Yahoo Actualités "Distinguer Polanski, ça veut dire 'Ce n'est pas grave de violer des femmes'" : Adèle Haenel s'en prend à Polanski et aux César
A la suite de ses déclarations et de sa plainte contre Christophe Ruggia, réalisateur qui aurait abusé d'elle durant son adolescence, Adèle Haenel s'était tenue loin des médias. Mais, à quelques jours de la cérémonie des César, la jeune comédienne a décidé de prendre la parole dans les colonnes du New York Times, et ne mâche pas ses mots, que ce soit au sujet de l'événement comme du cinéma français en général.
"Distinguer Polanski, ça veut dire 'Ce n'est pas grave de violer des femmes'." Dans une longue interview accordée à nos confrères américains du New York Times, Adèle Haenel ne compte pas réfréner ses déclarations. Pour elle, le fait que le réalisateur, accusé de viol à de multiples reprises, soit nominé 12 fois lors des César 2020 est une insulte personnelle et à l'égard de toutes les victimes de violences sexuelles de la planète : "Distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes. Ça veut dire, "ce n’est pas si grave de violer des femmes"."
Le mouvement #MeToo, plein de paradoxe
Depuis quelques années, le mouvement #MeToo fait grand bruit dans le monde entier. Né de l'autre côté de l'Atlantique, aux Etats-Unis, il a permis à de nombreuses femmes de partager leurs expériences en tant que survivantes d'agressions sexuelles, elles qui refusent bien souvent d'être considérées comme de simple "victimes”. Mais il a aussi aidé des milliers de personnes à réaliser qu'elles n'étaient pas seules face à cette terrible situation. L'actrice en fait partie : "#MeToo m’a aidé à réaliser que mon histoire n’était pas juste personnelle, que c’était une histoire de femmes, d’enfants, qu’on porte toutes."
En France, toutefois, le mouvement #MeToo n'a quasiment pas eu d'impact dans le milieu du cinéma, et Adèle Haenel estime que notre pays a "complètement raté le coche". En cause : des incompréhensions autour de la définition d'une agression sexuelle : "Beaucoup d’artistes ont confondu, ou voulu confondre le jeu sexuel et l’agression. Le débat s’est positionné sur la question de la liberté d’importuner, et sur le prétendu puritanisme des féministes. Alors qu’une agression sexuelle est une agression, pas une pratique libertine."
Une critique du système judiciaire français
Comme toutes les femmes qui préfèrent évoquer les agressions sexuelles qu'elles auraient subies dans les médias, Adèle Haenel a eu droit à de nombreux reproches. Le premier : pourquoi ne pas avoir porté plainte ? La comédienne a tenu à profiter de cette interview pour faire passer un message à ce sujet. "On a un système judiciaire qui ne fait pas des violences faites aux femmes sa priorité", regrette-t-elle. "Des personnalités politiques ont exprimé leur surprise, mais savent-ils ce que c’est, aujourd’hui, pour une femme, de se retrouver dans le système judiciaire en France ? Est-ce qu’on prend en compte les grandes difficultés qui jalonnent le parcours d’une femme victime de violences sexuelles ?"
Aujourd'hui, l'actrice pointe du doigt une urgence : "On doit aussi croire toutes les femmes qui parlent. Dès qu’une femme a moins de pouvoir qu’un homme, on la soupçonne de vouloir se venger. On n’a rien à gagner à se dire victime et les conséquences sur la vie privée sont très négatives." Elle réclame par ailleurs plus d'actions de la part du gouvernement : "La lenteur de la réactivité du gouvernement face au phénomène #MeToo laisse penser que les pouvoirs publics tolèrent une marge de violence sur les femmes. Cela reste dans une certaine mesure encore accepté."
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