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«Que les écrivains se mettent en grève !»

Le 20 février 1968, rue de Courcelles, à Paris, une manifestation est organisée pour maintenir Henri Langlois (avec la cigarette) à la Cinémathèque française, avec le soutien de la profession (François Truffaut et Jean-Pierre Léaud, au centre) et des étudiants.

Souvenirs de Butor, Sarraute, Faye, Roubaud décidant d’occuper le siège de la Société des gens de lettres pour se joindre au mouvement de Mai qui gonfle… Il faut se rapprocher des étudiants et des ouvriers, mais le combat n’est pas simple pour des novices.

Dans le pavillon de Michel Butor à Sainte-Geneviève-des-Bois, le réveil sonne juste avant le lever du jour ; la main tâtonne, attrape une clope, le briquet Dupont or, allume la radio - ça grésille un instant puis : les grands magasins se mettent en grève, le Conseil national du commerce reporte la fête des Mères - qui ne sera pas célébrée ce 21 mai comme prévu mais le 16 juin en même temps que les pères -, on manque d’essence, les prix des fruits et légumes s’envolent, les températures sont fraîches pour la saison, et Cohn-Bendit est interdit de séjour.

L’écrivain grommelle quelque chose, sort du lit, il a rendez-vous dans le centre de Paris à 8 heures 30 ; cela fait plusieurs jours qu’il n’a pas quitté sa banlieue Sud. Butor aime observer les événements parisiens depuis ce léger déport géographique, un éloignement qui l’aide à penser, mais un coup de fil l’a décidé à rejoindre le front. On a téléphoné à l’auteur de la Modification pour lui proposer de participer à l’occupation d’un haut lieu du monde littéraire, du vieux monde littéraire ; il a hésité, jugé l’opération incongrue, et comme on a ajouté que Sarraute en serait, a fini par accepter - uniquement pour veiller sur cette vieille dame que j’admire, précise-t-il.

A 8 h 30, ils sont tous là, alignés sur le skaï rouge du Balto, en face de l’hôpital Cochin : une quinzaine d’écrivains, dont Jean-Pierre Faye, Jacques Roubaud, Maurice Roche, Sarraute et Butor donc - Nathalie, regard acier et silhouette droite dans une veste sans col d’inspiration maoïste, Michel qui a desserré son impeccable nœud de cravate, Jacques décontracté en polo de joueur de tennis, Maurice renfrogné, et Jean-Pierre qui balance, malgré l’heure matinale, entre un café crème et une Jupiler. (...)

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