Élections en Italie : que changerait la victoire de Giorgia Meloni ?

La cheffe du parti d’extrême droite Frratelli d’Italia Giorgia Meloni, le chef du centre-droit Forza Italia Silvio Berlusconi et le chef du parti d’extrême droite La Ligue Matteo Salvini, lors d’une conférence de presse conjointe en mars 2018.
ANDREAS SOLARO / AFP La cheffe du parti d’extrême droite Frratelli d’Italia Giorgia Meloni, le chef du centre-droit Forza Italia Silvio Berlusconi et le chef du parti d’extrême droite La Ligue Matteo Salvini, lors d’une conférence de presse conjointe en mars 2018.

ANDREAS SOLARO / AFP

La cheffe du parti d’extrême droite Frères d’Italie Giorgia Meloni, le chef du centre-droit Forza Italia Silvio Berlusconi et le chef du parti d’extrême droite la Ligue Matteo Salvini, lors d’une conférence de presse conjointe en mars 2018.

ITALIE - L’Italie doit choisir son avenir politique ce dimanche 25 septembre. Un défi de taille pour le voisin transalpin, confronté à l’inflation, aux conséquences énergétiques de la guerre en Ukraine et à l’instabilité politique provoquée par la démission du gouvernement porté par Mario Draghi.

Avec à sa tête Giorgia Meloni, cheffe de fil du parti néofasciste Fratelli d’Italia, la coalition formée avec le parti Forza Italia de Silvio Berlusconi et la Ligue du populiste Matteo Salvini est donnée largement favorite. Une élection (presque) gagnée d’avance et qui interroge forcément sur l’avenir de la péninsule en cas de victoire de cette large alliance des droites aux relents néofascistes ?

L’alliance des droites italiennes a été fabriquée pour remporter cette élection, comme l’explique au HuffPost Marc Lazar, professeur émérite à Sciences Po et président de la School of Governement à l’Université LUISS de Rome. Cet éminent spécialiste de l’Italie post-1945 décrypte l’impact immense que cette alliance peut avoir sur le paysage politique italien.

Une « machine de guerre » prête à changer la Constitution

Selon le professeur, cette coalition est « une machine de guerre ». Réunie autour de points communs comme la réaffirmation de l’identité nationale, la dénonciation de l’Islam et des migrants, ou l’hostilité à la gauche, l’alliance menée par le parti de Giorgia Meloni ne craint plus de perdre. « Nous sommes en train d’assister à la chronique d’une victoire annoncée, et les deux grandes questions qui se posent sont surtout : de quelle ampleur sera la victoire de la coalition de centre droit ? Et quels seront les rapports de force interne au sein de cette coalition ? ».

Car avec trois chefs, « cela va être une tension constante entre des facteurs qui poussent à la division, et des facteurs qui poussent à l’unité pour éviter le retour de leurs adversaires au pouvoir ». Et cette tension est déjà perceptible. « Matteo Salvini et Silvio Berlusconi commencent à être particulièrement irrités de l’ascendant et de la popularité que prend Giorgia Meloni. Ils sont alliés mais en compétition entre eux », résume Marc Lazar.

Mais même en Italie, où « un gouvernement ne dure généralement pas plus d’un an », l’union des parties de droite et d’extrême droite pourrait rapidement mettre en place son programme commun. Un programme en 15 points, dont l’une des mesures majeures concerne la modification de la Constitution. « On irait vers une transformation des institutions avec une élection au suffrage universel du président de la république, et non plus une élection indirecte. Cela pourrait se faire automatiquement si la coalition récolte les 2/3 des députés et des sénateurs. Sinon, il faudra un référendum ».

Commencer par cela pourrait sembler logique car c’est un point d’accord ancien entre eux. « C’est d’autant plus facile à faire, que sur beaucoup d’autres sujets comme les questions européennes, ils ont beaucoup de points de désaccord ». En revanche, sans ses 75 %, il faudrait « au moins deux ans avec une issue incertaine » pour mettre en place une procédure de réforme constitutionnelle avec référendum.

Une baisse d’impôts, vraiment ?

