Afghanistan: Des soldats américains envoyés à Kaboul pour des évacuations face aux gains taliban

KABOUL (Reuters) - Les Etats-Unis vont provisoirement redéployer des milliers de soldats à Kaboul afin de procéder à l'évacuation d'une grande partie de leur personnel diplomatique, sur fond de nouvelles avancées des insurgés taliban vers la capitale afghane après la prise jeudi de deux villes majeures supplémentaires.

Les taliban ont revendiqué jeudi la prise d'Herat, la troisième ville d'Afghanistan, située près de la frontière avec l'Iran, après s'être emparés dans la journée d'une neuvième capitale provinciale, Ghazni, dans la province du même nom, à 150 kilomètres au sud-ouest de Kaboul.

Selon une source diplomatique, les taliban étaient aussi proches de prendre Kandahar, la deuxième plus grande ville du pays et berceau spirituel des insurgés islamistes, ce qui constituerait une nouvelle victoire majeure depuis qu'ils ont intensifié en mai leurs offensives à travers le pays.

Face à l'escalade des affrontements, les Etats-Unis et l'Allemagne ont exhorté leurs ressortissants à quitter l'Afghanistan au plus vite, moins de trois semaines avant la fin programmée de l'intervention militaire américaine, le 31 août, qui marquera aussi le retrait des troupes de l'Otan.

Washington a annoncé jeudi qu'il allait réduire à un "noyau diplomatique" sa présence civile à Kaboul. Le porte-parole du département d'Etat américain a indiqué que l'ambassade américaine à Kaboul resterait ouverte et que les travaux diplomatiques se poursuivraient.

Les Etats-Unis vont ainsi procéder dans les prochains jours à l'évacuation d'une grande partie de leur personnel de l'ambassade de Kaboul, ainsi que de demandeurs d'asile afghans, en redéployant des troupes dans la capitale.

Le Pentagone a indiqué que 3.000 soldats seraient envoyés sur place sous deux jours, ajoutant qu'il s'agissait d'une mission temporaire.

A Londres, le gouvernement britannique a fait savoir qu'il allait déployer des centaines de soldats en Afghanistan d'ici la fin de semaine pour aider les ressortissants britanniques et des traducteurs locaux à quitter le pays.

Les taliban ont exclu jeudi un accord de partage du pouvoir avec l'actuel gouvernement du président Ashraf Ghani, alors que le département d'Etat américain a déclaré mercredi que les éléments suggéraient que les insurgés islamistes cherchaient à obtenir une victoire militaire.

PLUS DE 1.000 CIVILS TUÉS EN UN MOIS SELON L'ONU

Interrogé sur une proposition en ce sens qu'aurait effectuée le gouvernement de Kaboul en échange de l'arrêt des violences, selon la chaîne de télévision Al Jazeera, un porte-parole des taliban a dit ne pas être informé d'une telle offre mais a rejeté le principe d'un partage du pouvoir.

"Nous ne voulons pas être un partenaire de l'administration de Kaboul. Nous ne travaillerons pas une seule journée avec eux", a dit Zabihullah Mujahid.

Les taliban contrôlent désormais environ deux tiers de l'Afghanistan. Un représentant du département américain de la Défense a confié mercredi à Reuters que les insurgés islamistes pourraient isoler Kaboul sous un mois puis potentiellement s'emparer de la capitale d'ici 90 jours.

Une source sécuritaire occidentale a déclaré que des civils faisant route vers la capitale pour échapper aux violences ailleurs dans le pays affluaient sur tous les accès à Kaboul, qui se trouve dans une vallée montagneuse. Il est difficile de déterminer si des combattants taliban se trouvent parmi la foule et accèdent aussi à Kaboul, a indiqué cette source.

Selon les Nations unies, plus de 1.000 civils ont été tués depuis un mois mais les taliban démentent cibler ou tuer des civils.

Les insurgés ont dit s'être emparés aussi des aéroports en périphérie de Kunduz et Sheberghan, dans le nord du pays, et de Farah, dans l'ouest, autant de villes qui étaient déjà entre leurs mains.

En contrôlant ces infrastructures, ils perturbent l'approvisionnement des forces gouvernementales, autour desquelles ils resserrent leur étau.

Les insurgés ont indiqué avoir également pris le contrôle du siège du gouvernement provincial à Lashkar Gah, capitale de la province du Helmand, dans le sud du pays, dans laquelle les taliban sont traditionnellement très présents.

Les violences suscitent par ailleurs des inquiétudes croissantes dans les pays européens, à mesure que les réfugiés affluent. L'Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse et la France ont fait savoir qu'ils suspendaient, pour l'instant, les expulsions des ressortissants afghans réclamant le droit d'asile.

(Reportage du bureau de Kaboul, avec le bureau de Washington; version française Myriam Rivet, Caroline Pailliez et Jean Terzian, édité par Marc Angrand)