Élisabeth Borne est Première ministre et non Premier ministre, et ça en dit long

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Un "e" sépare Cresson de Borne et ça en dit long sur l'évolution de la vie politique. (Photo: via Associated Press)

POLITIQUE - Trois décennies séparent l’entrée d’Édith Cresson d’Élisabeth Borne à Matignon. Trois longues décennies et une petite lettre de la plus haute importance: pour la première fois de son histoire, la Ve République a officiellement une Première ministre et non une femme Premier ministre.

15 mai 1991, le Journal officiel annonce: “Mme Édith Cresson est nommée Premier ministre”. La France a enfin une femme à la tête de son gouvernement et c’est une petite révolution. Qui a cependant encore des limites et la publication officielle en est révélatrice: Édith Cresson est une femme, mais sa fonction et son titre ne sont pas féminisés.

Trente-et-un ans et un jour plus tard, Élisabeth Borne s’installe à son tour à Matignon. Cette fois, le Journal officiel adapte le genre: ”Élisabeth Borne est nommée Première ministre.” Elle est officiellement la première à porter ce titre.

Mais tout le monde ne l’entend pas de cette oreille. Sur RTL ce mardi 17 mai, Éric Zemmour s’est obstiné à masculiniser la fonction. Première ministre, “c’est moche”, selon lui. ”À l’oreille, le français pour moi doit d’abord être beau. Donc, oui, c’est le Premier ministre”, argue-t-il. Valérie Pécresse, candidate déchue des Républicains à la présidentielle, a aussi salué sur Twitter la “2e femme Premier ministre de notre pays”.

En théorie tout y est, en pratique beaucoup reste à faire

Saisie de la question dès 2019, l’Académie française a estimé que rien ne s’opposait à la féminisation des noms de métiers. “Celle-ci relève d’une évolution naturelle de la langue, constamment observée depuis le Moyen Âge”, faisait valoir le texte adopté à “une large majorité” par les académiciens. L’institution n’avait pas dressé de listes exhaustives des professions féminisées, jugeant qu’il “convient de laisser aux pratiques qui assurent la vitalité de la langue le soin de trancher”.

Il est donc tout à fait correct d’appeler Élisabeth Borne madame la Première ministre et la féminisation du terme au Journal Officiel témoigne d’une certaine évolution vers une meilleure égalité femmes-hommes dans la vie politique. Mais tout n’est pas encore gagné, bien au contraire.

Dans la pratique, la féminisation se heurte à des réfractaires, y compris à l’Assemblée nationale. Dernier exemple en date en octobre 2021 lorsque la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili reprend de volée le député LR Julien Aubert qui l’appelle “madame le ministre”. “Je demande de manière très claire à être appelée ‘Mme la ministre’. Si M. le député ne respecte pas cela, il sera appelé ‘M. la rapporteur’ et j’en prends la pleine responsabilité”, maintient Barbara Pompili, s’attirant les remontrances de la vice-présidente - LR elle aussi - Annie Genevard.

La nomination d’Élisabeth Borne ne manquera pas de relancer le débat. De plus, au-delà du symbole d’une femme à Matignon, son entourage et son gouvernement seront eux aussi scrutés. Les femmes seront-elles mises à l’honneur? Comme numéro 2, Élisabeth Borne a choisi Aurélien Rousseau, ancien directeur adjoint du cabinet de Manuel Valls, selon Le Monde. Quid des ministres? Selon la volonté affichée d’Emmanuel Macron dès son premier quinquennat, le gouvernement devrait être paritaire. Il faudra attendre quelques jours pour le vérifier.

À voir également sur Le HuffPost: Nommée Première ministre, Elisabeth Borne dédie son discours ”à toutes les petites filles”

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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