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Alexis Tsipras mandaté par les Grecs pour combattre l'austérité

par Renee Maltezou et Deepa Babington ATHENES (Reuters) - Alexis Tsipras a prêté serment lundi en Grèce comme nouveau Premier ministre d'un gouvernement déterminé à négocier pied à pied avec les créanciers internationaux et à tourner la page de cinq années d'austérité. Quelques heures seulement après sa très nette victoire aux législatives, le jeune chef du parti de gauche Syriza, âgé de 40 ans, a conclu dans la matinée un accord de gouvernement avec le mouvement des Grecs indépendants (droite souverainiste), ce qui lui permettra d'entamer rapidement les négociations avec les bailleurs de fonds d'Athènes. "Nous avons une route abrupte à gravir", a déclaré Alexis Tsipras au président Karolos Papoulias juste avant de prêter serment, sans cravate comme à son habitude, ni la bénédiction -orthodoxe- qui accompagne traditionnellement cette cérémonie: il en avait fait la demande à l'archevêque Ieronymos. Syriza a frôlé dimanche la majorité absolue, avec plus de 36% des voix et 149 députés sur un total de 300 à la Vouli. Avec le renfort des Grecs indépendants, qui disposent de 13 élus au parlement, le nouveau gouvernement disposera d'une majorité de 162 sièges. L'accord conclu avec le petit parti de Panos Kammenos donne naissance à une alliance gauche-droite inhabituelle mais soudée par l'opposition aux conditions dont dépend l'aide financière de la "troïka" (Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international). "La Grèce laisse derrière elle une austérité catastrophique, elle laisse derrière elle la peur et l'autoritarisme, elle laisse derrière elle cinq années d'humiliation et d'angoisse", a affirmé dimanche soir Alexis Tsipras, le poing levé, devant plusieurs milliers de ses supporters réunis à Athènes. Les marchés financiers ont réagi plutôt calmement à la victoire de Syriza: la Bourse d'Athènes a cédé plus de 3% mais l'euro, tombé dans la nuit à 1,11 dollar, est remonté à 1,1260. Le rendement des obligations d'Etat grecques à 10 ans, lui, se tendait légèrement mais restait sous la barre de 9%. UN NOUVEAU GOUVERNEMENT DÉVOILÉ MARDI Le gouvernement que s'apprête à former Alexis Tsipras sera le premier, dans la zone euro, élu sur un programme d'opposition aux politiques de rigueur budgétaire et d'austérité économique prônées par l'UE depuis le début de la crise et toujours défendu par plusieurs pays membres, Allemagne en tête. La composition du cabinet devrait être dévoilée mardi. Yanis Varoufakis, un économiste farouchement hostile aux politiques d'austérité, devrait obtenir le portefeuille des Finances. "Le peuple de Grèce a offert un vote d'espoir. Il s'est servi des urnes, dans une splendide célébration de la démocratie, pour mettre un terme à une crise qui s'auto-alimente, nourrit l'indignité et les forces les plus sombres en Europe", a-t-il écrit sur son blog. Pour la première fois depuis 40 ans et la fin de la dictature du régime des colonels en 1974, ni les socialistes du Pasok, ni les conservateurs aujourd'hui regroupés dans Nouvelle Démocratie (ND), le parti du Premier ministre sortant Antonis Samaras, ne seront au pouvoir à Athènes. Nouvelle démocratie a pris la deuxième place du scrutin avec 27% des voix devant le parti d'extrême droite Aube dorée (6,3%) et le parti centriste To Potami (6%), le Pasok terminant à la septième place (4,7%). Le mouvement des Grecs indépendants, né en 2012 d'une scission de ND, diffère de Syriza sur nombre de sujets de société, comme l'immigration illégale, qu'il veut réprimer, ou les liens entre l'Etat et l'Eglise orthodoxe, qu'il défend. Mais les deux partis se retrouvent sur la même ligne dans leur rejet des contreparties liées aux 240 milliards d'euros des plans d'aide accordés à la Grèce. Le parti de droite a notamment bataillé pendant la campagne des législatives contre la levée d'un moratoire sur les saisies de biens immobiliers réclamée par les créanciers internationaux. "Pas de maisons aux mains de banquiers! Le chantage est terminé", a lancé Panos Kammenos. LA GRÈCE "DOIT PAYER, CE SONT LES RÈGLES DU JEU" Les ministres des Finances de la zone euro devaient débattre de l'issue du scrutin grec lors de leur réunion mensuelle en fin de journée à Bruxelles. Les Européens se sont dits prêts à accorder plus de temps à Athènes pour rembourser son passif mais ne semblent guère disposés à négocier une réduction de la dette. Le ministre italien de l'Economie Pier Carlo Padoan a toutefois relevé que le message envoyé par la Grèce était le besoin de croissance et d'emploi, qu'il fallait concilier avec la rigueur budgétaire, ce que ne cesse de répéter le président du Conseil Matteo Renzi. "La France sera aux côtés de la Grèce" pour préparer son avenir, a de son côté déclaré François Hollande au nouveau Premier ministre grec, Alexis Tsipras, lors d'un entretien téléphonique. Du côté de la BCE, Benoît Coeuré, l'un des six membres du directoire de l'institution, a d'ores et déjà exclu tout effacement, même partiel, de la dette grecque, sans pour autant non plus fermer la porte à un rééchelonnement. Alexis Tsipras "doit payer, ce sont les règles du jeu européen, il n'y a pas de place pour un comportement unilatéral en Europe, cela n'exclut pas une discussion par exemple sur le rééchelonnement de cette dette", a-t-il dit. La Grèce, dont la dette, à 321 milliards d'euros, représente 175% du produit intérieur brut, est incapable de se financer seule sur les marchés alors qu'elle devra faire face à environ 10 milliards d'euros d'échéances cet été. Elle doit donc trouver un compromis avec la troïka pour débloquer le paiement des sept milliards d'euros d'aide en suspens, alors que le plan de financement en cours expire le 28 février. Une suspension de six mois des échéances prévues pourrait être le premier sujet à l'ordre du jour des négociations. (avec Angeliki Koutantou et George Georgiopoulos; Pierre Sérisier, Henri-Pierre André, Marc Angrand et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)