Afghanistan: Plusieurs morts dans des manifestations anti-taliban

AFGHANISTAN: PLUSIEURS MORTS DANS DES MANIFESTATIONS ANTI-TALIBAN

KABOUL (Reuters) - Des manifestants brandissant le drapeau national afghan se sont rassemblés dans plusieurs villes d'Afghanistan jeudi, à l'occasion de la fête nationale célébrant l'indépendance du pays et un témoin a signalé plusieurs morts à Assadabad, lorsque les taliban ont tiré sur la foule.

"Des centaines de personnes sont descendues dans la rue" et "plusieurs personnes ont été tuées ou blessées", a déclaré Mohammed Salim, qui s'est joint à la manifestation à Assadabad, dans l'est du pays, muni du drapeau tricolore national (noir, rouge et vert).

Selon le témoignage de cet habitant de la capitale de la province orientale de Kounar, frontalière du Pakistan, il n'était pas clair dans l'immédiat si les victimes étaient tombées sous les tirs ou lors de la bousculade qu'ils ont déclenchée.

Alors que l'Afghanistan célèbre ce jeudi son indépendance de la tutelle britannique, d'autres manifestations - sans incident pour l'instant - ont été signalées dans l'est du pays, près de la frontière pakistanaise, dans la ville de Jalalabad, ainsi que dans un district de la province de Paktia.

Les médias ayant signalé ces rassemblements - premiers signaux de l'opposition populaire aux taliban depuis leur conquête de Kaboul dimanche - rapportent que certains manifestants auraient déchiré le drapeau blanc des taliban frappé de la "chahada" (la profession de foi des musulmans-NDLR).

Une vidéo postée sur les réseaux sociaux a montré un rassemblement comparable à Kaboul.

L'OPPOSITION ENDOGÈNE TENTE DE S'ORGANISER

Aucun porte-parole des taliban n'était joignable dans l'immédiat pour un commentaire mais le premier vice-président Amrullah Saleh, qui tente de rassembler l'opposition aux taliban, a soutenu ces manifestations sur Twitter.

"Hommage à ceux qui portent le drapeau national en défendant la dignité de la nation", a écrit Amrullah Saleh, qui a annoncé mardi être toujours en Afghanistan et assurer le rôle de "président intérimaire légitime" après la fuite du président Ashraf Ghani aux Emirats arabes unis.

Dans le traditionnel bastion de l'opposition aux taliban, la vallée du Panshir, situé à environ 150 kilomètres au nord-est de Kaboul, Ahmad Massoud a appelé les opposants aux taliban à le rejoindre et invité les puissances occidentales à le soutenir.

Le fils du commandant Ahmad Shah Massoud - chef de l'Alliance du Nord assassiné par deux agents d'Al Qaïda juste avant les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis - a notamment lancé cet appel dans le Washington Post.

Parallèlement, d'autres anciens responsables politiques - dont l'ancien président Hamid Karzaï et l'ex-vice-président Abdullah Abdullah - ont continué de discuter avec les taliban, dans le cadre des consultations organisées par les islamistes pour le futur gouvernement qu'ils comptent mettre en place.

Le futur exécutif pourrait prendre la forme d'un Conseil dirigé par le guide suprême des taliban, Haibatullah Akhundzada, a déclaré mercredi à Reuters un haut responsable du mouvement, Waheedullah Hashimi.

STRATÉGIE DES OCCIDENTAUX À COORDONNER

A Kaboul, après plusieurs jours de chaos à l'aéroport pris d'assaut par les candidats au départ, la foule a de nouveau été dispersée jeudi par des tirs en l'air nourris au niveau de plusieurs entrées de l'aéroport.

Il n'était pas clair dans l'immédiat si ces tirs de sommation provenaient des taliban qui patrouillent aux abords de l'aéroport ou des personnels de sécurité secondant les forces américains qui contrôlent les infrastructures aéroportuaires.

Au total, 12 personnes sont mortes depuis dimanche à l'aéroport et dans ses alentours, victimes de tirs ou de bousculades, selon un responsable de l'Otan et un représentant des taliban.

Un représentant des taliban ayant requis l'anonymat a invité les Afghans ne disposant pas des titres nécessaires pour voyager à rentrer chez eux. "Nous ne voulons pas blesser qui que ce soit à l'aéroport", a-t-il déclaré.

Parallèlement, les Occidentaux poursuivent les évacuations de leurs ressortissants et des Afghans qu'ils souhaitent protéger, avec environ 8.000 personnes évacuées depuis dimanche, selon un responsable occidental de la sécurité.

Côté français, l'état-major de l'armée française a annoncé jeudi sur Twitter qu'une "quatrième rotation" via le pont aérien reliant Kaboul à la base française des Emirats arabes unis (EAU), à Abou Dhabi, avait permis d'évacuer 70 personnes qui devraient rejoindre la métropole dans la soirée.

Le président des Etats-Unis Joe Biden a annoncé mercredi que les troupes américaines pourraient rester au-delà de la date fixée pour leur retrait définitif le 31 août, si les évacuations des Américains n'étaient pas achevées d'ici là.

Les Occidentaux, pris de court par la rapidité de la progression des taliban, tentent désormais de coordonner leur stratégie, au-delà de la simple organisation des évacuations.

Le président du Conseil italien Mario Draghi, dont le pays assure cette année la présidence tournante du Groupe des Vingt (G20), tente de mettre sur pied une réunion de cette instance avant le prochain sommet prévu en octobre à Rome, ont rapporté jeudi les quotidiens italiens La Repubblica et Il Messaggero.

Le Premier ministre britannique Boris Johnson, à qui incombe cette année la présidence du Groupe de Sept (G7), et Joe Biden sont déjà convenus d'organiser une réunion par visioconférence des dirigeants concernés la semaine prochaine.

(Reportage bureaux de Kaboul et de Washington, rédigé par Lincoln Feast ; version française Myriam Rivet, édité par Blandine Hénault)