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Éric Zemmour n'est toujours pas candidat, mais flatte l'électorat gilets jaunes

Eric Zemmour, lors de la promotion de son livre
Eric Zemmour, lors de la promotion de son livre

POLITIQUE - C’est une proposition nouvelle du presque candidat Éric Zemmour: la suppression du permis de conduire à points. ”Ça permettrait de rendre plus confortable la vie des gens”, a argumenté le polémiste, invité du Grand-Jury RTL-LCI-Le Figaro ce dimanche 24 octobre.

Ce à quoi il s’empresse d’ajouter que s’il arrivait au pouvoir, il rétablirait la limitation de vitesse à 90km/h au lieu des 80 mis en place par Édouard Philippe en 2018 sur les routes nationales; plusieurs départements sont cependant déjà revenus sur la mesure qui avait contribué à l’émergence du mouvement des gilets jaunes.

Enfin, l’ancien journaliste du Figaro souhaite retirer aux maires le pouvoir de décider de la limitation de vitesse dans leur commune, un clin d’œil direct aux Parisiens qui n’ont plus le droit de conduire dans les rues de la capitale à plus de 30 km/h, depuis le 30 août dernier et à l’une de ses adversaires, Anne Hidalgo, maire de Paris.

“Arrêtez d’emmerder les Français”

“Depuis dix ans, on ne cesse d’emmerder les Français avec des taxes, avec des voitures qui ne peuvent plus rentrer dans les grandes villes et des axes réservés aux vélos qui tuent les commerces en centre-ville”, a-t-il énuméré, reprenant la formule de Georges Pompidou. Au même moment, ses troupes la faisaient vivre sous forme de hashtag sur les réseaux sociaux.

“C’est un discours très classiquement populiste qui cherche à faire remonter tous les mécontentements catégoriels, aujourd’hui ce sont les automobilistes, demain il nous dira la chasse, et ceux qui veulent payer moins d’impôts”, analyse pour Le HuffPost le politologue Jean-Yves Camus. “La formule de Pompidou a été prononcée dans une autre époque d’expansion économique et de société d’abondance, avec un chômage résiduel comme on ne la connait plus”, ajoute l’expert. C’était en 1966. Depuis, elle a souvent été reprise par Alain Juppé ou Emmanuel Macron plus récemment.

Pourquoi Éric Zemmour est-il allé sur ce terrain du permis à points et des limitations de vitesse qui ne sont pas parmi les priorités des Français et loin de l’actualité du moment? Il y a plusieurs raisons.

Éric Zemmour vise clairement l’électorat ‘gilet jaune’. Il avait, par ses références historiques et littéraires, un électorat doté d’un certain capital économique et culturel et il a la nécessité absolue d’élargir le spectre.Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l'extrême droite.

D’abord, pour élargir son électorat à des classes sociales plus populaires que celles qui le suivent dans ses séances de dédicaces aux allures de meeting où le droit d’entrée atteint la vingtaine d’euros. “Il vise clairement l’électorat ‘gilet jaune’. Il avait par ses références historiques et littéraires un électorat doté d’un certain capital économique et culturel et il a la nécessité absolue d’élargir le spectre”, analyse le spécialiste de l’extrême droite.

Jean-Yves Camus y voit tout de même plusieurs limites: “il va devoir aller au-devant des Français, sur les marchés et il ne va pas pouvoir tout promettre à tout le monde. Un seul exemple: quand on promet la souveraineté économique, il est tout de même compliqué de baisser massivement les impôts dans le même temps”.

Deuxième limite, la non-prise en compte de la lutte pour le réchauffement climatique dans ses idées, quand la convention citoyenne pour le climat prévoyait, par exemple, de réduire la vitesse sur les autoroutes à 110km/h. Éric Zemmour n’est d’ailleurs pas allé jusqu’à proposer la fin de la limitation de la vitesse sur l’autoroute, en arguant: “Je ne suis pas le Père-Noël”. “Pourtant, c’est exactement ce qu’il fait, le Père-Noël et la foire à cent sous”, ironise le politologue.

Aller chasser sur les terres de Le Pen

Dans cette émission dominicale, Éric Zemmour a, une fois encore, eu des propos ambigus sur le réchauffement climatique. “Vous êtes sûr vous? (qu’il y a un réchauffement climatique, NDLR) a-t-il lancé aux journalistes. Nous n’avons pas les moyens intellectuels de vérifier les chiffres des scientifiques, nous les croyons, mais la France n’a rien à voir là-dedans, nous sommes les plus vertueux”, a-t-il argumenté.

“C’est un peu court, notamment pour les Français qui eux voient très bien les effets du réchauffement climatique”, observe Jean-Yves Camus qui perçoit également dans cette démonstration un doute vis-à-vis de la science. “L’expression qu’il utilise “moyens intellectuels” est une négation de l’expertise. C’est comme s’il disait qu’il ne pouvait pas vérifier le diagnostic de son médecin et donc on ne se fie plus à rien”, illustre l’expert.

Second objectif pour le candidat putatif de la droite identitaire, aller chasser sur les terres de Marine Le Pen qui, elle, dispose d’un électorat populaire plus solide. “Entre Marine Le Pen et Zemmour, on a une lutte dont il faut rappeler qu’elle se terminera par l’absence d’un des deux au second tour. Il n’y a pas de ticket et le combat est relativement serré”, note le spécialiste qui prévoit que le ton “monte encore” entre les deux candidats nationalistes. Puis ensuite ce sera avec celle ou celui qui sortira du congrès du parti Les Républicains, début décembre. “Dans les sondages, entre Bertrand qui n’est pas encore désigné et ne le sera peut-être pas, Zemmour et Le Pen, on est dans la marge d’erreur: rien n’est joué entre les trois et ils ne vont rien s’épargner”, pronostique Jean-Yves Camus.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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