Abrogration de la réforme des retraites : pourquoi le gouvernement est accusé de gagner du temps ?

Alors que l'Assemblée nationale planche ce jeudi sur l'abrogation de la réforme des retraites, le camp macroniste use de tous les stratagèmes possibles pour ralentir le processus.

Le gouvernement de Michel Barnier a tout intérêt à ce que la niche parlementaire de LFI ne donne pas lieu à un vote. (Photo : Telmo Pinto/NurPhoto via Getty Images)

Dans une course contre la montre, chaque minute compte. Ce jeudi 28 novembre, à l'occasion de la niche parlementaire dont il bénéficie pour la journée, le groupe parlementaire La France Insoumise (LFI) a mis à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale l'abrogation de la réforme des retraites qui avait été imposée en 2023 par le gouvernement d'Elizabeth Borne, contre l'opinion publique, malgré la mobilisation sociale et en contournant le Parlement.

Pour parvenir à faire annuler cette réforme, les Insoumis vont toutefois devoir faire en sorte de procéder à un vote avant minuit ce jeudi soir. Permis par l'article 48 de la Constitution, le mécanisme de la niche parlementaire repose en effet sur un principe simple : l'ordre du jour et la conduite des débats sont confiés à un groupe d'opposition pour une seule séance, c'est-à-dire une journée complète de 9h à minuit.

En d'autres termes, si la proposition de loi abrogeant la réforme des retraites n'est pas votée avant ce soir minuit, elle sera annulée et tombera aux oubliettes. LFI a donc tout intérêt à ce que les débats ne traînent pas trop en longueur, tandis qu'à l'inverse, le gouvernement Barnier (qui souhaite maintenir la réforme) et les députés macronistes gagneraient à ce qu'ils s'éternisent.

Peu après le début de la séance, le député de Marseille et coordinateur national de LFI Manuel Bompard a d'ailleurs, dans un post publié sur X, accusé le gouvernement et ses alliés de mettre en place des stratagèmes pour gagner du temps. "Pour la première fois dans la 5ème République, le gouvernement tente de saboter une niche parlementaire pour empêcher l’abrogation de la retraite à 64 ans", dénonce l'élu.

De son côté, le gouvernement ne cache pas son intention de faire durer les débats sur la question des retraites et se défend en assurant, par la voix du ministre du Budget Laurent Saint-Martin, qu'"on ne saurait évacuer en trois heures ce qu'il a fallu des mois de concertation et des centaines d'heures d'examen pour construire".

Au passage, le ministre évacue lui-même le fait que toute cette "concertation" avait abouti à un blocage tel que le gouvernement de l'époque avait dû avoir recours à l'article 49.3 de la Constitution pour faire passer le texte en force, ce qui avait déclenché le dépôt de deux motions de censure contre ce même gouvernement.

Focalisés sur leur objectif de faire voter l'abrogation de la réforme des retraites dans la journée, les insoumis n'en démordent pas et dénoncent frontalement ce qu'ils considèrent comme un pur stratagème politicien. "En fait, résume le député du Val-de-Marne Louis Boyard, pendant toute cette journée, les macronistes vont essayer de parler, de parler, de parler pour empêcher qu'on aille au vote, parce qu'à minuit tout est fermé et ensuite, il ne pourra plus y avoir de vote sur la réforme des retraites."

La stratégie du blocage par ralentissement de la procédure ne se limite d'ailleurs pas aux prises de paroles des membres du gouvernement. À l'ouverture des discussions ce jeudi matin, le député insoumis Ugo Bernalicis a ainsi accusé les députés du camp présidentiel d'avoir déposé "860 amendements d'obstruction" au texte mis à l'ordre du jour dans le cadre de la niche parlementaire.