Être accros aux écrans n’est pas réservé aux ados, ces seniors ne peuvent pas vivre sans être connectés
ECRANS - « Dès que son téléphone sonne ou vibre, elle est déconnectée du moment et de la conversation. » Ces paroles pourraient être celles d’un adulte face à son adolescent accro à son smartphone. Mais ce sont celles d’une femme face à sa mère, qui a la soixantaine. Une étude IPSOS le soulignait en février dernier : 40 % des Français de 65 ans et plus se disent dépendants à leur smartphone. Et pour 32 % d’entre eux, c’est même une source de tension au sein de leur foyer.
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« Ma mère est tout le temps sur sa tablette, témoigne Marie*, 39 ans. À peine levée, à la table du petit-déjeuner, elle est dessus. » Depuis quelques années, ce comportement agace la trentenaire. Surtout lors des moments où toute la famille est réunie. « Elle se détourne de ce qui est en train de se passer, alors que ce sont des moments ou des souvenirs qu’elle pourrait créer avec ses petits-enfants ou avec nous », regrette-t-elle.
Ce qui achève de l’exaspérer, c’est l’exemple que cela donne à ses propres enfants, qu’elle essaye au mieux de préserver des écrans. « Quand ils sont chez mes parents, ils ont le droit d’utiliser la tablette, pas de manière illimitée, mais quand même. Elle leur file en douce et ça me gave », résume Marie. Même sentiment de frustration du côté de Lauriane*, 28 ans. Quand elle est au restaurant avec sa mère, son smartphone vient s’immiscer dans la conversation.
« J’ai l’impression d’avoir une ado en face de moi »
« Dès que son téléphone vibre ou sonne, elle est déconcentrée et ne m’écoute plus, raconte-t-elle. Quand je lui fais remarquer, elle me répond que si, mais elle ne me regarde pas. C’est assez malpoli. » Surtout, elle décrit, non sans une pointe d’ironie, une inversion des rapports mère-fille. « J’ai un peu l’impression d’avoir une ado en face de moi, s’amuse-t-elle. Surtout qu’elle était contre les téléphones quand moi je l’étais. Et là c’est moi qui lui dis : “décroche les yeux de ton téléphone”, ou “pas de téléphone à table”. »
Du côté des seniors, ils sont nombreux à admettre passer un temps conséquent devant leur écran, que ce soit pour communiquer, faire du shopping ou des jeux en ligne. C’est le cas de Monique, 75 ans, retraitée qui vit seule à Versailles. Elle a un compte Facebook et un compte Instagram, qu’elle alimente quotidiennement. « Je prends des photos et je les poste pour mes 75 followers. Ça fait beaucoup rigoler mes copains, je fais des petites poses, ils regardent comment je suis habillée, font des commentaires etc. », décrit-elle.
Dès le matin, elle utilise son smartphone pour regarder les infos, les expositions, les sorties culturelles… Quand on lui demande s’il y a des moments où elle le met de côté, la réponse est claire : jamais. « C’est malheureux, mais bon. Je l’éteins la nuit, car j’estime que s’il y a une mauvaise nouvelle, il sera assez tôt le lendemain à 8 heures pour l’apprendre, admet-elle. C’est très difficile de déconnecter. Parfois, quand je regarde la télévision le soir, j’ai la tablette ouverte et le téléphone en même temps. »
« Je ne pourrais plus vivre sans les réseaux sociaux »
Nicole, 76 ans, confirme sans détour qu’elle est « totalement addict » à son ordinateur. Elle vit seule et est à la retraite depuis 2009. Elle dit s’être petit à petit vraiment « intéressée à l’Internet », au point de passer ses journées devant son écran. « Je ne pourrais plus vivre sans les réseaux sociaux (Facebook, Twitter-X, WhatsApp, Telegram pour les principaux) et surtout YouTube », liste-t-elle.
Accueillir de la famille chez elle est même devenu pénible. « Au bout d’un moment, leur présence m’agace parce que je ne peux pas aller devant mon ordinateur dans mon bureau… », confie-t-elle. Elle reconnaît que son comportement est problématique et s’est inscrite à quelques activités de loisirs par semaine, pour se forcer à sortir de chez elle. Car sinon, elle mange et s’endort parfois devant son ordinateur…
Dominique, la soixantaine, a également pris conscience du temps passé sur son téléphone. « Ça joue un rôle important dans ma journée, de savoir si mon téléphone est bien chargé - car ma batterie ne tient pas longtemps, explique-t-elle. Il y a une forme de dépendance pour tout ce qui est activités, déplacements, toutes les choses que vous avez envie de vérifier mais qui ne sont pas forcément vitales… »
Si elle sort de chez elle en l’oubliant à la maison elle se sent « vraiment déstabilisée ». Même sa propre mère, âgée de 95 ans, n’est pas épargnée par cette addiction. « Elle est tout le temps dans son téléphone. Elle lit ses messages et a beaucoup de problèmes techniques qu’elle essaye de régler. Elle joue aux cartes. Elle n’est pas moins geek que moi. Ça ne crée pas de tension, mais des petites remarques qu’on pensait réservées aux ados », résume-t-elle.
Elle a même consacré une chanson à la « nomophobie », la phobie d’être séparé de son téléphone, dans le cadre d’un groupe d’écriture amateur. Le titre, mis en musique sur un air de guitare, s’intitule « La reine des téléphones ».
« C’est un peu mon doudou
Je l’accroche à mon cou
Sans la valse des applis
Je n’ai aucun ami
J’ai trop peur de la nuit
Elle donne le tournis
Si JE PERDS mon téléphone
Je ne suis plus personne (bis) », écrit DomiTi, de son nom d’artiste.
* les prénoms ont été modifiés
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