Abbé Pierre : le pape François contredit par cette archive de l’Église de France exhumée par « Libé »
VIOLENCES SEXUELLES - Confusion au sommet de l’Église catholique. À son retour d’un voyage en Asie vendredi 13 septembre, le pape François affirmait que le Vatican avait eu connaissance des accusations de violences sexuelles visant l’abbé Pierre « après [s]a mort », survenue en 2007.
Mais une archive déclassifiée de l’épiscopat français, révélée par Libération ce mardi 17 septembre, atteste que le comportement problématique du fondateur d’Emmaüs était en réalité remonté jusqu’au Vatican depuis au moins 1959. Soit plus d’un demi-siècle avant le décès de l’abbé Pierre.
Signalements d’évêques canadiens dès 1959
Après un séjour en psychiatrie en Suisse de six mois en 1958, Henri Grouès (le nom de l’abbé à l’état civil) souhaite se rendre au Canada pour reprendre ses activités à l’étranger. Mais le Vatican cherche par tous les moyens à empêcher ce voyage.
« Le Saint-Siège ordonne à monsieur l’abbé Pierre de suspendre immédiatement le voyage qu’il a l’intention d’effectuer au Canada en raison des difficultés qui ont été signalées par les évêques du pays », indique une lettre de l’ambassadeur du Saint-Siège en France, monseigneur Paolo Marell, envoyé à l’Assemblée des cardinaux et archevêques de France, l’instance administrative la plus importante au Vatican.
Si, finalement, l’abbé Pierre se rendra quand même au Canada, le prêtre se sentira offensé par les accusations qui portent sur lui dans le milieu catholique de ce pays nord-américain. Il écrira ainsi une lettre à un religieux canadien dans laquelle il menace : « Que ceux qui tiennent ce genre de propos sachent que s’ils continuaient ce genre de calomnies infâmes, je ne pourrai pas ne pas les poursuivre ».
Éric de Moulins-Beaufort appelle le Vatican à « une étude de ses archives »
Avant ce voyage au Canada, qui donnera d’ailleurs lieu à des agissements condamnables de la part d’Henri Grouès, la question du comportent de l’abbé Pierre envers les femmes « devient très prégnante à partir de 1957 », d’après les documents consultés par Libération. Le quotidien soutient que le prêtre aurait même été sanctionné à plusieurs reprises.
Les propos ambigus du pape François vendredi avaient été critiqués par Anne Soupa, la présidente du Comité de la Jupe, association féministe et catholique, jugeant qu’ils « écrasaient tous les efforts de l’Égalise en France ». « L’Église n’a pas eu la bonne attitude » et aujourd’hui « est perdue dans cette affaire, elle ne sait où aller », avait-elle déclaré à l’AFP lundi.
Dans une tribune publiée dans le Monde après les propos du pape, Éric de Moulins-Beaufort, qui évoquait ces dernières semaines une connaissance de certains évêques, s’est, lui, montré plus précis lundi : « il est désormais établi que, dès 1955-1957, quelques évêques au moins ont su que l’Abbé Pierre avait un comportement grave à l’égard des femmes ». Le président de la Conférence des évêques de France y invitait aussi le Vatican à « une étude de ses archives », et qu’il « dise ce que le Saint-Siège a su et quand il l’a su ».
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