"Actions virulentes", "soutiens de l'idéologie jihadiste": pourquoi le gouvernement a dissout le collectif Cheikh Yassine

Abdelhakim Sefrioui interpellé lors d'une manifestation non-autorisée en soutien à la Palestine, le 29 décembre 2012 à Paris.  - MIGUEL MEDINA
Abdelhakim Sefrioui interpellé lors d'une manifestation non-autorisée en soutien à la Palestine, le 29 décembre 2012 à Paris. - MIGUEL MEDINA

"Le visage de la haine, c'est lui." À l’annonce de la dissolution du collectif Cheikh Yassine par le gouvernement, l’imam de Drancy, Hassen Chalghoumi, a salué "une bonne nouvelle" pour faire obstacle aux agissements de son fondateur, Abdelhakim Sefrioui, le militant islamiste radical fiché S et mis en examen pour "complicité d'assassinat terroriste" dans l’attentat commis contre le professeur d’Histoire, Samuel Paty.

Mercredi, le conseil des ministres a rendu officielle la dissolution de ce collectif pro-palestinien qu’il juge "lié à l'attentat de vendredi dernier et depuis bien longtemps le faux nez d'une idéologie antirépublicaine qui diffuse la haine". Le décret entraînant la fermeture de la structure est paru ce jeudi au Journal officiel, faisant état de "l’urgence à procéder à sa dissolution".

"Actions virulentes" et propos antisémites

Il est notamment reproché à cette organisation - qui porte le nom du fondateur du Hamas tué par l'armée israélienne en 2004 - d’avoir lancé une cabale contre Hassen Chalghoumi, pourfendeur de l'intégrisme musulman. Pendant des mois, le collectif Cheikh Yassine a manifesté devant le lieu de culte et deux membres de l'organisation ont écopé de deux mois de prison avec sursis pour avoir tenté de s'introduire au domicile de l'imam.

Dans son décret, le gouvernement lui reproche également d’organiser, depuis 2009, "de multiples actions virulentes et mobilisations à l'occasion desquelles des discours du Hamas ont été diffusés (...) prônant l'anéantissement d'Israël, des Etats-Unis ou encore la mort des juifs (...) Israël étant qualifié de 'cancer qu'il faut éradiquer'".

Sur le site du collectif, des billets de blog anti-Israël sont en effet affichés, l'un d'eux affirmant par exemple que l'Etat hébreu est à l'origine de l'explosion du port de Beyrouth en août dernier.

"Soutiens de l'idéologie pro-jihadiste"

Avec son organisation, Abdelhakim Sefrioui, qui s'est un temps rapproché de Dieudonné dans les années 2000, "essaie de transformer le soutien au peuple palestinien, qui est une cause très vaste, au profit des objectifs de la mouvance radicale des Frères musulmans", souligne à l’AFP Gilles Kepel, spécialiste de l'islam.

D’ailleurs, "ce groupement rassemble de nombreux islamistes radicaux dont certains fervents soutiens de l'idéologie pro-jihadiste", est-il précisé dans le décret. Il apparaît même que des membres du collectif Cheikh Yassine "se sont illustrés en facilitant le départ de plusieurs jeunes islamistes radicaux vers la zone irako-syrienne, en partant eux-mêmes combattre sur zone ou en préparant des attentats à l'étranger".

Pour toutes ces raisons, l’organisation tombe sous le coup de l’article L.212-1 du code de la sécurité intérieure qui prévoit la dissolution de tout groupement "propageant des idées ou théories tendant à justifier ou encourager" la discrimination, la haine ou la violence. Emmanuel Macron, qui avait annoncé cette dissolution mardi soir, a souligné lors du conseil des ministres mercredi que "le mal a été nommé: c'est l'islamisme politique, qui entretient méthodiquement une déconstruction de la république", a rapporté Gabriel Attal.

Dans le cadre du projet de loi contre le séparatisme, le gouvernement enclenche un "renforcement massif" de ses actions. Mais le processus est en marche depuis déjà plusieurs années, a rappelé Gabriel Attal, précisant que depuis février 2018, "356 lieux de radicalisation - débits de boisson, associations, mosquées, clubs de sport - ont été fermés", et que "rien que le mois dernier, nous en avons fermé un tous les trois jours".

Article original publié sur BFMTV.com