5 inventions de femmes volées par des hommes: le sac en papier
Il s'en est fallu de peu qu'elle ne perde les droits sur son invention, utilisée aujourd'hui dans tous les supermarchés des cinq continents, et qu'un homme s'en attribue la gloire à sa place. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, Margaret Ethridge Knight, une Américaine, invente une machine qui coupe, plie et colle un sac en papier souple, similaire à ceux utilisés de nos jours. Mais c'est un autre qui en a déposé le brevet.
Cerfs-volants et traîneaux
Margaret Ethridge Knight naît en 1838 dans le Maine, un État de l'extrême nord-est des États-Unis. Dès l'enfance, la petite Margaret se montre ingénieuse. L'historien américain de l'ingénierie Henry Petroski raconte ainsi que la fillette était "célèbre pour ses cerfs-volants" et "ses traîneaux faisaient pâlir d'envie les garçons de la ville", comme le détaille un article du Smithsonian Mag.
Petite fille, elle va à l'école jusqu'à l'âge de 12 ans puis travaille dans une filature de coton pour subvenir aux besoin de sa famille, orpheline de père. Avant son treizième anniversaire, elle met déjà au point un système de retenue de navette, remarquant que leurs pointes d'acier se décrochaient des métiers à tisser, ce qui était très dangereux pour les ouvriers.
Un mécanisme automatisé de pliage
Elle enchaîne différents métiers techniques avant d'être engagée dans une usine de sac en papier. Son travail consiste alors à plier les sacs mais Margaret Ethridge Knight se demande si elle ne pourrait pas plutôt concevoir un mécanisme automatisé simplifiant la tâche. Elle imagine alors une machine qui découpe, plie et colle le fond du sac. À l'époque, ce type de sac à fond plat est loin d'être monnaie courante, l'usage était davantage au cône en papier.
Pour cela, cette autodidacte dessine et fabrique un modèle de son appareil et envisage de le faire breveter. Ce qui représente une chose audacieuse pour l'époque, les femmes déposaient alors peu de brevet, ou bien sous un pseudonyme masculin ou encore avec des initiales neutres. Aujourd'hui encore, moins de 10% des titulaires de brevets sont des femmes, rapporte le Smithsonian Mag.
Lors de la phase de développement de sa machine, un homme, Charles Annan, découvre le modèle et entrevoit immédiatement les retombées financières. Il vole les plans et fait breveter la machine à son nom.
89 inventions, 20 brevets
Pas question pour Margaret Ethridge Knight de se faire ainsi déposséder. Elle engage des avocats et des poursuites - chose extrêmement coûteuse pour une ouvrière - à l'encontre de Charles Annan, bien décidée à prouver sa maternité sur l'invention. Le voleur déclare pour sa défense "qu'une femme ne pourrait jamais concevoir une telle machine innovante", elle lui répond en présentant son journal et ses nombreux plans dessinés à la main. La justice lui donne raison et reconnaît que c'est bien elle qui est à l'origine de l'invention. Elle récupère son brevet en 1871 et sera même récompensée par la reine Victoria.
Margaret Ethridge Knight sera à l'origine de nombreuses autres inventions, d'un protecteur de jupe à un moteur à combustion, et déposera au total une vingtaine de brevets. Si elle a vécu relativement confortablement pour l'époque, elle n'a jamais été riche et s'est éteinte avec 300 dollars en poche. Un an avant sa mort, en 1914, le New York Times publiait un article sur les femmes inventrices. Avec Margaret Ethridge Knight en tête d'affiche, le quotidien évoquant sa "89e invention" sur laquelle elle travaille "vingt heures par jour".
"L'inventrice la plus célèbre du XIXe siècle"
Une plaque lui octroyant le titre de "première femme à avoir breveté aux États-Unis" a un temps ornée la maison de Framingham, dans le Massachusetts, où elle a vécu plus de vingt ans et où elle est morte - même si, en réalité, elle n'est pas la première femme à avoir déposé un brevet, c'était une autre en 1793.
Un modèle réduit mais fonctionnel de sa machine à fabriquer des sacs en papier est exposé dans l'un des musées de la Smithsonian Institution, à Washington, un vaste complexe scientifique qui regroupe musées et centres de recherche. Pourtant présentée comme "l'inventrice la plus célèbre du XIXe siècle", ce n'est qu'en 2006 que Margaret Ethridge Knight a été admise au National Inventors Hall of Fame, une organisation qui honore les réalisations des inventeurs. Et inventrices.