Violences policières : ces affaires qui ont marqué l'opinion publique

Manifestation contre les violences policières, à Toulouse.

Retour sur les accusations de violences policières de ces dernières années qui ont marqué l’opinion publique, de la mort de Zyed et Bouna, au passage à tabac de Michel par trois policiers, à Paris.

Emmanuel Macron a été “très choqué” par la vidéo montrant trois policiers passer à tabac un producteur de musique à Paris. Cette affaire de violences policières, qui suscite un émoi national, s’ajoute à d’autres accusations de dérapages de policiers qui ont marqué l’opinion ces dernières années.

De la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois, au passage à tabac de Michel par trois policiers, retour sur les accusations de violences policières qui ont marqué l’opinion publique ces 15 dernières années.

Zyed Benna et Bouna Traoré, 27 octobre 2005

À Clichy-sous-Bois, ces deux jeunes, âgés respectivement de 17 et 15 ans, tentent de fuir un contrôle de police. Pourchassés par les forces de l’ordre, ils se réfugient sur un site EDF de la commune et entrent dans un local en béton abritant une réactance, dispositif très dangereux. Ils meurent tous deux électrocutés. Un troisième jeune qui les accompagne survit, brûlé sur 10% du corps.

L’un des policiers lancé à leur poursuite avait vu deux “silhouettes” enjamber un grillage délimitant un cimetière et pénétrer ainsi dans un petit bois dans lequel, 5 mètres plus loin, un mur interdisait l’accès au site EDF. “S’ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau”, lançait-il à la radio, rapporte Le Monde.

La mort de Zyed et Bouna avait entraîné trois semaines d’émeutes dans plusieurs villes de banlieue et la déclaration de l’état d’urgence. Les deux policiers poursuivis pour non assistance à personne en danger ont été relaxés, dix ans plus tard, le tribunal estimant que les deux policiers n’avaient pas connaissance d’un danger “certain et imminent” pour les jeunes quand ils ont quitté les lieux.

Rémi Fraisse, 26 octobre 2014

Ce jeune militant écologiste de 21 ans est tué le 26 octobre 2014 à Sivens, dans le Tarn, lors d’une opération de gendarmerie sur un site où sont réunis des opposants à la construction d’une retenue d’eau. L’évacuation est marquée par des heurts violents entre militants et gendarmes.

Rémi Fraisse est mortellement blessé par une grenade offensive, lancée par un gendarme lors d’une opération, qui s'est coincée derrière la tête de la victime, entre son cou et le sac à dos qu'elle portait. En janvier 2018, les juges d'instruction avaient statué en faveur d'un non-lieu pour le militaire. Décision confirmée en janvier 2020 par la cour d’appel de Toulouse

Dans leur décision, les juges expliquent l'utilisation de cette grenade qui n'était pas, à l'époque des faits, “classée dans la catégorie des armes létales”, s'inscrivait dans le cadre d'une riposte “proportionnée à la menace”. Car depuis, ces armes, les grenades offensives, ont été interdites. “La famille s'y attendait de la part de la justice française en matière de violences policière. C'est malheureusement le sentiment d'impunité judiciaire des policiers et gendarmes qui continue à causer des morts en France”, expliquait alors face à la presse l’un des avocats de la famille de Rémi Fraisse, Me Arié Alimi.

Adama Traoré, 19 juillet 2016

Âgé de 24 ans, Adama Traoré meurt dans la cour de la gendarmerie de Persan, dans le Val-d’Oise, d’un syndrome asphyxique. Plus tôt, il tente d’échapper à un contrôle des forces de l’ordre en prenant la fuite, à pied, puis se réfugie chez un riverain. Les gendarmes parviennent à le localiser et à l’interpeller. Menotté, il est placé dans le véhicule de la gendarmerie, et se serait rapidement plaint de difficultés à respirer. Durant le court trajet vers la gendarmerie de Persan, Traoré semble perdre connaissance. Appelés, les pompiers découvre Adama Traoré à la caserne, allongé sur le ventre, menotté dans le dos, sans pouls et en arrêt respiratoire.

L’interpellation est au coeur des interrogations. Les gendarmes ont-ils réalisé un placage ventral, qui pourrait être la cause de la mort ? Ou une pathologie antérieures peut-elle expliquer sa mort ? “On se trouvait à trois dessus pour le maîtriser”, indique lors de l’enquête l’un des militaires impliqué. Durant l’enquête, toujours en cours, se succèdent de nombreuses expertises et contre-expertises, qui se contredisent.

