Affaire Khashoggi: Mnuchin, Le Maire, annulent leur visite à Ryad

PARIS-WASHINGTON (Reuters) - Le secrétaire américain au Trésor et le ministre français de l'Economie et des Finances ont grossi jeudi la liste des responsables politiques et dirigeants d'entreprise qui ont décidé de boycotter le sommet économique de Ryad en raison de la disparition inexpliquée du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

Le "Davos du désert", prévu du 23 au 25 octobre dans la capitale saoudienne, enregistre chaque jour des défections, de la directrice du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde au président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, en passant par le ministre britannique du Commerce Liam Fox.

"Je viens de rencontrer @realDonaldTrump et @SecPompeo et nous avons décidé que je ne participerai pas au Future Investment Initiative en Arabie saoudite", a annoncé Steve Mnuchin sur Twitter à l'issue d'une rencontre avec le président et le secrétaire d'Etat américains.

"Il y a des faits qui sont graves, toute la lumière doit être faite et donc je ne me rendrai pas à Ryad la semaine prochaine", a annoncé pour sa part Bruno Le Maire sur Public Sénat.

Emmanuel Macron a expliqué que "dans les circonstances actuelles", les autorités françaises avaient décidé "de surseoir à certaines visites politiques". "Il y a des visites qui se poursuivent, qui sont celles de décideurs privés du monde des affaires", a dit le président français lors d'une conférence de presse à l'issue du sommet de Bruxelles sur le Brexit.

"C'est je crois ce qui s'imposait à court terme compte tenu de la gravité des faits et de l'absence de clarification à ce stade sur ces éléments", a-t-il ajouté.

L'Elysée a fait savoir que des échanges avaient eu lieu "au niveau des équipes diplomatiques et économiques" ces derniers jours entre Ryad et Paris et qu'Emmanuel Macron s'entretiendrait "prochainement" avec le roi Salman d'Arabie saoudite.

LA FRANCE DÉFEND SES INTÉRÊTS INDUSTRIELS

Bruno Le Maire a déclaré que sa décision ne remettait "pas en cause (le) partenariat stratégique entre la France et l'Arabie saoudite".

La ministre des Armées a souligné mercredi l'importance pour les industriels français des ventes d'armes à l'Arabie saoudite, tout en ajoutant que cette relation économique faisait l'objet "d'une analyse au millimètre près", notamment en matière de droits de l'Homme.

La France est l'un des principaux exportateurs d'armements vers le régime wahhabite.

De plus en plus, notre base industrielle et de Défense a besoin de ces exportations d'armements", a plaidé Florence Parly devant la commission des Affaires et de la Défense du Sénat.

"On ne peut pas faire totalement abstraction de tout l'impact que tout ceci a sur nos industries de défense et nos emplois", a-t-elle ajouté.

Les représentants de Google (groupe Alphabet), Ford ou ceux des banques HSBC, Standard Chartered et Crédit Suisse ont renoncé à participer à la conférence de Ryad. Le gouvernement néerlandais a quant à lui annoncé la suspension jusqu'à nouvel ordre de toutes ses missions commerciales en Arabie saoudite.

Editorialiste critique du pouvoir saoudien, Jamal Khashoggi n'a plus donné signe de vie depuis qu'il s'est rendu le 2 octobre dernier au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul.

Sa fiancée, qui l'attendait à l'extérieur, assure qu'il n'en est jamais ressorti. Selon des sources proches des services de sécurité turcs, il aurait été tué par une équipe d'une quinzaine de Saoudiens qui ont regagné leur pays le jour même.

Un quotidien turc pro-gouvernemental, Yeni Safak, affirme avoir eu accès à des enregistrements sonores prouvant que Jamal Khashoggi a été torturé et tué à l'intérieur du consulat.

"Nous n’avons pas reçu d’indications particulières sur un tel enregistrement ni sur son éventuel contenu", a déclaré jeudi à Reuters le ministère français des Affaires étrangères.

(Service international avec Sophie Louet, Marine Pennetier, Myriam Rivet et John Irish à Paris, édité par Yves Clarisse)