Abayas, pénuries d'enseignants: l'année scolaire a démarré pour 12 millions d'élèves

Rentrée des classes à Mulhouse, le 4 septembre 2023 dans le Haut-Rhin (SEBASTIEN BOZON)
Rentrée des classes à Mulhouse, le 4 septembre 2023 dans le Haut-Rhin (SEBASTIEN BOZON)

Quelque 12 millions d'élèves ont repris lundi matin le chemin de l'école, pour une rentrée sous le signe des pénuries persistantes d'enseignants malgré la promesse d'un professeur devant chaque classe, un sujet toutefois éclipsé par le débat sur l'interdiction de l'abaya.

"Je crains des absences de professeurs, et je ne crois pas à la promesse de remplacer chaque prof absent", témoigne Stéphanie Athier, 45 ans, venue accompagner son enfant pour la rentrée de 6e au collège Jean Moulin de Lyon.

Au total, 6,4 millions d'écoliers, 3,4 millions de collégiens et 2,2 millions de lycéens font leur retour en classe, pour la première rentrée du nouveau ministre de l'Education nationale, Gabriel Attal, arrivé en juillet rue de Grenelle.

Du prix d'achat des fournitures scolaires au poids du cartable qu'il souhaite voir divisé par deux, M. Attal a multiplié les annonces avec la volonté de s'emparer de sujets "concrets".

C'est cependant l'interdiction controversée de l'abaya, longue robe traditionnelle couvrant le corps portée par certaines élèves musulmanes, qui a dominé ses annonces pour la rentrée.

"Il y a 513 établissements que nous avons identifiés comme potentiellement concernés par cette question-là à la rentrée scolaire", a indiqué M. Attal lundi sur RTL, affirmant que "des personnels formés sur les questions de laïcité" ont été "positionnés" dans ces établissements.

"Il n'y a pas d'incident" dans l'application de l'interdiction du port de l'abaya, a assuré de son côté la Première ministre Elisabeth Borne, lors d'un déplacement dans une école élémentaire d'Ille-et-Vilaine. "Les choses se passent bien ce matin".

- Expérimentation de l'uniforme -

La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a jugé lundi "très dangereux de faire la rentrée scolaire sur cette annonce-là", parce que "ça occulte les vraies questions" et "stigmatise une partie de la population".

Les parents, eux, sont divisés quant à l'interdiction de l'abaya. "C'est une bonne chose. L'école est laïque", tranche Deborah Aubry, mère d'élèves en 6e et lycée, devant le collège Charles-Rivière d'Olivet, près d'Orléans.

Un peu plus loin, Marielle Giberné, mère de deux enfants en 6e et CE2, estime à l'inverse que le sujet de l'abaya, "c'est juste pour brasser du vent".

Autre sujet inflammable, celui de l'uniforme: il "mérite d'être testé et expérimenté" dans des établissements "volontaires", selon Gabriel Attal, qui doit préciser "à l'automne" les modalités d'une "expérimentation" à ce sujet.

Deux mois après les émeutes, le gouvernement souhaite incarner une ligne de fermeté en matière éducative, que ce soit sur la laïcité ou les savoirs fondamentaux, sur lesquels M. Attal veut "mettre le paquet".

Si les chefs d'établissements ont salué l'interdiction de l'abaya, de nombreux enseignants jugent que ce sujet ne devrait pas cacher les problématiques réelles du terrain.

La rentrée se déroule en effet à nouveau sous tension en raison d'une crise du recrutement des enseignants - un phénomène qui s'est accentué depuis l'an dernier - avec cette année plus de 3.100 postes non pourvus aux concours enseignants.

- "Effet d'annonce" -

Le président Emmanuel Macron a réaffirmé vendredi dans le Vaucluse que la promesse d'"un professeur devant chaque classe" à la rentrée serait "tenue". Il compte pour cela notamment sur le "pacte enseignant", qui doit permettre aux professeurs d'effectuer de nouvelles missions, dont des remplacements de courte durée en collège et lycée, en échange de nouvelles rémunérations.

Mais pour Sylvie Lalanne, 53 ans, mère d'un élève de seconde à Bordeaux, "ce sera de la garderie et pas de la pédagogie". "Si la promesse de remplacer chaque prof absent est tenue, ça ne sera pas au bénéfice des élèves puisque ça ne sera pas des enseignants de la matière", regrette-t-elle.

"Je ne crois pas à la promesse de remplacement. C'est un effet d'annonce, précisément au moment de la rentrée, lorsque les parents d'élèves expriment cette inquiétude", estime Frédéric Paulet, 47 ans, venu accompagner son enfant pour la rentrée en 6e au collège Jean Moulin de Lyon.

Pour le Snes-FSU, premier syndicat du second degré (collèges, lycées), qui a lancé un appel à témoignages d'enseignants sous le hashtag #LaRentréeEnVrai, "il n'y aura pas un professeur devant chaque classe à la rentrée".

Le sujet de l'abaya ne doit "pas occulter les questions liées au manque de personnels" de direction ou d'infirmières "ou la priorité à donner à la lutte contre le harcèlement", estime la FCPE, principale fédération de parents d'élèves.

slb-asm-chl-cdc-bur/ab/dlm