Accusation d’une policière niçoise : Bernard Cazeneuve porte plainte pour “diffamation”, la police nationale réagit
Bernard Cazeneuve a annoncé le dépôt d'une plainte en diffamation ce dimanche après les “graves accusations” d'une policière municipale niçoise. Cette dernière a affirmé dans le Journal du Dimanche avoir reçu des pressions de l'Intérieur pour modifier son rapport sur le dispositif policier lors de l’attentat de Nice le 14 juillet.Une polémique à laquelle vient aussi de réagir le directeur général de la Police Nationale.
La polémique enfle autour du dispositif policier déployé lors de l’attentat de Nice. Dans le Journal du Dimanche de ce jour, une policière municipale niçoise accusait le ministère de l’Intérieur d’avoir fait pression sur elle pour modifier son rapport sur le dispositif policier du 14 juillet.
Visé, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve monte au créneau : il dément les “accusations indignes” de la chef de la vidéosurveillance, et a annoncé avoir déposé une plainte en diffamation. Jean-Marc Falcone, le directeur général de la Police nationale, a également réfuté cet après-midi toute pression à Nice et a évoqué une procédure “classique” et “systématique”.
Qui est cette policière ?
Sandra Bertin est une policière municipale de Nice. Elle est chef du centre de supervision urbain (CSU), ui centralise les images des nombreuses caméras de vidéosurveillance, c’est-à-dire qu’elle était en charge de la vidéosurveillance le soir du 14 juillet.
Elle est également secrétaire générale du Syndicat autonome de la fonction publique territoriale (SAFPT) de Nice et cosignataire d'une lettre ouverte à Manuel Valls déplorant le manque de considération de la police municipale par le gouvernement.
Quelles sont ses accusations ?
Dans un entretien au Journal du dimanche, elle affirme avoir reçu des pressions du ministère de l'Intérieur pour modifier son rapport sur le dispositif policier le 14 juillet.
“Le lendemain des attentats, le cabinet du ministre de l'Intérieur a envoyé un commissaire au CSU qui m'a mise en ligne avec la Place Beauvau”, raconte Sandra Bertin.
La policière dit avoir “eu affaire à une personne pressée qui m'a demandé un compte-rendu signalant des points de présence de la police municipale, les barrières, et de bien préciser que l'on voyait aussi la police nationale sur deux points dans le dispositif de sécurité”.
“J’ai dû le renvoyer physiquement”
“Je lui ai répondu que je n'écrirais que ce que j'avais vu. Or la police nationale était peut-être là, mais elle ne m'est pas apparue sur les vidéos. Cette personne m'a alors demandé d'envoyer par e-mail une version modifiable du rapport, pour ‘ne pas tout retaper’.”
“J'ai été harcelée pendant une heure, ajoute-t-elle. On m'a ordonné de taper des positions spécifiques de la police nationale que je n'ai pas vues à l'écran. A tel point que j'ai dû physiquement renvoyer du CSU l'émissaire du ministère !”, poursuit la policière.
Elle a finalement envoyé par e-mail une version PDF non modifiable et une autre modifiable.
2 brigadiers envoyés par le procureur
Face à ces déclarations, la riposte est venue en trois temps. Premier temps : le procureur de la République de Paris, François Molins. Il a affirmé que c'est sous sa “seule autorité et pour les besoins de l'enquête en cours que le 15 juillet, deux brigadiers chefs ont été envoyés au CSU de Nice”. “Jusqu'à l'ouverture de l'information judiciaire” jeudi, “l'enquête a été conduite exclusivement par le parquet”, a-t-il ajouté.
L'enquête “relève exclusivement de l'autorité judiciaire”, a aussitôt confirmé le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas dans un communiqué, rappelant que les fonctionnaires sont tenus de saisir la justice s'ils ont connaissance d'un délit.
Prouver ses accusations
Deuxième temps : le ministre de l’Intérieur. “Contrairement à ce que Mme Bertin affirme, ce n'est en aucun cas ‘le cabinet du ministre de l'Intérieur qui a envoyé un commissaire au CSU’ ou qui aurait eu des échanges avec elle”, a donc conclu la place Beauvau dans un communiqué, dénonçant de “graves accusations”. “En conséquence”, Bernard Cazeneuve “porte plainte ce jour pour diffamation”. Le ministère invite la policière municipale à produire devant les enquêteurs les preuves de ses accusations.
Troisième temps : la Police Nationale. Jean-Marc Falcone, le directeur général de la Police nationale qui a déclaré cet après-midi que ni le ministre ni ses services ne sont intervenus dans la procédure de remontées d’informations.
Estrosi visé
Ces accusations interviennent en pleine polémique entre la municipalité Les Républicains de Christian Estrosi et le gouvernement sur le dispositif de sécurité le soir de l'attentat qui a fait 84 morts.

Photo : REUTERS/Stephane Mahe
Bernard Cazeneuve accuse d’ailleurs implicitement la droite niçoise de Christian Estrosi, ex-maire, actuel premier adjoint chargé de la sécurité et président de la région Paca, d'être responsable de la polémique. “Les accusations indignes de ce jour s'inscrivent dans la suite des polémiques virulentes que certains élus de Nice ont souhaité entretenir puis alimenter chaque jour depuis le terrible attentat du 14 juillet”, estime-t-il.
Le ministre de l’Intérieur avait été accusé d'avoir menti par Christian Estrosi mais aussi par le quotidien de gauche Libération, qui a assuré jeudi qu'une seule voiture de la police municipale barrait l'entrée de la zone piétonne sur la célèbre avenue en bord de mer.