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Abdelhamid Abaaoud projetait un attentat à la Défense

par Chine Labbé PARIS (Reuters) - Le chef opérationnel présumé des attentats du 13 novembre est revenu sur "les scènes de crime" le soir des attaques alors même que la police était en cours d'intervention au Bataclan et projetait vraisemblablement un attentat suicide à la Défense le 18 ou le 19 novembre, a déclaré mardi le procureur de Paris. Abdelhamid Abaaoud a été tué le mercredi 18 novembre dans un assaut des forces de police contre un appartement de Saint-Denis, au nord de Paris. Deux autres personnes ont été tuées pendant l'intervention : la cousine d'Abaaoud, Hasna Ait Boulahcen, 26 ans, et un complice présumé qui n'a pas encore été identifié. La géolocalisation de la ligne téléphonique d'Abedlhamid Abaaoud le soir des attentats qui ont fait 130 morts "a attesté, entre 22H28 et 00H28, d'une présence dans les 12e, 11e et 10e arrondissements et notamment à proximité de la salle de concert du Bataclan", a déclaré François Molins lors d'un point presse. "Ainsi donc on peut penser qu'Abdelhamid Abaaoud est revenu sur les scènes de crime (...) alors que la BRI intervenait encore au Bataclan", a-t-il ajouté. "Des éléments sur lesquels je ne peux et ne veux être plus précis, et qui ne sont apparus que le 19 novembre, laissent penser (qu') Abaaoud et l'homme retrouvé à ses côtés dans l'appartement avaient un projet d'attentat qui consistait à se faire exploser le mercredi 18 ou le jeudi 19 novembre à La Défense", a poursuivi le procureur. Citant des sources policière et proche du dossier, Reuters annonçait dès le 18 novembre que les djihadistes retranchés à Saint-Denis projetaient un attentat imminent dans le quartier d'affaires de La Défense. Deux ceintures d'explosifs ont été retrouvées dans les décombres de l'appartement. Les gravats ont été placés sous scellés pour permettre d'autres exploitations. DEUX HOMMES ACTIVEMENT RECHERCHÉS L'enquête, conduite jusque-là en flagrance, a été confiée mardi à six magistrats instructeurs du pôle antiterroriste. Quelque 5.339 procès verbaux ont été dressés depuis onze jours. Leurs investigations porteront notamment sur l'emploi du temps exact d'Abelhamid Abaaoud entre le soir des attentats, où il est localisé à plusieurs reprises dans le métro parisien, et la veille de l'assaut, quand il se rend dans l'appartement de la rue Corbillon, à Saint-Denis. Avant d'être récupéré par sa cousine le mardi 17 dans une rue d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) - "il l'attendait dissimulé derrière un buisson" avec un homme non identifié -, il a pu se trouver entre La Courneuve et Aubervilliers, selon le procureur. L'enquête va aussi devoir identifier tous les co-auteurs ou complices présumés des attaques, qu'ils soient commanditaires, exécutants, financeurs ou logisticiens, a dit François Molins. L'un des kamikazes du Bataclan reste à identifier, tout comme le troisième participant du "commando des terrasses", dont Abaaoud faisait partie. Ce dernier "pourrait être" le kamikaze qui s'est fait exploser dans l'appartement de Saint-Denis, d'après François Molins. Deux hommes sont par ailleurs activement recherchés par les polices française et belge : Salah Abdeslam, exfiltré de France par deux complices présumés samedi matin, et le Belgo-Marocain Mohamed Abrini, 30 ans, filmé à ses côtés dans une station-essence de Ressons (Oise) deux jours avant les attentats. Concernant Salah Abdeslam, les enquêteurs s'interrogent sur son possible rôle dans un éventuel attentat avorté dans le XVIIIe arrondissement de Paris. LE LOGEUR MIS EN EXAMEN Une ceinture d'explosifs retrouvée lundi à Montrouge, dans la banlieue de Paris, à proximité des lieux où son téléphone a "borné" était toujours en cours d'analyse mardi. "A ce stade, une des hypothèses sur lesquelles travaillent les enquêteurs est que Salah Abdeslam a pu véhiculer le commando du Stade de France, déposer les kamikazes et s'être ensuite rendu dans le 18e arrondissement", a dit François Molins. "Les investigations devront s'attacher à déterminer si une action kamikaze de Salah Abdeslam devait avoir lieu dans le XVIIIe arrondissement et pour quelle raison elle n'a pas été commise", a-t-il ajouté. L'implication de la cousine d'Abaaoud, morte asphyxiée sous les gravats lors de l'assaut, est quant à elle établie "dans la recherche de lieu de repli de ce dernier", selon le procureur. "Hasna Ait Boulahcen était parfaitement au courant de l'implication de son cousin dans les attentats du 13 novembre et c'est donc sciemment qu'elle est intervenue", a-t-il dit. Contactée le 15 novembre via une ligne téléphonique belge, elle a été l'intermédiaire entre les djihadistes et Jawad Bendaoud, "marchand de sommeil" qui a mis à disposition, contre rémunération, l'appartement de Saint-Denis. Ce dernier, condamnée à cinq reprises notamment en 2008 pour coups mortels, été mis en examen mardi soir, au terme de six jours de garde à vue, et le parquet a requis son placement en détention provisoire. Pour François Molins, "il ne pouvait douter (...) qu'il prenait part en connaissance de cause à une organisation terroriste." Il a notamment été en lien, avant et après les attentats, avec une ligne téléphonique belge, "elle-même en contact avec une ligne utilisée par les terroristes", a-t-il dit. Une connaissance commune à Jawad Bendaoud et Hasna Ait Boulahcen est aussi recherchée. (avec Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)