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Abrogation de la réforme des retraites: pourquoi la Nupes veut faire durer les débats en commission

Des échanges dans une atmosphère électrique. Les députés de la commission des affaires sociales ont commencé ce mercredi matin à débattre de la proposition de loi Liot pour abroger la réforme des retraites. Avec deux positionnements politiques opposés dans chaque camp de l'hémicycle.

Après des passes d'armes liées à l'exiguité de la salle - les élus de la Nupes étant venus très nombreux -, les parlementaires sont rentrés dans le vif du sujet, chaque camp opposant sa stratégie.

"Une arnaque" pour la majorité

"Ce texte est une arnaque car il cherche à faire croire aux Français que la loi promulguée, il y a seulement quelques semaines, pourrait être mise en question. Tout le monde sait dans cette salle que cette proposition est inconstitutionnelle", a tancé d'entrée de jeu Sylvain Maillard (Renaissance), l'un des poids lourds de la majorité.

Au lendemain de la décision d'Éric Coquerel (La France insoumise) de juger la proposition de loi recevable, au nom du "droit de l'opposition", la macronie est bien décidée à tout faire pour éviter que le débat sur les retraites ne revienne dans l'hémicycle.

Au grand dam de Mathilde Panot, qui a dénoncé une "dérive mafieuse".

"Je pèse mes mots sur la manière dont on essaye de nous empêcher de discuter sur ce texte", a dénoncé la présidente des députés insoumis.

Vers un recours à l'article 40 pour couper les débats en séance

La macronie a remporté la première manche en parvenant à ne pas faire adopter l'article premier de ce texte qui revenait sur la retraite à 64 ans.

Les parlementaires Liot n'auront d'autre choix que de la réintroduire dans l'hémicycle lors des débats le 8 juin prochain. De quoi permettre à l'exécutif de pouvoir reprendre la main.

"Ils voulaient un vote, ils l'ont eu !", s'est d'ailleurs félicité Jean-René Cazeneuve (Renaissance), le rapporteur général du Budget sur son compte Twitter.

La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet pourrait alors déclarer irrecevable cette proposition de loi au titre de l’article 40 de la Constitution. Cette disposition précise que toute proposition de loi qui présente une nouvelle charge financière pour l'État doit être compensée financièrement. Si la numéro 1 de l'Assemblée dégainait cette cartouche, les discussions s'arrêteraient alors.

Ralentir les débats pour les insoumis

Prévue par le règlement intérieur de l'Assemblée nationale, la technique aurait tout d'une déclaration de guerre avec les oppositions, n'ayant encore jamais été utilisée jusqu'ici.

Voulant débattre de la proposition de loi dans sa version initiale et convaincus qu'elle peut obtenir l'assentiment d'une majorité de députés dans l'hémicycle, les insoumis ont adopté une stratégie très différente.

Sur le papier, l'examen du texte en commission des affaires sociales peut durer jusqu'au 5 juin à 17h. Si les députés n'ont pas adopté ou rejeté le texte, il arrive alors dans sa version initiale dans l'hémicycle.

L'article 1 et les autres articles seraient alors présentés à l'Assemblée, sans possibilité pour la majorité présidentielle de se servir de l'article 40. Ce texte aurait alors des chances d'être adopté - un cauchemar pour la majorité présidentielle.

"Les mauvais souvenirs" de l'hémicycle

De quoi pousser la Nupes, avec La France insoumise, à déposer des dizaines d'amendements et de sous-amendements, au grand dam de la présidente de la commission.

"On n'a pas de leçon de démocratie à recevoir de la part de la Nupes", a lancé Fadila Khattabi, avançant que la situation lui "rappelait de mauvais souvenirs".

En première lecture, les députés n'étaient pas parvenus à dépasser l'article 2 du projet de loi de la réforme des retraites qui en contenait 20. Face au gouvernement qui avait décidé de limiter les débats à 10 jours dans l'hémicycle, la Nupes avait répondu en multipliant les amendements.

Ce mercredi matin, pour couper court aux débats, la présidente de la commission des affaires sociales a décidé unilatéralement de ne pas examiner ces amendements.

"Plus dans le respect des institutions" pour Charles de Courson

"Ce qui se passe est ahurissant! C’est du jamais vu. C’est un déni inouï de démocratie. Comprenez notre colère", a expliqué la députée Clémentine Autain, rappelant les droits de l'opposition prévus dans la Constitution. Même son de cloche pour le rapporteur du texte, Charles de Courson (Liot).

"Attention Madame la présidente, de quel droit vous décidez à un moment de dire 'je balaie tout ça'? On n'est plus dans le respect des institutions", a jugé l'un des doyens de l'Assemblée nationale.

Tentant de ramener de la sérénité dans les débats, la présidente a alors réuni le bureau de la commission après une demande des oppositions et de la majorité. L'organe, qui compte 5 membres de la majorité et 3 autres élus, a décidé de ne pas examiner les amendements déposés.

Les débats vont reprendre ce mercredi l'après-midi. La France insoumise est bien décidée à continuer le combat et s'est réunie place des Invalides à la mi-journée pour dénoncer "les manœuvres de la macronie".

Le groupe Liot a déjà menacé de son côté de déposer une nouvelle motion de censure. Élisabeth Borne avait échappé au renversement de son gouvernement à seulement 9 voix près en avril dernier.

Article original publié sur BFMTV.com