Allemagne : cet agent immobilier veut transformer le tunnel du camp nazi de Buchenwald en bunker de luxe

L’inscription « Jedem das Seine » (À chacun son dû), photographiée sur sur le site commémoratif du camp à Buchenwald, près de Weimar, en Allemagne, le 14 avril 2024.
JENS SCHLUETER / AFP L’inscription « Jedem das Seine » (À chacun son dû), photographiée sur sur le site commémoratif du camp à Buchenwald, près de Weimar, en Allemagne, le 14 avril 2024.

INTERNATIONAL - Les défenseurs du site historique sont vent debout. Un agent immobilier allemand, Peter Jugl veut construire un bunker de luxe géant dans une annexe de l’ancien camp de concentration nazi de Buchenwald, créé en 1937 près de Weimar, en Allemagne.

En Autriche, un projet immobilier sur le camp nazi de Mauthausen crée la polémique

Dans l’annexe de Langenstein-Zwieberge se trouvent des tunnels, creusés par plus de 7 000 prisonniers politiques, qui étaient destinés à devenir un site souterrain de production d’armement.

Casinos, spas, chambres de luxe…

Peter Jugl a racheté ces galeries en plusieurs étapes à partir de 2019 et veut désormais les transformer en bunker de luxe géant qui servirait d’abri en cas de « catastrophe » climatique.

PUBLICITÉ

Sur son site internet intitulé « BunkerCoin, le plus grand projet privé de bunker du monde », Peter Jugl fait les yeux doux aux potentiels investisseurs. Équipée « d’hôpitaux, d’écoles, d’ateliers, de casinos, de bars et de spas », cette ville souterraine aux « levers et couchers de soleils artificiels » disposerait de « chambres de luxe similaires à celles des yachts, qui offriraient un grand confort dans un espace limité, y compris des vues extérieures simulées ».

« BunkerCoin » montre aussi des illustrations des restaurants, de la salle de sport et du cinéma qui devraient y être construits.

L’association des descendants des détenus indignés

Dans un bref entretien téléphonique à l’AFP, Peter Jugl a estimé que « ces galeries souterraines n’ont rien à voir avec le camp situé à deux kilomètres de là », où se trouve le mémorial des déportés.

Une affirmation qui fait bondir l’association des descendants des détenus, originaires de 23 pays différents, regroupant des dizaines de personnes de plusieurs pays, dont Jean-Louis Bertrand, fils du résistant français Louis Bertrand, qui a creusé ces tunnels.

PUBLICITÉ

« Le percement du tunnel a été la raison d’être du camp », écrit l’association dans une déclaration. « Il est impensable de dissocier les deux composantes de cet ensemble, et donc de faire abstraction du tunnel », ajoute-t-elle.

Le propriétaire des tunnels, qui aurait, selon l’hebdomadaire Der Spiegel, des accointances avec l’extrême droite allemande, affirme avoir de « bonnes relations » avec la Fondation qui gère le mémorial, situé à environ 200 km de Berlin.

Son directeur, Gero Fedtke, reconnaît que Peter Jugl leur a jusqu’ici autorisé l’accès aux galeries. En revanche, il rejette son projet « inapproprié au regard du patrimoine historique ».

Dans l’ancien site du camp, « il ne reste pratiquement aucune trace de l’époque nazie. Dans la galerie, c’est différent. Il serait judicieux, du point de vue de la pédagogie du mémorial, d’en rendre accessible une plus grande partie », a déclaré Gero Fedtke à l’AFP.

Pendant la guerre froide, les tunnels ont servi d’entrepôt de munitions à l’armée de la RDA, puis après la réunification, ils ont été temporairement utilisés par l’armée allemande, avant d’être revendus, dans le sillage du délitement de l’État communiste, à des investisseurs privés.

Un sujet qui devient politique

Parmi ces investisseurs, Peter Jugl, chef de Global Project Management (GPM), une firme sise près de Leipzig, spécialisée dans le rachat de « propriétés problématiques » et aux projets variés : immeubles d’habitation, foyer d’étudiants, hôtels, entre autres.

PUBLICITÉ

L’entrepreneur, également gérant d’un hôtel de passe, d’après Der Spiegel, a signalé à l’État régional de Saxe-Anhalt, responsable du patrimoine, qu’il pourrait lui revendre les galeries. Or, selon plusieurs sources concordantes, il exigerait 8 millions d’euros après les avoir payées 1,3 million d’euros.

Interrogé par l’AFP, le gouvernement de Saxe-Anhalt a dit souhaiter « un accès gratuit et pérenne au tunnel », tout comme les descendants des déportés.

Le ministre régional de la Culture, Rainer Robra, a écrit fin octobre aux ministres allemands de la Défense et de l’Intérieur au sujet des projets de Peter Jugl. Der Spiegel affirme que Rainer Robra aurait demandé à Berlin de l’aider financièrement à racheter le terrain.

À voir également sur Le HuffPost :

Pour Donald Trump, les Syriens « devront se débrouiller tout seuls » pour résoudre la crise

En Corée du Sud, le président sud coréen visé par une enquête de police pour « rébellion »