Sa mort est devenue un symbole des violences policières. Le comité “Justice pour Adama” est crée pas sa famille et rassemble chaque année des dizaines de milliers de personnes.

Théo Luhaka, 2 février 2017

À Aulnay-sous-Bois, le jeune homme de 22 ans est interpellé vers 17h, dans une cité de la ville de Seine-Saint-Denis. L’interpellation, violente, est filmée par la vidéosurveillance . Les images montrent le jeune homme tenter de se débattre alors que les policiers tentent de l’immobiliser, puis il s’effondre. Les policiers l’emmènent ensuite à l’écart de la vidéosurveillance, dont les images sont révélées par Europe 1.

Théo est grièvement blessé par un coup de matraque dans la zone rectale, il est hospitalisé. Selon les médecins, le coup de matraque a heurté “la bordure de l'anus”, sans le pénétrer.

L’affaire Théo entraîne des violences urbaines durant plusieurs nuits. François Hollande, alors président de la République, se rend au chevet de Théo, sur son lit d’hôpital. Théo est aujourd’hui handicapé à vie.

Trois policiers impliqués dans l’interpellation violente de Théo seront jugés devant une cour d’assises pour “violences volontaires”, la qualification de “viol” ayant été abandonnée. Un quatrième policier, témoin de la scène, bénéficie d’un non-lieu.

Zineb Redouane, 1er décembre 2018

C’est début du mouvement des gilets jaunes. À Marseille, comme dans de nombreuses autres villes, se déroule une manifestation à l’occasion de l’acte 3 du mouvement. Des heurts marquent la mobilisation et les forces de l’ordre utilisent des gaz lacrymogènes, lancés à longue distance notamment au moyen de lanceurs cougars.

Zineb Redouane, 80 ans, ne participe pas à la manifestation. Mais, alors que la situation dégénère, l’octogénaire ferme les volets de son appartement qui donnent sur la manifestation. Elle est touchée au visage par des morceaux de grenade lacrymogène, et décède le lendemain à l’hôpital. Une plainte est déposée par sa famille pour “violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner […] par une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions”.

La grenade a été tirée à 37m de l’appartement de Zineb Redouane, mais son auteur n’est pas identifié. Les experts en balistique rendent leur rapport en juin dernier. Selon eux, atteinte, l’octogénaire a été atteinte “de manière totalement accidentelle au cours de la progression ascensionnelle du projectile”. L’avocat de la famille dénonce un “tir tendu face à un immeuble d'habitation”, donc non réglementaire.

La conclusion du rapport exonère l’auteur du tir, qui n’a pas été identifié : “L’arme a été utilisée selon les préconisations et les procédures d’emploi en vigueur dans la police nationale”. Le nom de Zineb Redouane est devenu pour les gilets jaunes l’un des symboles de la répression policière contre le mouvement.

Le Parisien révèle, le 30 novembre 2020, qu’une contre-expertise indépendante pointe la responsabilité du tireur de lacrymogène et de son superviseur. La nouvelle expertise a été réalisée à partir du rapport balistique, mais aussi d'images de vidéosurveillance, de vidéos sur les réseaux sociaux et d'une modélisation en 3D de la scène de tir.

Sur ces images, on voit l’auteur du tir effectuer celui-ci, et toujours regarder dans cette direction, 12 secondes après ce tir. “On voit bien que le CRS ne peut avoir oublié ce tir, qui l'a visiblement beaucoup inquiété”, relève l’avocat de la famille de la victime, Yassine Bouzrou, mettant en doute l’impossibilité d’identifier l’auteur du tir.

Jérôme Rodrigues, 26 janvier 2019

Le mouvement des gilets jaunes, débuté le 17 novembre, bat son plein. Comme chaque samedi, une manifestation a lieu, à Paris. Ce 26 janvier marque l’acte 11. Sur la place de la Bastille, la situation dégénère. L’un des manifestants, Jérôme Rodrigues, s’effondre, l’oeil en sang. Éclat de grenade ? Projectile de LBD ? Quel que soit l’origine de la blessure, Jérôme Rodrigues perd l’usage de son oeil. Une enquête est ouverte et confiée à l’IGPN.

L’homme devient le symbole de la répression du mouvement des gilets jaunes. Rien qu’à Paris, le parquet a recensé plus de 200 enquêtes confiées à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) depuis le début du mouvement. Sur les 146 enquêtes clôturées, 18 ont entraîné l’ouverture d’une information judiciaire (16 à l’initiative du parquet, et deux sur plainte avec constitution de partie civile), 72 sont encore en cours d’analyse au parquet de Paris et 54 ont été classées sans suite, indiquait le parquet en novembre 2019.

