64 ans, femmes, pénibilité... Les points de la réforme des retraites sur lesquels le gouvernement peut bouger

Gabriel Attal et Olivier Dussopt le 6 mars 2023 au Sénat  - Alain JOCARD / AFP
Gabriel Attal et Olivier Dussopt le 6 mars 2023 au Sénat - Alain JOCARD / AFP

Y a-t-il encore du grain à moudre sur la réforme des retraites en pleine discussion au Sénat et à la veille d'une mobilisation que les syndicats espèrent historique? Après avoir fait des concessions à la droite à l'Assemblée nationale sur les carrières longues, l'exécutif qui a multiplié les gestes vers le camp des LR au Palais du Luxembourg pour faire adopter sa réforme commence à ralentir le rythme. Avec une inquiétude: que la réforme, qui devait rapporter 17,7 milliards d'ici 2030, soit bien moins rentable.

• Le recul de l'âge de départ à 64 ans?

Au cœur de la réforme des retraites, le recul de l'âge de départ à la retraite est le principal point de blocage. Il fait l'unanimité contre lui, du front syndical à l'ensemble de la gauche en passant par les Français qui le rejettent massivement, de sondages en sondages. Mais pour le gouvernement, pas question d'y revenir en lâchant du lest et en allant par exemple sur les 63 ans.

"Je rappelle que le programme du président évoquait les 65 ans, donc on a déjà entendu les inquiétudes", estime un poids lourd de la macronie au Palais-Bourbon.

"On est dans le réacteur nucléaire de notre action", poursuit cette même source. "On ne reviendra pas dessus."

L'exécutif juge par ailleurs être en position de force grâce à la droite sénatoriale qui a déjà voté à plusieurs reprises l'âge de départ à la retraite à 64 ans." Ce n'est pas nous qui votons la réforme de monsieur Macron, c'est la majorité de monsieur Macron qui a choisi de voter notre réforme", a d'ailleurs résumé à grand trait Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR ce dimanche sur RTL.

• La carrières des femmes?

Votée en commission des Affaires sociales au Sénat la semaine dernière, la meilleure prise en compte de la carrière des femmes, souvent plus hachées que celles des hommes et impactées par la maternité, devrait passer sans difficulté au Sénat.

Pour ce faire, les sénateurs défendront une surcote de 5 % pour les mères de famille qui auraient à la fois une carrière complète après avoir eu au moins 2 enfants et atteint les 63 ans.

"Ils sont très intéressés par la mesure. On a encore 2 ou 3 petites choses à régler mais ça peut marcher", confirme ainsi René-Paul Savary, rapporteur (LR) du projet de loi sur la réforme des retraites.

De quoi donner un peu d'air au gouvernement en grande difficulté sur ce volet de sa réforme. Le gouvernement a lui-même reconnu que la réforme des retraites allait "un peu pénaliser" les femmes par la voix de Franck Riester, le ministre délégué des Relations avec le Parlement, avant qu'Élisabeth Borne ne dénonce "un faux procès".

Olivier Dussopt, le ministre du Travail, a déjà fait savoir son approbation la semaine dernire devant les sénateurs, se disant "ouvert à travailler avec tous les groupes politiques qui le souhaitent pour avancer sur les droits familiaux". Cette mesure devrait coûter environ 300 millions d'euros par an.

• Les carrières longues?

Enjeu d'un bras de fer entre le député LR Aurélien Pradié et le gouvernement, le Sénat n'a pour l'instant guère manifesté de velléité à modifier en profondeur l'article 8 de la réforme sur les carrières longues.

Cette partie du projet de loi a pourtant suscité des vives critiques. Certaines personnes qui ont commencé à travailler tôt pourraient, selon leur cas, devoir travailler 44 ans au lieu des 43 ans fixés par le projet de loi.

La Première ministre a fait une concession sur le dispositif des carrières longues le 16 février dernier lors des questions d'actualité à l'Assemblée nationale en annonçant que les personnes qui ont commencé à travailler à 17 ans pourraient partir à la retraite après 43 annuités.

Mais l’amendement du gouvernement, alors déposé dans la foulée, ne fait pas mention de la nouvelle borne d’âge de 17 ans mais de celle de 21 ans. Les personnes qui ont commencé à travailler à 16 ou à 18 ans devraient toujours devoir cotiser 44 ans.

Lors du dernier jour de séance sur le projet de loi à l'Assemblée, Olivier Dussopt a annoncé finalement reprendre pour le compte du gouvernement l'amendement Pradié qui défendait les 43 annuités pour toutes les carrières longues. Relancé à plusieurs reprises par les oppositions, le ministre du Travail a refusé de préciser les contours des évolutions.

Certains avaient l'espoir que le gouvernement précise sa pensée dans la version sénatoriale. Rien de tout cela: il est finalement revenu à la rédaction initiale de l'article 8, sans les concessions annoncées.

"Revenir sur les carrières longues et les 44 annuités pour elles au lieu des 43 annuités pour tous coûte très cher. Le gouvernement n'a aucun intérêt à aller sur le sujet si la droite sénatoriale n'est pas insistante en la matière", décrypte Bernard Vivier, directeur de l'institut supérieur du travail et spécialiste des négociations syndicales.

• La prise en compte de la pénibilité?

Le précédent quinquennat Macron a supprimé 4 critères de pénibilité sur 10 lancés en 2015. Le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques comme celle des marteaux-piqueurs et l'exposition aux risques chimiques n'en font plus partie et n'ouvrent donc plus la possibilité de partir plus tôt au titre de "l'usure professionnelle".

Dans la réforme des retraites défendu par le gouvernement, l'exécutif souhaite lancer un fond d'investissement d'un milliard d'euros pour faciliter la reconversion des salariés des secteurs les plus difficiles tout en renforçant le poids du compte professionnel de prévention (C2P).

Si la gauche a promis de se battre pour réintégrer les critères de pénibilité, la droite ne semble guère allante. La question de la pénibilité aurait pourtant pu arrondir les angles avec les syndicats, à commencer par la CFDT qui en a fait l'un de ses chevaux de bataille.

"On aurait pu vraiment faire redescendre la pression avec Laurent Berger si on avait mis un peu de beurre sur la question de la pénibilité", regrette un conseiller ministériel qui pointe une question de "philosophie" pour le gouvernement.

En 2019, Emmanuel Macron expliquait lors d'une consultation sur la réforme des retraites à points - depuis abandonnée - ne pas "adorer" le terme de "pénibilité". "Ça donne le sentiment que le travail serait pénible", avait assuré le chef de l'État.

Article original publié sur BFMTV.com