Parmi les autres dossiers sur la table de l’alliance des droites, celui de la révision du plan de relance et résilience engagé par Mario Draghi avant sa démission. Un sujet sans réelle division mais sans direction évidente pour le moment. « La coalition n’est pas très claire sur ce point et deux interprétations sont possibles : est-ce juste une adaptation aux transformations les plus récentes comme l’inflation ou la dépendance énergétique de l’Italie ? Ou s’agit-il d’une remise en cause fondamentale du contenu même de ce plan tel qu’il a été élaboré par Draghi, avec le soutien de la Ligue et de Forza Italia, qui étaient alors au pouvoir, contrairement au parti de Giorgia Meloni ». Pour Marc Lazar, il y a « beaucoup d’interrogations, mais pas de réponses claires des candidats et des différents partis de la coalition » sur ce point.

Une photo prise le 20 octobre 2021 montre  le chef du parti Lega Matteo Salvini, le chef du parti Fratelli d’Italia Giorgia Meloni et le chef du parti Forza Italia Silvio Berlusconi à la fin d’une réunion commune à Rome le 20 octobre 2021.
CLAUDIO PERI / AFP Une photo prise le 20 octobre 2021 montre le chef du parti Lega Matteo Salvini, le chef du parti Fratelli d’Italia Giorgia Meloni et le chef du parti Forza Italia Silvio Berlusconi à la fin d’une réunion commune à Rome le 20 octobre 2021.

CLAUDIO PERI / AFP

Une photo prise le 20 octobre 2021 montre le chef du parti Lega Matteo Salvini, le chef du parti Fratelli d’Italia Giorgia Meloni et le chef du parti Forza Italia Silvio Berlusconi à la fin d’une réunion commune à Rome le 20 octobre 2021.

Marc Lazar souligne aussi les divergences sur la future politique fiscale de l’alliance : Salvini milite pour une baisse d’impôt immédiate, là où Giorgia Meloni souhaite réduire les impôts, mais seulement après avoir consulté la situation financière de l’Italie. « C’est tout l’enjeu de cette coalition : le rapport de force qui va sortira des urnes et la manière dont le gouvernement sera composé permettra de jauger si cette alliance peut durer au pouvoir », observe-t-il.

Les droits des femmes en danger

Malgré le caractère inédit que pourrait représenter l’élection d’une femme comme future présidente du Conseil des ministres, cette Romaine de 45 ans présente des idées très rétrogrades notamment sur les questions relatives aux femmes. Prônant par exemple la « culture de la vie, contre la culture de la mort », elle ne se dit pas ouverte à changer la législation italienne sur l’avortement, mais défend plutôt « le droit au non-avortement ».

Comme exemple de cette position ambiguë, Marc Lazar rappelle qu’elle avait été « la première signataire d’un texte déposé par son parti à la municipalité de Rome en 2019, pour demander que dans les cimetières de la capitale soient enterrés les fœtus, sans l’accord de la mère, et avec le nom de la femme sur la tombe ».

« Fasciste dès l’âge de 15 ans », Giorgia Meloni n’a pris ses distances avec ce courant que très récemment. « Elle conserve néanmoins des éléments de continuité avec ce courant, c’est incontestable, même si elle essaye, à l’instar de Marine Le Pen en France, de se normaliser ». Sans répudier pour autant les racines de son parti, mises en exergue par son fameux triptyque : « Dieu, famille, patrie ».

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Parmi les interrogations que laisse en suspens le professeur, une question lui semble cruciale à quelques heures de l’échéance électorale italienne : « Si l’alliance des droites gagne, que va-t’il se passer avec la France ? ». Très virulente à l’égard de la France, la (probable) future présidente du Conseil a déjà affiché son ambition vis-à-vis de son voisin transalpin et du reste de l’UE : « aucune subordination ou position d’infériorité », lançait-elle dans le Figaro.

« Au regard de la lune de miel qui existait entre Emmanuel Macron et Mario Draghi, ce changement de gouvernance met le président français dans une position très difficile, estime Marc Lazar, contrairement à l’estime réciproque des deux hommes, ce ne sera pas le même type de rapport avec un parti comme Fratelli d’Italia, qui a, à maintes reprises critiqué Emmanuel Macron à titre personnel et dénoncer la France sur de nombreux sujets. Il y a donc une grande inconnue sur ce que vont devenir les relations franco-italiennes à l’avenir ».

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