Il droguait sa femme pour la livrer à des inconnus: le frère de l'accusé témoigne pour la première fois
Il dit avoir "perdu son petit frère". Thierry (prénom d'emprunt) est l'aîné de Dominique P., Vauclusien de 70 ans accusé d'avoir drogué son épouse pendant près de 10 ans pour la livrer aux viols d'une cinquantaine d'hommes. Auprès de Paris Match, ce médecin retraité de 72 ans témoigne pour la première fois.
Le 12 septembre 2020, il apprend que son frère a été interpellé après avoir filmé sous les jupes des clientes dans un supermarché de Carpentras. Au cours d'une perquisition, les policiers saisissent son téléphone, son ordinateur et ses disques durs.
Ils y découvrent l'innommable: des centaines de vidéos montrant sa femme, inerte, violée tour à tour par différents hommes dans la chambre conjugale. Sur une clé USB, les faits sont scrupuleusement datés, répertoriés dans un dossier intitulé "abus".
Protocole sordide
Les agresseurs sont de parfaits inconnus, âgés de 25 à 72 ans. La justice en identifie 51, auteurs de quelque 92 viols. Dominique P. les contactait sur le forum Coco.fr via un salon de discussion appelé "À son insu" au sein duquel des internautes échangeaient au sujet de rapports sexuels non consentis avec leurs partenaires.
L'enquête révèle le protocole sordide auquel les agresseurs devaient se plier: arriver à pied, ne pas fumer ni mettre de parfum pour éviter les odeurs, se déshabiller dans la cuisine pour ne pas oublier de vêtements dans la chambre, et puis violer, sans préservatif. Droguée aux anxiolytiques mélangés à son dîner, la victime ne se rendait compte de rien.
Le "chouchou de la famille"
"C'est inimaginable", souffle aujourd'hui son frère Thierry, qui explique ne s'être douté de rien. À Paris Match, il évoque une enfance insouciante avec un "frère adoré", le "chouchou de la famille".
À l'école, Dominique P. était selon lui un "élève médiocre", obtenant son CAP "de justesse". Électricien, chef d'entreprise de société, puis agent immobilier et enfin agent technico-commercial, il avait "tendance à vivre au-dessus de ses moyens".
Cependant, Thierry n'a jamais observé chez son frère de comportements déplacés. "Il ne supportait pas les blagues grivoises. Si on regardait la télévision et qu'il était question d'échangisme, par exemple, c'était lui le plus choqué. C'est fou cette double personnalité. C'est Dr Jekyll et Mr Hyde!", s'insurge-t-il dans les colonnes de l'hebdomadaire.
Une famille anéantie
"J'ai tenté de trouver l'élément déclencheur qui pourrait tout expliquer, mais je ne l'ai pas. Durant toute notre enfance, je n'ai rien remarqué", poursuit-il.
Devant l'enquêtrice de personnalité, mandatée par le juge d'instruction, Dominique P. a expliqué avoir été violé par un infirmier à l'âge de 9 ans, lors d'un séjour de plusieurs jours dans une clinique. Selon Thierry, "il n'a passé qu'une seule nuit à la clinique et, en revenant, il a seulement parlé d'attouchements". "Ma mère, qui connaissait bien l'établissement, s'est renseignée et il n'y avait que des infirmières cette nuit-là", assure-t-il en dénonçant une histoire "inventée pour se victimiser".
Les révélations en cascade des enquêteurs ont anéanti la famille. Outre les viols de sa femme, Dominique P. a aussi photographié sous la douche ses deux belles-filles avant d'en diffuser les images sur internet. Sur son matériel informatique, il possédait aussi une photo de sa propre fille Caroline, inerte sur un lit, portant les sous-vêtements de sa mère.
Celle-ci a écrit un livre, "Et j'ai cessé de t'appeler papa" (Ed. JC Lattès), dans lequel elle décrit la déflagration provoquée par la révélation des agissements de son père, dont elle ignorait tout. Trois ans après les faits, Thierry explique lui s'être "fait aider par un psy". "Il a fallu que je regarde les choses en face: j'ai perdu mon petit-frère".
Le procès de Dominique P., et des 51 hommes accusés de viols, doit avoir lieu au printemps 2024 devant la cour criminelle du Vaucluse.