Affaire Grégory Villemin : deux BD sortent en même temps sur le sujet, mais ne racontent pas la même chose

Photo non datée du petit Grégory Villemin, 4 ans, retrouvé noyé le 16 octobre 1984, pieds et poings liés dans la Vologne.
AFP Photo non datée du petit Grégory Villemin, 4 ans, retrouvé noyé le 16 octobre 1984, pieds et poings liés dans la Vologne.

LIVRES - C’est sans aucun doute l’un des faits divers ayant fait couler le plus d’encre dans la presse française. Le 16 octobre 1984, le corps du petit Grégory Villemin, âgé de 4 ans, était retrouvé ligoté dans la Vologne, à quelques kilomètres de son domicile de Lépanges dans les Vosges. Un mystérieux corbeau revendiquait le meurtre prétextant une vengeance. À l’occasion de ce triste anniversaire, deux BD sortent en librairie à quelques heures d’écart, dont une à laquelle le père de l’enfant a contribué. Elles ne sont pas redondantes, mais au contraire complémentaires.

L’affaire Grégory adaptée en BD, Jean-Marie Villemin y prend la plume et revient sur l’affaire non élucidée

La première est sobrement intitulée Grégory. Elle paraît aux éditions Les Arènes ce jeudi 3 octobre et a comme spécificité d’avoir été préfacée par Jean-Marie Villemin, le père du petit garçon assassiné quarante ans plus tôt.

Le scénariste Pat Perna s’est confié à Libération sur la genèse très particulière de ce projet qui a mis deux ans à voir le jour. Deux ans d’échanges avec Jean-Marie Villemin et d’immersion dans la région vosgienne où vivait la famille. Dans la préface, que le quotidien a lue, le père de Grégory s’exprime pour la première fois depuis 18 ans et une interview au journal La Croix. « Je me demande comment nous avons survécu. Nous étions perdus, au fond du gouffre, sans aucun soutien, ballottés par les revirements et une justice erratique », écrit-il.

La voix du père du petit Grégory

Le point de vue est celui du père de famille aimant et du mari qui a vu sa vie basculer du jour au lendemain. Celui d’une victime donc, mais aussi d’un bourreau qui a voulu se faire justice lui-même en tuant son cousin Bernard Laroche, cinq mois après le drame, convaincu qu’il avait assassiné son fils. « J’ai craqué, j’ai pris la vie de mon cousin, je resterai à jamais un assassin. Je le regrette tant », confie-t-il. L’intrigue, d’ailleurs, se déroule durant le procès de Jean-Marie Villemin en 1993, offrant des instants de vie des Villemin et de Grégory précédant le drame, par le biais de flashbacks que l’accusé a derrière les barreaux et dans le box des accusés.

Cette histoire, c’est le dessinateur Christophe Gaultier qui l’a mise en images, s’inspirant de portraits de famille et de clichés de l’époque, pour reproduire les traits des différents protagonistes mais aussi les décors, les couleurs, les vêtements. Une bande dessinée qui, le scénariste l’assure, est très fidèle à la réalité et a un objectif clair : non pas revenir sur le fait divers, mais « raconter l’amour » entre Jean-Marie et Christine Villemin, et leur fils disparu.

Une BD façon « true crime »

Une démarche différente de celle de l’autre BD, Le Corbeau, parue le 2 octobre aux éditions Petit à Petit, et qui, elle, retrace l’affaire. À la manière d’un documentaire, elle part de la découverte du corps du petit garçon dans la rivière et déroule l’enquête dans toute sa complexité. Des premiers coups de fil et lettres du corbeau en 1981 à l’interpellation de Murielle Bolle, en passant par le meurtre de Bernard Laroche ou encore le suicide du juge Jean-Michel Lambert. Construite comme un « true crime », la BD que nous avons lue, scénarisée par Tristan Houllemare et Béatrice Merdrignac et dessinée par Grégory Lé, vient précisément décortiquer le fait divers pour mettre à plat, factuellement, tous les éléments.

« Le Corbeau » sur l’affaire Grégory Villemin est sorti en librairie le 2 octobre.
Petit à Petit éditions « Le Corbeau » sur l’affaire Grégory Villemin est sorti en librairie le 2 octobre.

Les chapitres, à la manière d’épisodes, balisent par dates clés le travail des enquêteurs. Entre les chapitres, des outils sont proposés aux lecteurs : cartes géographiques de la zone, arbres généalogiques présentant tous les protagonistes, frises chronologiques, reproduction des lettres anonymes et retranscription des appels du corbeau, zoom sur des éléments décisifs de l’enquête. Le Corbeau compile, pour tenter d’offrir une vision d’ensemble de cette enquête labyrinthique.

Une enquête qui, 40 ans après les faits, n’est pas encore close. En mars, la justice a ordonné de nouvelles expertises à la demande de Christine et Jean-Marie Villemin pour tenter d’authentifier la voix du corbeau sur certains enregistrements.

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