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Auchan s'allie en Chine avec le géant du e-commerce Alibaba

par Cate Cadell et Pascale Denis

HONG KONG/PARIS (Reuters) - Alibaba et Auchan ont annoncé lundi une alliance stratégique qui doit donner naissance à un leader chinois du commerce alliant réseaux de magasins physiques et expérience digitale.

Cette alliance se traduira par l'entrée du géant chinois du e-commerce au capital de Sun Art Retail, un des leaders de la distribution alimentaire en Chine contrôlé par le groupe français.

L'"omnicanal", combinant digital et magasins, logistique et traitement de données, est au coeur de la stratégie des distributeurs mondiaux et ce rapprochement vise à offrir aux consommateurs chinois des services "sans couture" entre magasins et e-commerce.

Cette opération d'envergure fait aussi écho au rachat de Wholefoods Market par Amazon en juillet dernier et témoigne des ambitions d'Alibaba, déjà propriétaire de l'enseigne de magasins Hema, dans le commerce physique.

Alors que nombre de rumeurs ont couru sur d'éventuelles tentatives d'approche d'Amazon auprès des distributeurs en France, le directeur général d'Auchan Retail, Wilhelm Hubner, a indiqué, lors d'une conférence téléphonique avec la presse, que le groupe nordiste n'avait nullement été approché.

"Non, nous n'avons pas été approchés pour des accords, en France ou en Europe", a-t-il dit en réponse à une question.

En s'alliant à Alibaba, Auchan vise notamment la livraison en une heure pour les 600 millions d'habitants des zones de chalandises des magasins de Sun Art.

Il veut aussi "révolutionner" sa façon de faire du commerce en le personnalisant grâce aux bases de données des clients d'Alibaba, a précisé le responsable d'Auchan Retail.

"Cet accord est le plus important jamais passé par Auchan et ses conséquences sur le marché chinois sont les mêmes que celles d'Amazon-Wholefoods aux Etats-Unis", souligne un analyste sous couvert d'anonymat.

Face à cette alliance, ceux de Bryan Garnier estiment que le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, qui peine à redresser la barre en Chine, pourrait décider de sortir du pays pour se concentrer sur ceux où le groupe dispose de solides positions.

UN "SOURCING" POUR LES PRODUITS EUROPÉENS

"Les magasins physiques sont incontournables dans le parcours de courses des consommateurs. A l'ère du digital, ils doivent être enrichis par des services personnalisés, grâce aux nouvelles technologies de traitement des données", souligne Daniel Zhang, directeur général d'Alibaba Group.

Le marché chinois de la distribution alimentaire, évalué à un demi-milliard de dollars (426 milliards d'euros), représente un gigantesque vivier de données pour le géant du e-commerce.

Si Auchan et Alibaba n'envisagent pas, pour l'heure, de partenariats sur les achats, le groupe chinois est en revanche "très intéressé" par le sourcing des produits européens qu'il pourrait obtenir via Auchan et leur ouvrir les portes du marché chinois", a précisé le dirigeant du groupe français.

Cette alliance se traduira par un investissement de 2,9 milliards de dollars (2,47 milliards d'euros) d'Alibaba dans Sun Art - avec le rachat des titres détenus jusqu'ici par le conglomérat taïwanais Ruentex - tandis qu'Auchan renforcera aussi sa participation dans l'entreprise pour en détenir également plus de 36%.

Ruentex verra quant à lui sa part ramenée à 4,67%, le solde du capital demeurant flottant.

Avec 446 hypermarchés sous enseignes RT-Mart, Auchan et Auchan Minute, Sun Art est l'un des leader de la distribution alimentaire en Chine avec environ 8,2% du marché, selon les données de Kantar Worldpanel.

Le groupe a tardé à prendre le virage du commerce en ligne et sa plate-forme Feiniu est à la traîne de grands acteurs comme China Resources et Wal-Mart Stores.

INVESTISSEMENTS

Depuis 2015, Alibaba a investi plus de 9,3 milliards de dollars dans des magasins physiques. Au cours de l'année écoulée, il a lancé plusieurs concepts de magasins sans personnel, notamment dans l'alimentaire.

Valorisé en Bourse à 474 milliards de dollars, Alibaba s'est longtemps tenu à l'écart de grosses acquisitions mais le groupe a décidé depuis 2015 de prendre plus de risques afin de séduire les acheteurs "offline", les clients ruraux ou les étrangers, alors que le e-commerce urbain donne des signes de saturation.

"Ils entrent dans un territoire qui n'est pas leur grande force (...) l'immobilier, les licences pour vendre certains produits, la main d'oeuvre", note Weiwen Han, associé du cabinet chez Bain Greater China. "D'un côté, c'est vraiment nécessaire, mais de l'autre, ils se retrouvent face à de nombreux défis qu'ils n'ont jamais connus auparavant."

(Avec Donny Kwok en Chine, Nicolas Delame et Claude Chendjou pour le service français, édité par Jean-Michel Bélot)