Éric Dupond-Moretti évoque ses "fiertés" et ses "regrets" en quittant le ministère de la Justice

La Chancellerie change de locataire. Le nouveau ministre de la Justice Didier Migaud a pris ses fonctions place Vendôme, ce lundi 23 septembre, lors de la passation de pouvoir avec son prédécesseur Éric Dupond-Moretti.

Dressant le bilan de ses quatre années au ministère, l'ex-garde des Sceaux a évoqué ses "fiertés et regrets". Parmi ses réalisations, il cite la hausse "inédite" du budget de la justice française, avec l'embauche de centaines de magistrats et greffiers. "La justice est sur la bonne voie", a-t-il assuré. "Je suis optimiste sur son avenir".

"Trop souvent seul à défendre la justice"

"Il est indispensable, monsieur le garde des Sceaux, que la loi de programmation pour la justice que j'ai portée (...) soit respectée", a-t-il également enjoint, jugeant qu'une "trahison de cette loi serait un signal dévastateur".

Au chapitre de ses "regrets", l'ancien avocat pénaliste a estimé avoir été "trop souvent seul à défendre la justice qui fait l'objet d'accusations injustes", en condamnant les procès en "laxisme" portés par des "observateurs" et des personnalités politiques. Le "couple police-justice a parfaitement fonctionné" durant son passager place Vendôme, a-t-il rétorqué à ses détracteurs.

"Je regrette de ne pas avoir eu le temps de porter un grand texte sur le narcotrafic devant le parlement", a-t-il également cité, indiquant à son successeur que ce dossier se trouve "sur son bureau".

Le temps "compté" pour Didier Migaud?

Pour sa première prise de parole en tant que ministre, Didier Migaud, a expliqué être conscient d'arriver au gouvernement dans "une période troublée au plan politique comme au plan budgétaire".

"Je sais que le temps peut m'être compté", a déclaré cet ancien député socialiste, seule figure classée à gauche dans le gouvernement de Michel Barnier.

La justice "n'est pas seulement une question de moyens", a souligné Didier Migaud, "à l'heure où la situation des comptes publics impose vraisemblablement à notre pays des efforts collectifs".

Le nouveau garde des Sceaux veut rendre la justice "plus lisible et, un mot qui m'est cher, (...) plus transparente, même si je peux connaître vos réserves vis-à-vis de cette transparence", a-t-il glissé à Éric Dupond-Moretti, qui avait tenu des propos durs envers la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, présidée jusqu'ici par Didier Migaud.

Vieux routier de la politique et du service de l'État, Didier Migaud, 72 ans, est un expert des questions budgétaires: il a présidé la Cour des Comptes pendant dix ans avant de veiller, depuis début 2020, à la probité des élus à la tête de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Proche de Laurent Fabius, conseiller de la candidate PS à l'Élysée Ségolène Royal en 2007, Didier Migaud a siégé une vingtaine d'année dans le groupe socialiste à l'Assemblée avant de se retirer des débats politiques en 2010.

Premier dans l'ordre protocolaire, il succède à Éric Dupond-Moretti, resté quatre ans à la Chancellerie et maintenu à son poste malgré une mise en examen - qui a abouti à une relaxe.

Inquiétudes sur le budget

"Le profil apparaît intéressant mais quels vont être ses moyens, ses marges de manœuvre? Sera-t-il en capacité d'enlever des arbitrages pour capter la ressource publique?", a réagi auprès de l'AFP Ludovic Friat, président de l'Union syndicale des magistrats, après sa nomination samedi.

"Nous sortons d'une phase avec des budgets conséquents, des réformes en cours qu'on a combattues, d'autres qu'on a soutenues, (...) que va devenir le recrutement massif de 10.000 personnels de justice (...) avec la rigueur budgétaire?", a-t-il ajouté.

Éric Dupond-Moretti, 63 ans, a "arraché avec les dents" - selon ses mots -, des moyens historiques pour la justice, inscrits dans une loi adoptée à l'automne 2023 (11 milliards d'euros de budget d'ici à 2027 et l'embauche notamment de 1.500 magistrats et 1.800 greffiers), et un changement de catégorie réclamé de longue date par le personnel pénitentiaire.

"Nous sommes inquiets d'avoir un homme qui a prôné l'austérité budgétaire des services publics à la tête de notre ministère qui venait juste d'avoir enfin des renforts", a considéré auprès de l'AFP le Syndicat de la magistrature, classé à gauche.

Pour FO Justice, qui "tient à saluer le travail du ministre sortant", "il est urgent que nous avancions rapidement sur la mise en œuvre du protocole" signé après l'évasion meurtrière de Mohamed Amra à Incarville et sur "la problématique de la surpopulation carcérale et la poursuite de la réforme des personnels pénitentiaires".

Article original publié sur BFMTV.com