Abrogation de la réforme des retraites : pourquoi la proposition déposée par le RN a été jugée recevable

Marine Le Pen, ici à l’Assemblée le 14 septembre, portera l’abrogation de la réforme des retraites via la niche parlementaire du RN le 31 octobre.
LUDOVIC MARIN / AFP Marine Le Pen, ici à l’Assemblée le 14 septembre, portera l’abrogation de la réforme des retraites via la niche parlementaire du RN le 31 octobre.

POLITIQUE - Le 31 octobre, les députés devraient (enfin) se prononcer sur l’abrogation de la réforme des retraites. Du moins, sur l’abrogation version frontiste. Source d’âpres débats et de tensions vives depuis un an et demi, le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans n’est jamais passé. Ni dans l’opinion, ni dans la classe politique. La gauche a bien tenté par tous les moyens de torpiller la mesure honnie, celle-ci a fini par entrer officiellement en vigueur le 1er septembre 2023.

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Cette fois, c’est le Rassemblement national (RN) qui s’essaye à son abrogation. Profitant de leur niche parlementaire le 31 octobre, les députés d’extrême droite espèrent faire revenir l’âge normal de départ à 62 ans « à compter de la génération 1955 » et fixer la durée de cotisation requise à 42 annuités, « à compter de la génération 1961 ». La proposition de loi a été jugée recevable ce mercredi 18 septembre par le bureau de l’Assemblée, à majorité de gauche. Le Nouveau Front populaire (NFP) y détient ainsi 12 sièges sur 22. La députée LFI Nadège Abomangoli, également vice-présidente de l’Assemblée nationale, a expliqué que le texte avait été jugé recevable car « bien gagé d’un montant conforme à l’estimation de la réforme proposée ».

Au nom de l’article 40 de la Constitution, « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ». Le député qui dépose une proposition de loi doit s’assurer que celle-ci est financée, c’est-à-dire qu’une nouvelle recette soit inscrite en face de la dépense. Ce qui est le cas en l’espèce.

« Responsabilité devant nos électeurs »

« Promesse tenue », a fanfaronné le député RN Thomas Ménagé. Un peu rapide, au vu du parcours semé d’embûches réservé à sa proposition. L’Insoumise Nadège Abomangoli a ainsi assuré que le « texte d’abrogation n’a aucune chance d’aboutir ». Car tout l’enjeu est là : seuls, les 126 députés RN n’ont aucune chance de faire adopter le texte. Sur le papier, la gauche pourrait joindre ses voix à celles du RN, mais plusieurs éléments la rebutent. À commencer par le financement proposé, consistant à chercher dans l’immigration.

« C’est le musée des horreurs. La façon dont le RN cherche à gager cette proposition, c’est la fin de l’aide médicale d’État, des suppressions sur toutes les politiques d’intégration. C’est inimaginable d’accepter de rentrer dans ce registre-là. Il y a les retraites, mais il y a aussi le financement des retraites », s’est indigné le Premier secrétaire du PS Olivier Faure le 17 septembre dans Mediapart.

Autre source d’interrogation : le refus de laisser au RN la victoire d’un tel marqueur de gauche. « C’est un groupe qui ne s’est pas mobilisé dans la rue auprès des syndicats », fustige l’entourage de Nadège Abomangoli auprès de l’AFP. De nombreux députés de gauche voient le « piège » arriver. Pour l’heure, seul le communiste Léon Deffontaines (qui n’est pas député) et quelques socialistes se sont prononcés en faveur d’un vote de la proposition RN. « Nous avons une responsabilité devant nos électeurs. Tant pis s’il s’agit d’un texte du RN, nous devons abroger la réforme des retraites quoi qu’il en coûte », a confié le député PS Pierrick Courbon au Figaro.

Le Nouveau Front populaire a toutefois une porte de sortie pour éviter de s’entredéchirer une nouvelle fois : en novembre, c’est au tour de La France insoumise de bénéficier de sa niche parlementaire à l’Assemblée. Et l’abrogation de la réforme des retraites pourrait revenir sur le devant de la scène. Dans des termes plus acceptables pour la gauche. Reste à savoir si, cette fois, le RN voudra joindre ses voix.

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