Aux 20-Heures, Barnier en appelle au RN pour éviter la censure et sauver son gouvernement
POLITIQUE - Opération dernière danse. Le Premier ministre, qui affirmait haut et fort ne pas s’être « roulé par terre » pour prendre la tête du gouvernement, a usé de nombreux arguments ce mardi 3 décembre au soir pour convaincre les députés de ne pas le censurer mercredi à l’Assemblée nationale. Quitte à orienter de nouveau son plaidoyer vers l’extrême droite.
Invité des journaux de 20 heures de TF1 et France 2 à la veille d’une journée qui signera sans doute la fin de son bail à Matignon, Michel Barnier a répété ses appels à la responsabilité en demandant surtout aux élus du Rassemblement national de ne pas joindre leurs voix à celles du Nouveau Front populaire dans l’hémicycle. Un souci de cohérence, selon lui, alors que cette addition est nécessaire pour le faire chuter.
Pour inciter les lepénistes à ne pas appuyer sur le bouton, le Premier ministre n’a pas hésité à diaboliser l’alliance des partis de gauche à l’Assemblée nationale, quitte, en effet miroir, à institutionnaliser toujours plus le RN. Une tentative qui s’inscrit dans la lignée de l’action du Savoyard à la tête du gouvernement, menacé aujourd’hui après avoir (presque) tout cédé au parti à la flamme, sur la forme comme sur le fond.
Dernière adresse au RN
À la question de savoir qui viendrait « à son secours » lors du vote des motions de censure, déposées en réaction à son 49.3 sur le budget de la Sécu, le Premier ministre a choisi de souligner les mots durs du NFP dans le texte que le RN s’apprête à voter. Le tout en assurant à plusieurs reprises que « l’extrême gauche » et Jean-Luc Mélenchon « tiennent la plume » de cette initiative. Une expression mensongère et employée à dessein, quand le Premier ministre n’utilise jamais le qualificatif « extrême droite » pour parler de Marine Le Pen et de son mouvement.
« Je voudrais vous lire une phrase rédigée par l’extrême gauche et monsieur Mélenchon », a-t-il commencé, avant de citer le texte signé et porté par le NFP : « Nous avons fait barrage à l’extrême droite. Le Premier ministre a cédé à leurs plus viles obsessions… » Et d’insister : « Est-ce que c’est du respect ? Non, ce n’est pas du respect. » De quoi démontrer à ses yeux qu’il accorde plus d’égards au parti lepéniste et à ses électeurs, que la gauche.
Offensif, Michel Barnier a invoqué dans la foulée, une récente proposition de loi des insoumis qui a fait polémique dans la sphère politique. Il y a « derrière » la motion de censure, une « proposition récente du groupe d’extrême gauche de faire une proposition de loi pour abolir le délit d’apologie du terrorisme, quelques jours après le tragique anniversaire (de l’attentat) du Bataclan », a-t-il affirmé. Tant pis si le texte réel des insoumis ne dit pas tout à fait cela, et surtout, si les enjeux du vote de mercredi ne sont pas ceux-ci : La motion de censure vise uniquement à renverser le gouvernement, pas à proposer un projet alternatif.
Le Pen douche les derniers espoirs
Dernière pièce dans ce discours presque désespéré ? Un fait de séance, ce mardi après-midi à l’Assemblée nationale quand une députée LFI a crié « on s’en fout » lors d’un hommage à un ancien élu décédé récemment - elle a expliqué depuis s’être adressée à un « collègue ». « Ces gens n’ont pas de respect », a ainsi tancé le Premier ministre en racontant la scène sur TF1 et France 2, comme un éventuel motif pour le RN de ne pas voter la censure avec les députés de gauche. Ou comme une façon de prendre les électeurs lepénistes à témoin.
Pour le Premier ministre, qui souhaite « continuer à servir » en misant sur un « réflexe de responsabilité », il est question avant tout de l’avenir de la France. « L’impact de l’instabilité politique vous la verrez immédiatement sur les marchés financiers (...). Si la motion passe, tout sera plus difficile », a-t-il assuré aux 20-Heures, à rebours d’Emmanuel Macron qui, appelait, quelques minutes plus tôt depuis Ryad en Arabie saoudite, à « ne pas faire peur aux gens » concernant une éventuelle crise financière.
Quoi qu’il en soit, cette tentative de la dernière chance, une nouvelle fois tournée vers l’extrême droite, n’a pas porté ses fruits, à en croire les premières réactions. Sans surprise. Après une ribambelle de concessions et de gestes à son égard ces dernières semaines puis une dernière griffe - il a accusé Marine Le Pen de « surenchère » ce mardi soir -, la cheffe de file du RN a douché les menus espoirs de Michel Barnier quelques secondes après la fin de son interview.
« En inscrivant son budget dans la continuité catastrophique d’Emmanuel Macron, le Premier ministre ne pouvait qu’échouer », a-t-elle écrit sur les réseaux sociaux, laissant peu de place au doute quant à l’attitude de son groupe à l’heure fatidique. Et d’ajouter : « Il avait en revanche le choix, et le devoir, de ne pas mentir. » Une dernière réponse, entre l’ombre et l’indifférence.
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