Steve Maia Caniço, 21 juin 2019

La fête de la musique bat son plein, à Nantes, dans la nuit du 21 au 22 juin 2019. Une soirée est organisée en bord de Loire, à laquelle participe Steve Maia Caniço. Les organisateurs ont pour consigne de couper la musique à 4h du matin, dans cette zone sans habitation à proximité. Un des dix sound systems refuse, et la situation dégénère. Les forces de l’ordre, qui affirment avoir reçu des projectiles, utilisent des lacrymogènes, et appellent des CRS en renfort.

Parmi les fêtards, c’est la panique. Au moins sept d’entre eux tombent à l’eau, dont Steve Maia Caniço. Son corps est retrouvé un mois plus tard. Trois informations judiciaires sont instruites, une pour “homicide involontaire”, une pour “mise en danger de la vie d’autrui”, et une autre pour des violences contre les policiers. Les enquêteurs tentent d’établir, grâce à son téléphone, l’endroit précis où Steve se trouvait au moment de l’intervention policière.

L’inspection générale de l'administration a pointé dans un rapport le manque de discernement du commissaire qui a piloté l'opération de police cette nuit-là. S’il n’a pas été sanctionné, il a été muté dans une autre région. Ses proches ont lancé un nouvel appel à témoins.

Geneviève Legay, 23 mars 2019

À Nice, Geneviève Legay, militante de 73 ans au sein du mouvement altermondialiste Attac, participe à une manifestation des gilets jaunes. Une charge policière alors que la situation semble calme la projette au sol. Bilan : le crâne fracturé et plusieurs côtes cassées. Elle reste hospitalisée durant deux mois.

La scène, filmée, suscite l’indignation, d’autant qu’Emmanuel Macron s’exprime : “Quand on est fragile […] on ne se rend pas dans des lieux qui sont définis comme interdits et on ne se met pas dans des situations comme celle-ci”.

Le procureur de Nice avait d'abord démenti tout "contact" physique de la part des forces de l'ordre, des propos repris par Emmanuel Macron. Puis le magistrat avait reconnu qu'elle avait été poussée par un policier, suite à l'exploitation d'images de vidéosurveillance.

L’enquête de l’IGPN pointe du doigt une charge disproportionnée. “Les ordres donnés par le commissaire divisionnaire Souchi se caractérisent par un manque de clarté et un aspect directif”, détaille le rapport. Ils sont “inadaptés” en particulier “lors de la charge effectuée […] au cours de laquelle Madame Legay a été poussée”. Durant l’enquête, plusieurs gendarmes affirment avoir refuser d’obéir aux ordre du commissaire, leur paraissant “disproportionnés”. Un policier est mis en examen.

Cédric Chouviat, 3 janvier 2020

Ce livreur est contrôlé au guidon de son scooter par les forces de l’ordre, à Paris. La situation s’envenime, le ton monte et l’homme de 43 ans est plaqué au sol sur le ventre. Selon un témoin, une clé d’étranglement est effectuée. Victime d’un malaise cardiaque, Cédric Chouviat est transporté à l’hôpital dans le coma. Il décède deux jours plus tard. La scène est filmée par plusieurs témoins.

L’autopsie révèle une asphyxie avec “une fracture du larynx”. Alors qu’il est plaqué au sol, à sept reprises, Cédric Chouviat va dire “j’étouffe” aux policiers.

L’enquête de l’IGPN révèle plusieurs incohérences, notamment que l’un des policiers a pratiqué sur le livreur un “étranglement arrière”, non mentionné par les agents dans leurs premières déclarations. Trois policiers ont été mis en examen pour "homicide involontaire". Une quatrième fonctionnaire de police est placée sous le statut de témoin assisté. La mort de Cédric Chouviat relance la polémique autour de la technique du “placage ventral”, pointé du doigt dans la mort d’Adama Traoré.

Michel Zecler, 21 novembre 2020

Producteur de musique, Michel arrive dans ses studios, sans masque. Repéré par une patrouille de police, il est suivi. À l’intérieur, la situation dégénère. Passé à tabac, il est l’objet d’insultes racistes. La scène, violente, est filmée par la vidéosurveillance, et révélée par Loopsider.

La séquence indigne la société, et cumule en moins de 48h plus de 12 millions de vues.

Musiciens, sportifs et acteurs réagissent et dénoncent le racisme et le sentiment ”impunité” de certains policiers. Emmanuel Macron se dit “très choqué”, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, obligé de monter au créneau. Il assure qu’il demandera "la révocation" des policiers, placés en garde-à-vue.

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