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"Elle était pieds nus, en culotte": Jennifer a recueilli la femme séquestrée par sa mère et sa sœur en Charente-Maritime

Dans la nuit du 24 au 25 août, une jeune femme s'est échappée d'une maison dans laquelle elle dit avoir été retenue de force pendant trois ans par sa mère et sa sœur. Elle s'est réfugiée chez sa voisine en attendant les forces de l'ordre.

"Au secours! Aidez-moi! Appelez la police!" C'est par ces cris que Jennifer a été tirée de son lit dans la nuit du 24 au 25 août. Il est 00h45 quand elle s'aperçoit que les appels à l'aide qu'elle entend ne proviennent pas de sa télévision mais de l'extérieur. Intriguée, elle ouvre la fenêtre de sa chambre puis descend à pas feutrés dans son jardin de Bignay, en Charente-Maritime. Jennifer retient son souffle: une jeune femme court dans sa direction et l'implore d'appeler les secours.

"Elle était pieds nus, en culotte, avec une sorte de dreadlock dans les cheveux, imbibée d’urine et d’excréments. Elle me dit que c’est la voisine, que ça fait trois ans qu’elle est séquestrée par sa mère et sa sœur et qu’il faut appeler la police", raconte à BFMTV.com cette maman de trois enfants qui croit d'abord à un canular.

Amaigrie et affaiblie

Mais la détresse exprimée par la jeune femme lui fait rapidement prendre conscience de la gravité des faits. Elle prévient la gendarmerie et tente de prendre soin de la rescapée en attendant leur arrivée. Elle l'installe sur une chaise et lui apporte des gâteaux "parce que je l’ai trouvée très amaigrie, elle ne tenait pas bien sur ses jambes".

"Je lui ai aussi donné une bouteille d’eau du robinet et elle m’a dit: 'C’est pas grave, d'habitude je bois de l’eau de pluie'", souffle Jennifer, encore abasourdie par la scène.

Celle-ci se corse encore quand la mère de la victime débarque à son tour dans le jardin de Jennifer. "Elle était dans un état pas mieux que sa fille. Elle lui a dit qu’il fallait rentrer à la maison parce que j’étais peut-être méchante mais elle n’a pas voulu repartir avec sa mère."

Précarité

La trentenaire essaie d'assembler le peu d'éléments que la jeune femme, visiblement apeurée, lui a distillé. Elle connaît ses voisins, elle sait que la femme qui se trouve dans son jardin ne peut pas sortir de chez eux. Elle ne voit qu'une explication: la maison qu'elle croit abandonnée depuis qu'elle a emménagé dans le village il y a cinq ans et qui se tient à une trentaine de mètres de la sienne.

"Je n’y avais jamais vu personne, jamais vu une lumière, rien. Tout était clôturé", nous décrit-elle.

L'arrivée des gendarmes sur place confirme son intuition. Dans cette bâtisse délabrée, les enquêteurs découvrent une pièce à la fenêtre obstruée et au sol souillé de salissures et d'excréments. Si Jennifer ne savait pas que cette maison était habitée par les trois femmes, d'autres Bignaysiens étaient au courant, voire même inquiets de leurs conditions de vie. Une procédure avait été initiée en 2020 à la suite d'un signalement alertant sur la précarité de la famille. Les gendarmes ont mené une enquête, mais celle-ci n'a rien donné, confirme sur BFMTV le maire de Bignay, Alain Mège.

Un an plus tard, la mère, âgée de 58 ans, et la sœur de la victime, 27 ans, se retrouvent mises en examen et écrouées pour "séquestration de nature criminelle". Devant les enquêteurs, la mère a contesté les dénonciations de sa fille de 25 ans. L'autre fille n'a pas souhaité s'exprimer, "elle ne reconnaît pas les faits", indique son avocat, Me Julien Sevet, contacté par BFMTV.com.

"Ça perturbe mon sommeil"

Toutes deux sont inconnues de la justice mais, selon La Nouvelle-République qui a révélé l'affaire, "la conversion de la mère et de la sœur aînée au mennonitisme" - un mouvement remontant au XVIe siècle et appartenant au protestantisme - peut expliquer que les trois femmes se soient repliées sur elles-mêmes.

"On n'est pas dans un cas de secte mais il y a une problématique soit religieuse, soit mystique entre trois personnes qui ont des niveaux intellectuels élevés. La mère, notamment, a fait des études de psychiatrie", a déclaré l'avocat général Stéphane Chassard lors d'une audience publique de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers.

L'enquête doit donc servir à définir les contours et les motifs de cette captivité mais pour Jennifer, quelle qu'en soit l'issue, l'évènement restera marquant. "Ça a été quelque chose, ça perturbe mon sommeil, je l’entends encore hurler la nuit. Ce n’est pas possible d’enfermer quelqu’un pendant trois ans sans lumière...", conclut celle qui visualise encore le "visage gris" de la victime.

Article original publié sur BFMTV.com

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