Ajaccio: Belaïli, le dérapage de trop au bout d'une carrière chaotique ?
"Il se dit beaucoup de choses fausses sur lui. Il a une image qui laisse à penser que partout où il passe il a des problèmes. Mais il n’a pas de problème ici. Il est revenu blessé de sélection, on s’en est expliqué, il s’est reblessé ensuite à l’entraînement, mais il n’y a aucun souci avec lui. Ça a été monté en épingle. C’est un très gentil garçon avec qui on n’a pas de souci." C’était il y a cinq jours. Avant le match contre Brest à François-Coty, Olivier Pantaloni prenait encore la défense de Youcef Belaïli sur beIN Sports. Il aura bien du mal à tenir le même discours aujourd’hui. Encore une fois porté disparu, le fantasque milieu algérien (31 ans) fait l’objet d’une procédure disciplinaire lancée par l’ACA pour avoir séché la reprise des entraînements après le nul de ce week-end (0-0).
Une nouvelle disparition
"Une rencontre à l’issue de laquelle, le joueur a eu un comportement inapproprié envers nos supporters, ce que l’AC Ajaccio condamne avec la plus grande fermeté", a précisé le club corse dans un communiqué publié ce vendredi. Selon L’Equipe, Belaïli aurait été aperçu en train d'embarquer dans un avion mardi soir. Pour possiblement prendre la direction d’Oran, sa ville natale. La goutte de trop pour le 19e de Ligue 1, qui avait préféré passer l’éponge au moment de sa précédente "disparition" entre fin mars et début avril. Parti disputer deux matchs de qualification à la CAN avec les Fennecs, Belaïli n’était pas tout de suite rentré en Corse dans la foulée de la trêve internationale. A en croire la version officielle de l'ACA, il était alors blessé aux adducteurs et avait été autorisé à se soigner en Algérie. Sauf que d’après L’Equipe, le joueur avait simplement transmis l'image d'une échographie, prouvant effectivement une blessure.
Mais il avait pris de son propre chef la décision de rester auprès de sa famille. Et ce, alors qu'il aurait dû avoir dans un premier temps l'autorisation du club. Le mystère autour de sa situation avait duré quelques jours jusqu’à sa réapparition à l’entraînement le 5 avril. L’ACA avait seulement reconnu qu’il était rentré avec "48h de retard par rapport à la date de retour convenue". Il n’y avait pas eu de sanction, le club misant alors sur lui pour nourrir le rêve d’un improbable maintien. "Il n'y a jamais eu d'histoire Belaïli, si c'est de cela dont vous voulez parler. Oui, il est revenu en retard de sélection, mais il s'est blessé. Tant que les joueurs mettent de la bonne volonté à l'entraînement, je compte sur eux. Youssef fait partie de ces joueurs-là", martelait encore samedi dernier Pantaloni. Et c’est vrai que l’histoire avait plutôt bien démarré. Avec quatre buts sur ses six premiers matchs et cette impression de facilité lui permettant de survoler lors de certaines rencontres.
Une suspension de deux ans
Comme contre Strasbourg en novembre (4-2) lorsqu’il signe une première période stratosphérique en faisant vivre un calvaire à la défense alsacienne. A ce moment-là, Ajaccio pense avoir réussi un gros coup en le relançant après la résiliation de son contrat avec le Stade Brestois. Conseillé par Andy Delort, le coordinateur sportif Johan Cavalli se dit que son club est capable de tirer le maximum de ce joueur qu’il connaît bien, au talent indéniable mais qui a autant besoin d’être cajolé que secoué pour performer et ne pas retomber dans ses travers. Car les casseroles sont là. La carrière de Belaïli ressemble à une courbe sinusoïdale faite d'incessants hauts et de bas, de moments de gloire et d'incompréhension. Ils étaient peu nombreux à miser sur son retour dans la lumière lorsqu'il quitte Angers en janvier 2018, seulement quatre mois après sa signature. Alors sans club, il était venu se relancer dans l'Anjou, au sortir de deux ans de suspension pour consommation de substance illicite.
Ça, c'était en 2015. Il avait 23 ans et était en pleine ascension à l'USM Alger, qu'il avait rejoint un an plus tôt après avoir été élu meilleur joueur de l’Espérance de Tunis en 2012-2013. L'Europe le draguait et son destin semblait tout tracé. Avant de voir ses rêves s'envoler pour un contrôle positif à la cocaïne. Pour se défendre, le prodige avait reconnu avoir fumé lors d'une fête sans savoir que de la cocaïne avait été mélangée au tabac. Sa suspension initiale de quatre ans avait ainsi été réduite à deux après un appel devant le Tribunal arbitral du sport. Mais sa carrière venait de subir un coup d'arrêt. A la surprise générale, c'est donc Angers, par l'intermédiaire de son président Saïd Chabane, né à Alger, qui avait fait le pari de lui donner une seconde chance. "On est heureux de lui tendre la main. Tout le monde fait des bêtises, même vous, même moi ! On l'a choisi les yeux fermés", s’enflammait le patron du SCO au moment de son arrivée.
Dérapages en série à Brest
Avant de rapidement déchanter. Agacé par son temps de jeu famélique, avec une seule apparition en Coupe de la Ligue toutes compétitions confondues, Belaïli s'était vite résolu à faire ses valises. Pour un retour à l'ES Tunis. C'est là-bas qu'il retrouve sa forme et refait peu à peu parler de lui pour ses prestations sur le terrain et non plus pour ses frasques en-dehors. En 2018, son palmarès s'étoffe avec un titre de champion de Tunisie et une victoire en finale de la Ligue des Champions africaine. Même scénario l'année suivante. Djamel Belmadi lui offre en parallèle une place et un statut en sélection. Belaïli passe un cap supplémentaire lors de la CAN 2019, et les clubs de Ligue 1 s’emballent. Des rumeurs l’envoient à Saint-Etienne ou Montpellier, des fans de l’OM poussent pour son arrivée, mais ce n’est qu’en janvier 2022 qu’il retrouve la Ligue 1, du côté de Brest. L’histoire dure huit mois et son départ se fait par la petite porte.
Avec un bilan sportif marqué par une irrégularité criante et surtout plusieurs couacs extrasportifs (retards à l’entraînement, virée nocturne après un match au Parc…). Une maison qu'il louait en banlieue de Brest a par exemple dû être en partie rénovée car laissée dans un état déplorable avec des travaux à hauteur de 50.000 euros selon le journal régional Le Télégramme. Un come-back en Algérie est évoqué mais Ajaccio lui tend la main. Lui rassure sur sa motivaion : "J’ai choisi Ajaccio car j’ai parlé avec Andy Delort, il m’a dit que c’était un bon club. Je vais tout donner pour le club, marquer des buts, des passes décisives pour rester en Ligue 1. J’ai de l’expérience, je vais tout donner. L’objectif c’est le maintien." Aujourd'hui avant-dernier au classement, l'ACA pointe à dix longueurs du premier non relégable, le FC Nantes, et il semble peu probable de revoir Belaïli, qui sera libre au mois de juin, reporter les couleurs blanches et rouges. Reste à savoir où il rebondira. Et si les portes de la Ligue 1 (et du plus haut niveau) se refermeront pour de bon après cet énième dérapage.