3 journalistes d'Al Djazira condamnés au Caire à 3 ans de prison

par Ahmed Aboulenein LE CAIRE (Reuters) - Un tribunal du Caire a condamné samedi trois journalistes de la chaîne télévisée qatarie Al Djazira à trois ans de prison pour avoir travaillé en Egypte sans autorisation et diffusé des images portant atteinte à l'image du pays. La Cour de cassation égyptienne avait ordonné en janvier que les trois journalistes, condamnés en première instance à des peines allant de sept à dix ans de réclusion pour "propagation de mensonges" en vue d'aider une organisation dite terroriste, en l'occurrence les Frères musulmans, soient rejugés. Les trois hommes, le Canadien d'origine égyptienne Mohamed Fahmy, l'Egyptien Baher Mohamed et l'Australien Peter Greste, avaient été libérés sous caution en février après avoir passé plus d'un an derrière les barreaux. Peter Greste a été aussitôt expulsé. Baher Mohamed et Mohamed Fahmy ont en revanche été reconduits en prison après leur nouvelle condamnation, a-t-on appris auprès de Marwa Omara, la femme de Mohamed Fahmy, en larmes après la lecture du verdict. Le magistrat du tribunal pénal du Caire, Hassan Farid, a estimé dans son jugement que les trois accusés "ne sont pas journalistes et ne sont pas membres du syndicat de la presse" et qu'ils diffusaient leurs reportages depuis l'hôtel Marriott du Caire sans autorisation. Baher Mohamed a écopé de six mois de prison supplémentaires en raison, selon l'agence de presse officielle Mena, d'une balle retrouvée en sa possession le jour de son arrestation. "MAUVAISE FARCE" Les trois journalistes, qui vont faire appel, travaillaient pour l'antenne anglophone d'Al Djazira. La chaîne qatarie a dénoncé dans un communiqué lu par son directeur général, Moustafa Sawaq, "une attaque contre la liberté de la presse et une journée noire dans l'histoire de la justice égyptienne". "Cela me rend malade", a déclaré Peter Greste à Reuters. "Nous nous doutions qu'ils pourraient nous condamner pour sauver la face. Mais nous pensions que la peine la plus probable serait une peine de prison avec sursis." L'arrestation des journalistes, leurs mauvaises conditions de détention et leur procès ont fait l'objet de vives critiques internationales. Les trois journalistes ont nié tout acte délictueux et se sont dits victimes d'un règlement de compte politique entre les autorités du Caire et le Qatar, soutien des Frères musulmans de l'ancien président Mohamed Morsi, déposé par l'armée en juillet 2013 après de grandes manifestations contre son pouvoir. "C'est scandaleux", a réagi Peter Greste. "C'est tout simplement faux. Nous avons parlé aux Frères musulmans, absolument. Mais la confrérie, alors, n'était pas une organisation interdite. Elle l'a été après notre incarcération." L'avocate de Mohamed Fahmy, Amal Clooney, a indiqué qu'elle allait essayer d'obtenir l'expulsion de son client vers le Canada. "Nous allons faire appel de ce verdict (et) avoir une série de réunions avec des responsables du gouvernement (égyptien) pendant lesquelles nous allons demander son expulsion immédiate vers le Canada", a-t-elle déclaré. "Son collègue Peter Greste a été renvoyé en Australie. Il n'y a aucune raison pour qu'une telle décision ne soit pas prise dans le cas de Fahmy." Amnesty International a qualifié le verdict rendu samedi de "mauvaise farce pour la justice égyptienne". (Tangi Salaün et Nicolas Delame pour le service français)