50 millions de vaccinés: pari “gagné” mais… les autres chiffres de la vaccination

Dans quelques jours Emmanuel pourra se targuer d'avoir vacciné 50 millions de Français en un temps record. Mais il devra ensuite s'occuper de la question des disparités vaccinales: les plus pauvres et les plus âgés sont moins vaccinés. Ce sont pourtant les plus susceptibles de développer des formes graves. (Image d'illustration) (Photo: POOL New via Reuters)

CORONAVIRUS - Mission réussie pour l’exécutif. “Oui, on va atteindre les 50 millions de doses dans quelques jours”, se félicite Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, le 29 août, sur RTL. À l’heure où il parle, 48 266 656 premières doses de vaccins contre le Covid-19 ont été injectées.

Si la France est en passe de gagner son pari à quelques jours près - vacciner 50 millions de Français d’ici la fin août- celui qui a fixé cet objectif au début de l’été se refuse à toute célébration. “Il y a encore du travail. Il y a encore des populations qui ne sont pas vaccinées. Elles sont exposées et donc, en danger d’une certaine manière”, reconnaît Jean Castex, en visite dans un centre de vaccination mobile ce mardi 31 août.

Le Premier ministre aurait-il la victoire modeste? Après un faux départ fin 2020- seule une centaine de résidents d’Ehpad avaient reçu une injection - et un véritable lancement en 2021 critiqué pour sa lenteur et sa prudence, la nation “championne du monde” des antivax a finalement renversé la vapeur.

Devant le Royaume-Uni et Israël

À grand renfort de communication et grâce à l’instauration du pass sanitaire, la France a compressé sa part de réticents et d’hésitants à la vaccination. Jusqu’à devancer le Royaume-Uni et Israël, jadis érigés en modèles pour leur vaccination éclair, aujourd’hui moins vaccinés que nous.

“Depuis l’allocution présidentielle du 12 juillet dernier, la France s’est hissée dans le top 10 des pays ayant la plus haute couverture vaccinale. C’est le point fort de la politique sanitaire française”, reconnaît l’épidémiologiste à l’université de Genève Antoine Flahault, interrogé par LeHuffPost.

Mais face au variant Delta, vacciner 50 millions de Français ne suffit pas. “On peut vraiment se féliciter d’avoir atteint cette barre et que la couverture continue de progresser. Mais il faut désormais se reconcentrer sur les plus à risque”, prévient le sociologue de la santé Jeremy Ward, chercheur au CNRS, interrogé par le HuffPost.

Les plus fragiles pas assez vaccinés

Au-delà du léger retard sur l’objectif initial -les 50 millions sont attendus autour du 5 septembre- le gouvernement doit maintenant, comme beaucoup de pays, affronter d’importantes disparités vaccinales. Beaucoup de personnes susceptibles de contracter des formes graves du Covid-19 n’ont pas encore été vaccinées.

L’enjeu majeur de la rentrée est la poursuite active de la vaccination en ‘allant vers’ les populations ‘en hésitation vaccinale’, en particulier pour les plus de 60 ans, les sujets à risque et les populations économiquement défavorisées”, indique le Conseil scientifique, dans sa dernière note publiée le 27 août 2021.

Quand la Belgique et l’Espagne et d’autres pays européens ont quasiment 100% de vaccinés chez les plus de 60 ans, la France n’est qu’à 87% de schéma complet et 91% de vaccinés avec une dose. Pire, environ 15% des plus de 80 ans n’ont reçu aucune injection. Ils étaient pourtant prioritaires, car plus susceptibles de développer des formes graves du Covid-19. Vacciner ces publics est une “urgence sanitaire”, selon le Conseil scientifique.

Combler les failles

Pour remédier aux failles de la stratégie vaccinale actuelle et ainsi éviter une nouvelle saturation des hôpitaux, “il faut convaincre, expliquer, ne pas juger ou stigmatiser. Il faut y aller de façon calme, pédagogique, en expliquant que c’est dans l’intérêt des personnes elles-mêmes et de leur entourage”, récite Jean Castex durant sa visite ce mardi.

Si le Premier ministre s’est rendu dans un centre de vaccination mobile à Illkirch-Graffenstaden, dans le Bas-Rhin, c’est précisément pour montrer qu’il entend ces critiques. Et également pour donner de la visibilité aux efforts du gouvernement pour combler les failles de la politique vaccinale actuelle.

En parallèle de la vaccination de masse dans les centres, l’exécutif encourage les ARS et l’Assurance maladie à pratiquer le “Aller vers”, une stratégie maintes fois recommandée par le Conseil scientifique ces derniers mois. Elle consiste à déconcentrer et apporter informations et vaccins au plus près des populations non vaccinées les plus fragiles.

Un million de Français ont bénéficié du “Aller vers”

Ce mardi toujours, le ministère de la Santé a déclaré dans un point hebdomadaire à destination des journalistes qu’il allait augmenter le nombre de lettres envoyées aux personnes âgées pour les vacciner. Avec à l’intérieur, des rendez-vous réservés d’office, et “si besoin”, un bon de transport. Une forme de “Aller vers”.

Le gouvernement estime qu’il a réussi à vacciner plus d’un million de Français, via cette stratégie, par l’intermédiaire d’opérations de vaccination mobile, de l’installation de centres éphémères en bas des immeubles, ou grâce à des brigades téléphoniques. Les personnes aux revenus les plus modestes bénéficient également de ces opérations, car eux aussi sont moins vaccinés que la population générale.

Les plus pauvres, moins vaccinés et plus fragiles

Dans sa forme actuelle, la campagne vaccinale patine dans les communes les plus défavorisées. À Clichy-Sous-Bois en Seine-Saint-Denis, à Vénissieux dans le Rhône, ou encore dans certaines communes rurales des Alpes, moins de 50% de la population avait reçu une première dose à la mi-août, selon Ameli.

Ces disparités sociales sont particulièrement visibles chez les 20 à 39 ans. Les personnes de cette tranche d’âge résidant dans les communes les 10% les plus défavorisées sont vaccinées à 50%, selon l’Assurance maladie. C’est 20 points de moins que pour les habitants des communes les 10% les plus riches.

Là encore, la solution préconisée par le Conseil scientifique est une politique du “Aller-vers” de plus grande envergure, en s’appuyant sur le tissu associatif local. Et là encore, il y a urgence: les comorbidités sont plus fréquentes chez les plus pauvres déjà très touchées par les premières vagues du Covid-19.

Un autre pari

Au regard des disparités vaccinales constatées, ce bilan est insuffisant, estime le sociologue Jeremy Ward: “Le gouvernement a laissé les acteurs de terrain se débrouiller avec les maigres budgets leur restant alors qu’il aurait fallu une politique beaucoup plus ambitieuse sur ce volet”. Le sociologue estime que pour toucher les non-vaccinés, l’État doit booster ces opérations de porte à porte, à l’aide de financements supplémentaires.

Dans sa note du 27 août, le Conseil scientifique pointe un dernier point noir de la campagne vaccinale: les territoires d’outre-mer. La part de Martiniquais ayant reçu au moins une dose est de 26%. Elle est de 25% en Guadeloupe, 24% en Guyane, 48% à la Réunion, 31% à Mayotte.

Qu’importe les 50 millions de vaccinés, dans ces territoires non vaccinés, l’épidémie est galopante. Si le pari de Jean Castex est gagné, un autre l’attend: après vacciner, vacciner mieux.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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