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Nouvelle manifestation à Alger, l'opposition demande à l'armée de rester à l'écart

Des milliers d'étudiants, de professeurs d'université, de médecins et d'employés du secteur médical ont défilé mardi à Alger pour demander le départ du président Abdelaziz Bouteflika. /Photo prise le 15 mars 2019/REUTERS/Ramzi Boudina

par Lamine Chikhi et Hamid Ould Ahmed

ALGER (Reuters) - Des milliers d'étudiants, de professeurs d'université, de médecins et d'employés du secteur médical ont défilé mardi à Alger pour demander le départ du président Abdelaziz Bouteflika.

"Nous maintiendrons la pression jusqu'à ce qu'il parte", a promis un étudiant de 23 ans, Ali Adjimi, en ce jour anniversaire du cessez-le-feu qui mit fin en 1962 aux combats de la guerre d'indépendance.

"Le peuple veut que tu partes", pouvait-on lire sur une banderole à l'adresse du président, tandis que des manifestants scandaient "le peuple et l'armée ne font qu'un".

Après plus de trois semaines de manifestations, une nouvelle "coordination nationale pour le changement", qui réunit des dirigeants politiques, des membres de l'opposition et des militants, a appelé le président à abandonner ses fonctions à la fin de son mandat le 28 avril.

Dans un texte baptisé "plateforme pour le changement", cette coordination demande également aux militaires de ne pas s'ingérer dans le processus de transition politique, estimant que l'armée doit "jouer son rôle constitutionnel sans se mêler du choix du peuple".

Le chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), le général Ahmed Gaïd Salah, a fait entendre sa voix lundi pour assurer que l'armée algérienne demeurait "le rempart du peuple et de la Nation".

L'armée a souvent joué un rôle déterminant en coulisses lors des moments décisifs dans l'histoire du pays. En 1992, elle avait annulé les élections que les islamistes s'apprêtaient à remporter, ce qui a entraîné une guerre civile qui a fait quelque 200.000 morts.

"BOUTEFLIKA A PIÉTINÉ LA CONSTITUTION"

Lundi, Abdelaziz Bouteflika a adressé une nouvelle lettre aux Algériens dans laquelle il dit vouloir rester en fonction jusqu'à l'élaboration d'une nouvelle Constitution qui sera soumise à référendum. Le chef de l'Etat, âgé de 82 ans, est très diminué depuis un AVC en 2013.

La "coordination nationale pour le changement" réunit des personnalités comme l'avocat Mustapha Bouchachi, l'opposant Karim Tabou et l'ancien ministre du Trésor Ali Benouari mais également Mourad Dhina et Kamel Guemazi, anciens membres du Front islamique du salut (Fis), une formation islamiste interdite.

La seule femme de ce groupe est Zoubida Assoul, 63 ans, avocate et dirigeante d'un petit parti politique, l'Union pour le changement et le progrès (UCP).

La coordination propose la tenue d'élections à la fin d'une période de transition.

"Bouteflika vient de piétiner la constitution actuelle, qu'il avait imposée, en annonçant vouloir prolonger son quatrième mandat, ce qui constitue une rupture irréversible entre son régime et le peuple", écrit-elle dans sa plateforme.

Elle fait aussi allusion au puissant frère du président, Saïd Bouteflika, et au diplomate Lakhdar Brahimi qui doit présider la conférence nationale chargée de préparer la transition.

"Le peuple algérien n'acceptera aucune démarche de cercles visant à faire durer le système actuel, que ce soit de l'entourage du 'frère', de 'l'ami' ou d'autres cercles occultes."

Le plan présenté par le pouvoir pour la transition, qui prévoit le maintien d'Abdelaziz Bouteflika jusqu'à un nouveau scrutin présidentiel, a pourtant été confirmé mardi par le nouveau vice-Premier ministre Ramtane Lamamra lors d'une visite à Moscou.

(Avec Maria Tsvetkova à Moscou; Pierre Sérisier et Guy Kerivel pour le service français)