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États-Unis: le choix d'une colistière a-t-il vraiment un effet sur l'élection?

Joe Biden et Kamala Harris lors d'un débat de la primaire démocrate  - Robyn Beck / AFP
Joe Biden et Kamala Harris lors d'un débat de la primaire démocrate - Robyn Beck / AFP

C’est la fin d’un suspens de plusieurs semaines. Ce mardi, Joe Biden, futur candidat démocrate à la présidentielle américaine qui doit se tenir en novembre prochain, a enfin annoncé sa colistière dans la course à la Maison-Blanche. Sans réelle surprise, celui qui a été vice-président de Barack Obama durant ses deux mandats a choisi la sénatrice noire Kamala Harris, qui pourrait en cas de victoire devenir la première femme à occuper ce même poste.

"J'ai l'immense honneur d'annoncer que j'ai choisi Kamala Harris, combattante dévouée à la défense courageuse des classes populaires et l'une des plus grands serviteurs de l'Etat, comme ma colistière", a annoncé le septuagénaire.

Après Geraldine Ferraro en 1984 et Sarah Palin en 2008, Kamala Harris devient ainsi la troisième femme de l’histoire du pays à occuper ce poste de colistière. Pour autant, aussi fort et symbolique soit ce choix, qui a été approuvé par Obama lui-même, son impact sur ce qui reste de la campagne électorale, ainsi que sur le scrutin en lui-même, reste très marginal.

Effet marginal

Cet impact modéré du choix de la colistière se fait ressentir dans plusieurs sondages publiés ces dernières semaines par la presse américaine. Ainsi, selon Forbes, seuls 16% des électeurs démocrates estiment que le choix Joe Biden aura un pouvoir d'influence fort sur leur vote. A l'inverse, ils sont 54% à estimer que cela ne changera rien au moment de rejoindre l'isoloir.

A l'échelle locale également, cette "indifférence" se fait ressentir puisque selon une enquête de CBS/YouGov, seuls 18% des électeurs démocrates du Wisconsin estiment que l'influence du choix sera importante. Ils ne sont que 17% en Pennsylvanie à penser la même chose.

De plus, selon d'autres travaux réalisés cette fois-ci par Morning Consult fin juillet dernier, le nom de la colistière, qui n'était pas encore annoncé, ne modifierait que très sensiblement les sondages. Ainsi, dans la dizaine de noms proposés pour ce sondage, d'Elizabeth Warren à Val Demings en passant par Kamala Harris, les variations ne sont que de l'ordre de 1 à 2% (de 45 à 47% d'intentions de vote en faveur de Biden à l'échelle nationale, peu importe le nom de sa Colistière).

Contacté par BFMTV.com, Lauric Henneton, auteur de l'Atlas historique des États-Unis, explique les raisons d'un tel désintérêt, mais aussi pourquoi ce choix sera malgré tout être au centre des discussions dans les jours à venir.

"C'est un effet assez limité dans le temps, sauf si cela s'avère être un choix désastreux. Pourtant, cela participe à un rebond temporaire, il y a une exposition médiatique. C'est un rebond mécanique, les instituts vont lancer des enquêtes afin de voir la perception du "ticket", c'est un vent de nouveauté qui pourrait faire bouger les sondages, mais cela va se tasser", assure-t-il.

"Compensation personnelle"

Historiquement, d'ailleurs, le choix d'un colistier n'a jamais été un argument pour faire basculer une élection. Dans un éditorial publié par le politologue Pierre Martin dans Le Journal de Montréal, il est toutefois mentionné l'exemple de 1960, année au cours de laquelle Lyndon B. Johnson aurait fait basculer le Texas pour son candidat d'alors, John F. Kennedy.

"C'était un choix à l'ancienne, celui de l'équilibre avec un homme expérimenté du Texas. C'est le même type de calcul pour Biden, avec une femme noire et plus jeune. C'est une compensation personnelle mais de manière générale, si les électeurs ne veulent pas voter pour un candidat, ils ne voteront pas non plus pour son colistier et la compensation sera assez limitée", analyse encore Lauric Henneton.

Car en réalité, plutôt que de faire basculer l'élection, le rôle premier du colistier, ou de la colistière, est en réalité d'accompagner son candidat. Dans un long fil publié sur Twitter, Mathieu Gallard, directeur de recherches à Ipsos, donne d'ailleurs plusieurs exemples de cet accompagnement.

Selon lui, si un candidat manque d'expérience sur la scène internationale, il peut se faire épauler par un allié expérimenté. Ce fut le cas en 2000, lorsque George W. Bush a nommé Dick Cheney comme colistier, mais aussi en 2008 lorsque Barack Obama a fait le choix de Joe Biden, aujourd'hui en course pour la Maison-Blanche.

Au cours de la deuxième partie du XXe siècle, la question géographique avait également un poids important et il n'était pas rare qu'un candidat fasse appel à un colistier originaire de l'autre partie des États-Unis.

Réaction immédiate de Trump

Pour autant, le choix de Kamala Harris a eu un effet immédiat puisque lors de sa conférence de presse quotidienne, Donald Trump en a profité pour violemment éreinter cette dernière ainsi que son adversaire Joe Biden.

"J'étais plus surpris qu'autre chose parce qu'elle a été très médiocre" pendant la campagne des primaires démocrates, remportée par Joe Biden, a-t-il déclaré. "Elle a eu de très mauvais résultats aux primaires. Et ça, c'est comme un sondage", a-t-il commencé.

Le milliardaire républicain, qui est candidat à sa réélection, a aussi noté que lors de l'audition du candidat conservateur controversé à la Cour suprême Brett Kavanaugh, en 2018, Kamala Harris avait été "la plus méchante, la plus horrible, la plus insolente de tout le Sénat".

"Ce qui m’a surpris aussi, c’est qu’elle a été très très méchante à l’égard de Joe Biden, très irrespectueuse, difficile de choisir quelqu’un de plus irrespectueux, elle a dit des choses terribles sur Sleepy Joe pendant le débat des primaires démocrates", conclut Donald Trump.

Article original publié sur BFMTV.com