"Adieu Monsieur Haffmann" ou l'histoire d'un "salaud sous l'Occupation"

CINÉMA - “On a beaucoup traité les héros, les résistants et c’est bien normal. Mais rarement ceux qui ont collaboré ou dénoncé leurs voisins par pur opportunisme”. C’est donc avec cette envie “d’explorer la noirceur humaine” que Fred Cavayé s’est emparé de l’histoire de la pièce de théâtre Adieu Monsieur Haffmann pour une adaptation en thriller, au cinéma ce mercredi 12 janvier. La bande-annonce est à découvrir en tête de notre article.

En 1941, alors que les troupes allemandes occupent Paris, Joseph Haffmann (Daniel Auteuil) est bijoutier, marié et père de famille. Et Joseph Haffmann est aussi juif. Alors lorsque le port de l’étoile jaune est décrété et que la police organise des rafles, il décide de fuir la capitale. Pour que son commerce ne soit pas pillé, il le “vend” à son employé François Mercier (Gilles Lellouche). Avec sa femme Blanche (Sara Giraudeau), le couple s’installe dans l’appartement au-dessus de la boutique, tandis que Monsieur Haffmann est contraint de se cacher dans la cave jusqu’à son départ pour la zone libre.

Si le point de départ de la pièce et du film est le même, le récit prend ensuite une trajectoire tout autre. Au moment où l’œuvre de Jean-Philippe Daguerre démarre sa vie sur scène en 2017, Fred Cavayé et Sarah Kaminsky planchent déjà sur un scénario d’adaptation pour faire du personnage de François Mercier (Pierre Vigneau dans la pièce) “un vrai salaud”. “Pendant qu’on écrivait, la pièce de mon ami Jean-Philippe Daguerre accumulait succès et récompenses, preuve que leur direction était la bonne”, se souvient le réalisateur pour Le HuffPost, “alors ça a décuplé mon appréhension à l’idée de lui montrer le film.”

Gilles Lellouche en anti-héros

Dans le Adieu Monsieur Haffmann version cinéma, le rôle incarné par Gilles Lellouche - pour qui on se prend naïvement d’empathie au début du film - plonge insidieusement du mauvais côté de l’Histoire jusqu’à commettre des actes effroyables (dont on laissera le suspense au spectateur). “J’avais envie de montrer comment un homme devient un salopard, d’explorer la noirceur de l’âme humaine”, raconte Fred Cavayé. “Parce que cela nous interroge tous: qu’est-ce qui fait qu’à un moment, quelqu’un de normal dérape et devient un monstre?”

Gilles Lellouche dans le rôle de François Mercier dans
Gilles Lellouche dans le rôle de François Mercier dans

De l’Occupation, “on a beaucoup traité les héros, les résistants et c’est bien normal. Mais rarement ceux qui ont collaboré ou dénoncé leurs voisins par pur opportunisme”, assure le cinéaste qui a déjà fait tourner Gilles Lellouche dans A bout portant et Mea Culpa et s’est plu à filmer la “progression psychologique inquiétante” de son anti-héros.

Et si le parti pris historique est là, Fred Cavayé n’y voit pas pour autant un “film d’époque” ni même un “film de guerre”. “C’est avant tout un thriller, avec une histoire qui pourrait se passer dans une période beaucoup plus contemporaine”, évoque le réalisateur de 54 ans. “On pourrait tout aussi bien la transposer dans le Nord de la France, avec un migrant et une famille qui irait profiter de cette situation et de la détresse de cette personne”.

Au cours des deux dernières années, le projet de Fred Cavayé aura tout vécu: un tournage arrêté par les trois mois de total confinement au printemps 2020 figeant une rue parisienne dans le passé, une réécriture de scénario pour éviter des scènes avec trop de figurants, une sortie plusieurs fois repoussée… Mais Fred Cavayé préfère positiver, persuadé que toutes ces étapes auront “permis de rendre le film meilleur”.

L’auteur et metteur en scène Jean-Philippe Daguerre, qui a été parmi les premiers à voir le film, l’a trouvé ”évidemment différent” de son œuvre, mais “formidable”. “Jusque-là, l’histoire est belle”, souffle le réalisateur qui n’a désormais plus qu’un espoir: que les spectateurs soient au rendez-vous dans les salles de cinéma malgré la remontée de l’épidémie.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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