentiel est là : « les extrêmes » auraient fait entrave au camp central, décrit par ses soins comme celui de la raison et de la responsabilité. Pas une seule seconde de la dizaine de minutes qu’a duré l’allocution n’a été consacrée à reconnaître qu’il avait pu se tromper dans le choix d’un Premier ministre issu d’un parti (très) minoritaire ou qu’il aurait pu faire différemment, tant sur le fond que sur la forme.

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Emmanuel Macron n’assumera, dit-il, « jamais l’irresponsabilité des autres, et notamment des parlementaires qui ont choisi en conscience de faire tomber le budget et le gouvernement de la France à quelques jours des fêtes de Noël ». Une présentation des choses qui omet de rappeler l’essentiel : s’il y a eu censure, c’est parce que le Premier ministre a utilisé l’article 49-3 sur le budget de la Sécu. Et que le seul moyen pour l’opposition de montrer sa désapprobation à ce projet est… précisément de voter la censure. Mais qu’importent ces considérations parlementaires et politiques, ceux qui ne partageaient pas les orientations budgétaires de Michel Barnier ne sont que des « irresponsables » à ses yeux.

« Chaos et désordre »

Poursuivant son réquisitoire contre les oppositions, Emmanuel Macron a accusé la gauche et l’extrême droite de semer « le chaos » et « le désordre ». Avant de fustiger ceux qui « ne pensent qu’à une seule chose : l’élection présidentielle. Pour la préparer, pour la provoquer, pour la précipiter ». Une référence à peine voilée à Jean-Luc Mélenchon et à son mouvement, qui plaident pour une destitution, voire une démission, du chef de l’État. « C’est lui qui fiche la pagaille c’est lui bloque tout et ne veut entendre personne », a répliqué à distance sur le plateau de TF1 le leader de la France insoumise, soulignant que des personnalités de droite, comme Jean-François Copé et David Lisnard, évoquaient ouvertement son départ de l’Élysée.

Pour la suite des événements, Emmanuel Macron n’en a pas trop dit. Attendu rapidement, le nouveau Premier ministre sera nommé « dans les prochains jours », a-t-il assuré. Aucun indice n’a été donné sur son identité (plutôt de droite ? de gauche ? tolérable pour le Rassemblement national ?). On sait seulement que le futur locataire de Matignon sera à la tête d’un « gouvernement resserré », qui aura pour but de défendre « l’intérêt général ». Le contraire eut été étonnant. En revanche, il chargera son futur Premier ministre de former une équipe qui reflète « toutes les forces politiques d’un arc de gouvernement qui puisse y participer ou, à tout le moins, qui s’engage à ne pas le censurer ». Une formule plutôt floue, qui laisse penser qu’un dialogue va être engagé avec les groupes politiques qui souhaitent travailler ensemble.

Pas de démission prévue

En arrivant, le futur chef de gouvernement trouvera tout en haut de sa pile de dossier le budget. Sans surprise, Emmanuel Macron veut qu’un budget soit présenté « en tout début d’année ». Pour cela, il a évoqué une loi spéciale, qui devrait être déposée « avant la mi-décembre » au Parlement. Un texte qui, promet-il, permettra « la continuité des services publics et de la vie du pays ». Quoi qu’il en soit, Emmanuel Macron promet de rester à l’Élysée « jusqu’au terme » de son mandat, soit en 2027. D’ici là, il lui reste trente mois. Trente mois au cours desquels, comme il l’a relevé, il entend être « utile pour le pays ».

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Sitôt l’allocution terminée, les politiques de tous bords se sont rués sur les réseaux sociaux ou sur les plateaux de télévision pour commenter cette apparition présidentielle. « Déni de réalité », « bavardage creux et prétentieux », « vraie irresponsabilité » sont parmi les expressions les plus utilisées par les oppositions, dont celles qui pourraient l’aider à élargir son socle à l’Assemblée. Ce vendredi 6 décembre, il recevra à l’Élysée les chefs des groupes parlementaires LR, macronistes, mais aussi les socialistes. Emmanuel Macron aura tout loisir de leur expliquer qu’il compte finalement sur eux pour trouver la sortie d’une crise politique qu’il a provoquée. Et ce, après les avoir qualifiés d’« irresponsables » devant la France entière.

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