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Affaire Skripal: May juge très probable la responsabilité de la Russie

Theresa May a déclaré lundi qu'il était "hautement probable" que la Russie soit responsable de l'empoisonnement de l'ex-agent double russe Sergueï Skripal et de sa fille le 4 mars dernier dans le sud de l'Angleterre. /Photo prise le 2 mars 2018/REUTERS/Leon Neal

par Alistair Smout et Michael Holden

LONDRES (Reuters) - Theresa May a déclaré lundi qu'il était "hautement probable" que la Russie soit responsable de l'empoisonnement de l'ex-agent double russe Sergueï Skripal et de sa fille le 4 mars dernier dans le sud de l'Angleterre.

Sergueï Skripal, 66 ans, et sa fille Ioulia, 33 ans, ont été agressés au moyen d'un agent neurotoxique de qualité militaire d'un type développé par la Russie, selon la Première ministre britannique.

Cet agent appartient à la famille d'agents innervants Novitchok développée par l'Union soviétique dans les années 1970 et 1980, a précisé Theresa May devant la Chambre des communes.

Soit l'Etat russe est directement responsable de leur empoisonnement, soit il a laissé leurs agresseurs se procurer l'agent neurotoxique utilisé à Salisbury, a-t-elle ajouté.

Londres attend une réponse d'ici mardi soir.

"Mercredi, nous examinerons en détail la réponse de l'Etat russe", a prévenu Theresa May.

"Si la Russie ne fournit aucune réponse crédible, la Grande-Bretagne conclura que cet acte équivaut à un usage de la force par l'Etat russe sur le territoire britannique", a-t-elle dit, parlant d'un acte "abject et irresponsable".

Theresa May a déclaré que l'ambassadeur de Russie à Londres avait été convoqué par le secrétaire au Foreign Office Boris Johnson pour expliquer comment un tel agent innervant avait pu être utilisé.

A Moscou, le ministère russe des Affaires étrangères, cité par des agences de presse, a estimé que les affirmations de Theresa May relevaient du domaine du "cirque" et du "spectacle" et dénoncé une "campagne d'information politisée se basant sur une provocation".

"De telles déclarations provocatrices, qui alimentent l'hystérie anti-russe, ne font que compliquer les relations entre nos pays et portent un coup à l'ensemble du sport mondial", a-t-il encore déclaré, par allusion aux menaces britanniques de boycotter la Coupe du monde de football qui se déroulera en juin et juillet en Russie.

Devant le Parlement, la Première ministre britannique a assuré que son gouvernement était prêt à prendre des "mesures beaucoup plus larges" contre la Russie que par le passé.

"CELA NE CONCERNE PAS LE GOUVERNEMENT RUSSE"

Le président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des communes, Tom Tugendhat, a réclamé que les oligarques russes soient déclarés persona non grata à Londres.

La capitale britannique est parfois baptisée Londongrad en raison des grandes quantités d'investissement qu'y ont effectué les hommes d'affaires russes depuis la chute de l'URSS en 1991.

Avant de s'adresser au Parlement, Theresa May avait présidé dans la matinée une réunion de son Conseil national de sécurité pour faire le point sur l'enquête en cours depuis huit jours.

Sergueï Skripal et sa fille sont hospitalisés dans un état critique depuis qu'ils ont été retrouvés inconscients sur un banc devant un centre commercial de Salisbury. Un policier s'étant porté à leur secours a également été intoxiqué. Il est dans un état grave mais stable.

Les enquêteurs ont établi qu'un agent neurotoxique était à l'origine de leur état, mais n'avaient pas dit plus précisément de quelle substance il s'agissait.

Avant le discours de May, le Kremlin avait indiqué dans la journée que l'empoisonnement de Skripal ne concernait pas les autorités russes. "Le ressortissant russe que vous mentionnez travaillait pour les services de renseignement britanniques. L'incident s'est déroulé en Grande-Bretagne. Cela ne concerne pas le gouvernement russe", a dit Dmitri Lavrov, le porte-parole de Vladimir Poutine.

La télévision publique russe y voit elle un complot britannique visant à perturber les préparatifs de la Coupe du monde de football que la Russie organise à partir du 14 juin.

POLONIUM ET PARAPLUIE

A Washington, la Maison blanche a dit suivre le dossier de près et se tenir au côté du Royaume-Uni, "son plus proche allié".

Sergueï Skripal a donné les noms de plusieurs dizaines d'agents russes aux services de renseignement britanniques avant d'être arrêté à Moscou en 2004. Il a été condamné à 13 ans de prison en 2006 mais a pu gagner la Grande-Bretagne en 2010 après avoir été échangé contre des espions russes.

Beaucoup, dans les médias et sur la scène politique britanniques, ont comparé l'affaire Skripal à l'assassinat de l'ancien agent du KGB Alexandre Litvinenko, détracteur de Poutine, mort à Londres en 2006 après avoir bu du thé contenant une substance radioactive, le polonium 210.

Une enquête britannique a conclu que le meurtre de Litvinenko avait probablement été approuvé par Poutine et commis par deux Russes, Dmitri Kovtoune et Andreï Lougovoï, un ancien du KGB devenu par la suite député. Le Kremlin a démenti toute implication.

A Londres encore, le 11 septembre 1978, décédait le dissident bulgare Georgi Markov, empoisonné à la ricine à l'aide d'un parapluie sur le Waterloo Bridge.

(Avec Maria Tsvetkova et Andrew Osborn à Moscou; Eric Faye, Tangi Salaün, Henri-Pierre André et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)