Accusations contre l’abbé Pierre : plusieurs évêques étaient informés de son « comportement grave », reconnaît l’Église

L'abbé Pierre, le 11 décembre 2000 au Centre des Archives du monde du travail à Roubaix, après le dépôt de ses archives personnelles et de celles d’Emmaus.
FRANCOIS LO PRESTI / AFP L'abbé Pierre, le 11 décembre 2000 au Centre des Archives du monde du travail à Roubaix, après le dépôt de ses archives personnelles et de celles d’Emmaus.

VIOLENCES SEXUELLES - Après les révélations du pape François, l’Église confesse. « Quelques évêques au moins » étaient au courant « dès 1955-1957 » du « comportement grave de l’abbé Pierre envers les femmes », a affirmé ce lundi 16 septembre, dans une tribune au Monde, le président de la Conférence des évêques de France, Éric de Moulins-Beaufort.

L’abbé Pierre accusé d’agressions sexuelles : une dizaine de nouveaux signalements s’ajoutent aux accusations

Le président de la CEF a par ailleurs rappelé que « des mesures ont été prises, dont une cure psychiatrique », et la désignation d’un adjoint (dit « socius »), dont le fondateur d’Emmaüs s’est visiblement « ingénié à tromper » la « surveillance ». Ces mesures représentent « une réaction forte au regard des manières de faire de ce temps », estime Mgr de Moulins-Beaufort.

« Il devait être surveillé parce qu’il était dangereux pour les femmes »

Par ailleurs, dans ce texte, Éric de Moulins-Beaufort « réaffirme le travail de l’Église en France pour que la vérité soit faite sur les faits d’agressions et de violences sexuelles, comme aussi sur les faits d’emprise spirituelle, et pour revoir ses fonctionnements ».

L’abbé Pierre est visé par une série de témoignages de femmes sur des violences sexuelles commises entre les années 1950 et les années 2000, et pour certaines pouvant relever du viol ou visant des mineures. Emmaüs a depuis ces révélations lancées une commission d’enquête et l’Église a ouvert ses archives.

Dans sa tribune, Éric de Moulins-Beaufort « forme aussi respectueusement le vœu que le Vatican se livre à une étude de ses archives et dise ce que le Saint-Siège a su et quand il l’a su », après des propos du pape vendredi affirmant que le Vatican était au courant des accusations de violences sexuelles visant l’abbé Pierre, au moins depuis sa mort en 2007.

L’archevêque de Reims souligne aussi que « l’on savait, au moins dans certains cercles d’Emmaüs, l’abbé Pierre étant encore vivant, qu’il devait être surveillé parce qu’il était dangereux pour les femmes qui s’approchaient de lui ».

La parole des victimes se libère

Notant que de nombreux films et ouvrages ont été consacrés à l’abbé Pierre, qu’il a même été consacré « personnalité préférée des Français » dans les années 1990, Éric de Moulins-Beaufort souligne qu’aucune victime n’avait souhaité parler à l’époque. « Désormais, elles le font » à travers plusieurs cellules d’écoute ou instances de réparation mises en place par l’Église.

« C’est un immense progrès social », assure l’ecclésiastique qui promet aux victimes de l’abbé Pierre sa « détermination à ce que leur parole produise un effet ».

Dans sa tribune, Éric de Moulins-Beaufort note aussi que « par choix personnel, l’abbé Pierre a presque toujours vécu à distance de tout cadre proprement ecclésial » et que « mettre en cause l’Église et le célibat sacerdotal n’est pas à la hauteur » de l’enjeu de société que représentent les violences sexuelles.

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