Les évasions de patients internés en hôpitaux psychiatriques sont-elles courantes?

Une clinique psychiatrique en France, en avril 2021 - JEFF PACHOUD © 2019 AFP
Une clinique psychiatrique en France, en avril 2021 - JEFF PACHOUD © 2019 AFP

Ces derniers jours ont été mouvementés pour les unités psychiatriques toulousaines. Mercredi 19 janvier, un premier patient parvient à s'enfuir d'une unité psychiatrique à Toulouse, à l'hôpital Gérard Marchant, et agresse une septuagénaire à l'aide d'une barre de fer. Il s'agit de Jérémy Rimbaud, surnommé le "cannibale des Pyrénées", qui avait été interné après avoir tué un agriculteur, puis mangé son coeur et sa langue en 2013.

Un deuxième individu s'échappe du même hôpital quelques jours après son interpellation, soit dimanche 23 janvier. Un troisième homme s'échappe ensuite de l'hôpital Purpan, toujours à Toulouse, ce jeudi 27 janvier. Puis, ce vendredi, c'est un patient âgé de 43 ans, connu pour des faits de viol, qui s'est enfui de nouveau de l'hôpital Gérard Marchant.

"Les fugues sont assez communes"

Cette succession d'événements similaires en seulement deux semaines soulève plusieurs questions: l'évasion de Jérémy Rimbaud n'a-t-elle pas seulement permis de mettre en lumière un phénomène récurrent en France?

"On peut dire que les fugues sont assez communes", constate Isabelle Morère auprès de BFMTV.com. La déléguée syndicale CGT à l'Hôpital Gérard Marchant de Toulouse tient toutefois à nuancer d'emblée: "Les fugues ne sont pas exceptionnelles, et c'est partout pareil (...) Un patient n'est pas un danger en soi. Il peut y avoir des exceptions, certains passages à l'acte. Mais ils sont le plus souvent stabilisés".

"Quand un individu passe à l'acte et qu'il n'est pas maître de lui-même, il est considéré comme pénalement irresponsable. À partir de là, le parti pris est de le soigner", poursuit-elle. Lorsque les patients sont considérés comme "dangereux", ils peuvent intégrer l'une des dix unités pour malades difficiles (UMD) existantes en France.

Mais ils ne sont pas amenés à y rester toute leur vie, souligne la déléguée syndicale: "Lorsque les soignants estiment qu'ils sont stables, on les sort de l'UMD" pour les interner dans des hôpitaux ou unités psychiatriques, au sein desquels ils reprendront un parcours de soin classique.

"Un hôpital psychiatrique n'est pas une prison"

À ce titre, les activités en extérieur leur sont permises: une mesure "normale", pour Isabelle Morère.

"Un hôpital psychiatrique n'est pas une prison. On ne garde pas nos malades enfermés", précise celle qui préfère d'ailleurs utiliser le mot "fugue" plutôt qu'"évasion".

Dans un communiqué publié mercredi, le syndicat SUD Santé Sociaux du centre hospitalier Gérard Marchant craignait lui aussi que ne soit réactivée "une vieille idée réactionnaire issue des heures les plus sombres de notre histoire qui voudrait que les patients atteints de troubles psychiques restent à l’asile"

Dans cette même ligne, pour Isabelle Morère, le problème se situe ailleurs que dans un manque de surveillance des patients. "Ce qu'il faut, ce n'est pas les attacher, mais assurer une écoute et une continuité des soins". Une volonté mise à mal par un manque de temps et d'effectifs.

Des services psychiatriques "délaissés"

"La question qui se pose, c'est ce que l'on est en capacité d'offrir comme soins. D'une part, l'Agence régionale de santé nous dit qu'il ne faut pas que nos patients fassent parler d'eux, et nous presse d'autre part de les soigner rapidement", des demandes inconciliables.

Cette dénonciation d'un manque de moyens au sein des unités et hôpitaux psychiatriques n'est pas nouvelle. "Ça fait des années qu'on le dit", estime la déléguée syndicale. Des tensions structurelles dans la filière qu'évoquait également ce vendredi sur BFMTV le Pr Antoine Pelissolo, psychiatre et chef de service au CHU Henri-Mondor de Créteil.

876450610001_6294087970001 "Les services de psychiatrie ont été délaissés, sous-dotés en moyens depuis des années".

Ce à quoi s'ajoute, selon lui, la pression exercée par la crise du Covid-19. "Tout est basé sur la présence de personnel et on sait qu'en ce moment on a des difficultés à avoir des équipes en nombre suffisant", précise-t-il sur BFMTV.

Article original publié sur BFMTV.com