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5 inventions de femmes volées par des hommes: la scie-circulaire

Une scie circulaire moderne (photo d'illustration) - Armend Nimani-AFP
Une scie circulaire moderne (photo d'illustration) - Armend Nimani-AFP

Elle n'est pas officiellement reconnue comme son inventrice. Pourtant, Tabitha Babbitt, une Américaine née en 1779, serait à l'origine de la scie circulaire. Née dans le Massachusetts, Tabitha Babbitt intègre une communauté Shaker - une branche du protestantisme qui interdit la propriété privée. Persécutés par les Anglais, les Shakers sont arrivés dans le Nouveau Monde dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Puritains et austères, leur style de vie est dépouillé, si ce n'est minimaliste.

Connectée à une machine hydraulique

En observant des hommes utiliser une scie de long - cette scie particulièrement longue manipulée par deux personnes pour transformer un tronc ou une poutre en planches - elle aurait remarqué qu'une partie de leurs mouvements n'était pas valorisée. Et aurait imaginé qu'une lame ronde serait plus efficace. Elle aurait ainsi conçu un nouveau modèle de scie connectée à une machine hydraulique pour réduire les efforts humains.

En 1813, Tabitha Babbitt aurait ainsi inventé ce qui se présente comme l'une des premières scie circulaire utilisée dans une scierie. Mais étant membre de cette communauté religieuse qui proscrit tout enrichissement personnel, elle ne dépose pas de brevet.

Une controverse

Sans brevet déposé par l'inventrice, difficile d'attester précisément la date de cette invention, d'autant que le sujet est discuté, voire controversé. Selon certains, ce serait bien un village Shaker qui aurait donné le jour à la première scie circulaire, mais pas celui de Tabitha Babbitt, et encore moins cette dernière, sa date d'entrée dans la communauté ne correspondrait pas avec l'apparition de l'invention.

Certains affirment également que la scie-circulaire aurait vu le jour bien plus tôt, dès la fin du XVIIIe siècle. Un Britannique de Southampton aurait en effet déposé en 1777 un brevet pour une scie actionnée par un moulin à vent. D'autres mentionnent encore l'apparition de la scie circulaire en Allemagne à la même époque ou encore le brevet d'un Français en 1799 pour une invention similaire, nommée "scie sans fin".

L'invisibilisation des femmes

De toute évidence, l'objet semble avoir été pensé et mis au point de différentes manières autour de cette même période, fin XVIIIe/début XIXe, à différents endroits du globe. Mais pour Ophélie Latil, qui dirige le cabinet de conseil en égalité et inclusion Dames oiseaux, l'exemple de Tabitha Babbitt - qui aurait également imaginé d'autres innovations en matière de filage et de prothèse dentaire - est une illustration des mécanismes d'invisibilisation des femmes.

"C'est un ensemble de normes, de comportements, de valeurs qui contribuent à la domination masculine, analyse-t-elle pour BFMTV.com. L'État, l'Église, la famille participent au mépris et à la minimisation du travail des femmes, qu'il s'agisse d'inventions, de découvertes scientifiques ou de création artistique. Et tout cela contribue à leur spoliation."

"Inconsciemment, une femme doit se taire"

Pour Ophélie Latil, qui a également créé le mouvement Georgette Sand, à l'origine de la publication du livre Ni vues ni connues - Panthéon, histoire, mémoire: où sont les femmes? et du projet mémoriel Les Monumentales - l'affichage sur la place du Panthéon à Paris des noms de 200 femmes qui se sont chacune illustrées dans leur domaine mais qui ont été passées sous silence - il reste difficile pour une femme d'oser revendiquer son travail.

"Si ça l'est toujours aujourd'hui, c'était pire les siècles précédents. Pour celle qui ne souhaite qu'une reconnaissance ou une certaine forme de justice pour que la maternité de la découverte lui soit attribuée, on lui colle une étiquette et on dit qu'elle veut se faire de la publicité, qu'elle est ambitieuse, qu'elle a soif de pouvoir ou d'argent. Bref, c'est toujours quelque chose de négatif. Car, inconsciemment, une femme doit se taire."

Article original publié sur BFMTV.com