50 ans du Rassemblement national : ce que le parti veut vous faire oublier

Alors que Marine Le Pen a choisi la discrétion pour fêter l’anniversaire du RN — avec un simple « colloque » ce jeudi 6 octobre à l’Assemblée —, « Le HuffPost » revient sur les (nombreuses) raisons qui incitent l’ex-Front national à la retenue.

POLITIQUE - Pas de gâteau. Pas de bougies. Pas de grande cérémonie. Pas de Jean-Marie Le Pen non plus. À l’heure de célébrer son cinquantième anniversaire, le Rassemblement national, ex-Front national, a choisi la sobriété en optant pour un « colloque » organisé ce jeudi 6 octobre à l’Assemblée nationale.

Une discrétion qui s’explique par le refus de ressusciter des fantômes du passé qui s’accorderaient mal de la « normalisation » tant recherchée par Marine Le Pen et ses troupes. Car en dépit d’une entrée en force au Palais Bourbon, le Rassemblement national n’est pas un parti comme les autres. Et c’est précisément la raison pour laquelle une célébration trop enthousiaste a été écartée.

Comment, effectivement, épouser les apparences d’un « prêt à gouverner », comme l’a vanté Marine Le Pen ce mercredi, tout en évoquant des souvenirs sulfureux ? Une impasse que Le HuffPost propose justement d’explorer, en se penchant — dans la vidéo en tête d’article sur ce passé embarrassant que le RN aimerait vous faire oublier.

Les origines du parti

Si le Rassemblement national n’est toujours pas considéré comme un parti comme les autres, c’est en raison notamment de ses origines. « Le Front National est un projet porté par le mouvement néofasciste Ordre Nouveau, fondé en 69 et dissous par l’État en 1973 », explique l’historien Nicolas Lebourg, qui rappelle que le projet adopté au congrès fondateur de 1972 était « porté par le nationaliste révolutionnaire François Duprat », figure éminente du FN de l’époque.

Dit autrement, le parti lepéniste s’est développé sur le terrain idéologique du néofascisme, comme en témoigne son logo, inspiré de la flamme tricolore arborée par le MSI italien (d’obédience nationaliste et postfasciste). De quoi effectivement comprendre la discrétion autour de cette date de naissance.

Les pires sorties de Jean-Marie Le Pen

Évoluant aux marges de la politique française, le fondateur du FN (devenu RN) a multiplié les déclarations problématiques, dont certaines lui ont valu des condamnations. La plus récente date de 2015, après qu’il a répété que les chambres à gaz sont « un détail » de l’histoire. Mais au-delà de cette sortie très connue, le fondateur du FN collectionne les sorties de route.

En mai 1987, il assurait en plateau que le « sidaïque » est « contagieux par sa transpiration, ses larmes, sa salive, son contact. C’est une espèce de lépreux » . En 1996, Jean-Marie Le Pen avait assumé « croire en l’inégalité des races ». Quelques années plus tard, en 2014, le père de Marine Le Pen estimait que « monseigneur Ebola » pouvait « régler » l’immigration » en trois mois ». En 2015, alors qu’il était interrogé sur les artistes engagés contre le FN, dont Patrick Bruel, il avait répondu : « Écoutez, on fera une fournée la prochaine fois ! ». Un ultime tollé qui a conduit le Front national à l’exclure.

L’époque Alain Soral

Aujourd’hui auteur antisémite multicondamné, Alain Soral a exercé plusieurs années des responsabilités au sein du FN, où il était en charge des affaires sociales et de la thématique des banlieues. Au point que Marine Le Pen s’affiche en sa compagnie dans les rues lors de la campagne de 2007.

Au mois de novembre de cette année, il est nommé au comité central du parti par Jean-Marie Le Pen en personne. Lors d’une fête « Bleu Blanc Rouge » donnée par le FN un an auparavant, Marine Le Pen poussait la chansonnette avec l’essayiste, qu’elle qualifiait alors d’« immense écrivain ». À cette même période, Alain Soral monte le site « Égalité et Réconciliation », devenu depuis le navire amiral de la fachosphère et de l’antisémitisme en ligne. Pas idéal comme héritage pour un parti qui rêve de « normalisation ».

L’affaire des emplois fictifs

Au-delà de son ADN politique, le Rassemblement national traîne également des casseroles judiciaires. Le dossier le plus embarrassant est probablement celui des emplois fictifs, puisqu’il est toujours en cours. Pour résumer, Marine Le Pen est soupçonnée d’avoir rémunéré avec l’argent du contribuable européen des cadres qui n’exerçaient en réalité que pour le FN.

Au total, 6,8 millions d’euros sont concernés dans cette affaire pour laquelle Marine Le Pen est mise en examen pour « abus de bien public » et « détournements de fonds publics », ainsi que 17 responsables du parti d’extrême droite. Dans un rapport de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), les policiers décrivent « un système organisé frauduleux » et accablent la présidente du RN.

Les liens avec la Russie

Probablement l’attaque la plus tranchante du candidat Emmanuel Macron lors de leur débat du second tour. Pendant les échanges, le chef de l’État a accusé son adversaire de « dépendre du pouvoir russe et de Monsieur Poutine ». En cause, l’argent russe perçu, sous forme de prêt, à plusieurs reprises par le Front national présidé par Marine Le Pen.

En 2014, ce sont neuf millions d’euros qui ont été versés au FN, et 2 millions au micro-parti de Jean-Marie Le Pen. Au-delà de cet aspect financier, Marine Le Pen et le Front national ont toujours affiché une « loyauté » à l’égard de Moscou. Au Parlement européen par exemple, les eurodéputés RN votent systématiquement en faveur de la Russie. Dernier exemple en date avec le paquet d’aides à l’Ukraine voté le 15 septembre, auquel se sont opposés Jordan Bardella et ses comparses.

Les anciens combats du FN

Si aujourd’hui le RN joue la carte de la crédibilité et de la constance, le parti lepéniste a en réalité souvent adapté son discours aux tendances du moment. En 2017, il y a seulement cinq ans donc, Marine Le Pen jugeait essentiel le « retour à notre monnaie nationale », et préconisait même de sortir de l’Union européenne. Deux points qui ont disparu de son discours, tout comme le déremboursement de l’IVG, qu’elle prônait en 2012.

Des errements que le parti préfère donc mettre sous le tapis, quitte à s’abstenir de souffler la cinquantième bougie de son existence. Et si le RN jure qu’il n’est pas le FN, il suffit d’aller consulter ses statuts pour constater que l’héritage est bien présent. Et pour cause, l’article 1er commence par ces trois mots : « Fondé en 1972 ».

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