À la télévision russe, on commence à reconnaître des difficultés en Ukraine

À la télévision russe, on commence à reconnaître des difficultés en Ukraine

Certaines voix s'élèvent à la télévision russe pour admettre que l'armée subit de lourdes pertes dans le contexte de la contre-offensive ukrainienne. Un changement de ton qui reste toutefois limité.

La propagande russe mise à mal ? Depuis quelques jours, des extraits de chaînes de télévision russes circulent sur les réseaux sociaux. On y voit des journalistes et des invités exprimer leur inquiétude quant à la situation de l'armée russe en Ukraine, voire même remettre en question le bien-fondé de la guerre menée par la Russie en Ukraine. Un discours très rare sur l'antenne russe depuis le début du conflit en février. Ils s'inquiètent des pertes russes à la suite de la contre-offensive lancée par l'Ukraine il y a quelques semaines.

"Ce qui est sûr, c'est que la situation est très difficile, mais ça ne peut pas être simple, c'est une opération particulière, il y a des morts. Nous comprenons maintenant à quel point c'est sérieux et qu'il y a des obstacles", a par exemple déclaré mercredi le présentateur russe Vladimir Soloviev sur une chaîne d'État.

Vladimir Soloviev est pourtant "un des visages de la propagande du Kremlin", explique le département d'État américain, l'équivalent du ministère des Affaires étrangères, sur son site.

Un changement de ton limité

D'autres vont plus loin. Julia Davis, journaliste américaine et créatrice du Russian Media Monitor, un projet d'analyse de la propagande russe, a relevé un autre extrait de la chaîne de télévison NTV. Dans une émission diffusée vendredi, Boris Nadezhdin, un ancien membre de la Douma, la chambre basse du Parlement russe, suggère de mettre un terme à la guerre.

"Il est absolument impossible de battre l'Ukraine avec ces ressources et ces méthodes de guerre coloniale", déclare-t-il, citant des "soldats sur contrat, des mercenaires, aucune mobilisation".

"Une armée forte s'oppose à l'armée russe avec le soutien des pays les plus puissants au sens économique comme technologique", ajoute-t-il. L'ancien membre de la Douma suggère des "négociations de paix pour mettre fin à la guerre".

Ces quelques nuances ne représentent toutefois pas un "changement de ton général" à la télévision russe, selon Joanna Szostek, maître de conférence à l'université de Glasgow, en Écosse, et spécialiste de la communication politique russe. De fait, Boris Nadezhdin est immédiatement contredit à la télévision russe par Sergey Mironov, un membre de la Douma, pour qui "le régime nazi de Zelensky doit être détruit".

"Les principales chaînes nationales essaient d'ignorer les succès de l'Ukraine. Elles parlent sans cesse des bombardements ukrainiens sur Donetsk, par exemple", rapporte la maître de conférence à BFMTV.com.

"Il n'est pas possible de couvrir entièrement les pertes"

Mais sur les réseaux sociaux et dans des chaînes Telegram, certains experts militaires s'énervent des pertes humaines de l'armée russe et "veulent que quelqu'un soit tenu responsable", selon Joanna Szostek.

L'armée ukrainienne a affirmé lundi avoir repris aux Russes 500 km2 de territoires en deux semaines de contre-offensive dans la région de Kherson, dans le sud du pays. Dans ce contexte, "il n'est pas possible de couvrir entièrement les pertes" russes à la télévision, explique la chercheuse. Fin août, le département américain de la Défense estimait que les pertes russes s'élevaient entre 60.000 et 80.000 soldats. Les chiffres varient toutefois beaucoup selon les sources.

Or, plus les défaites seront importantes, plus il sera difficile de les cacher, souligne Joanna Szostek. Si tel est le cas, les médias russes "parleront de plus en plus des territoires qu'ils contrôlent toujours", prédit-elle.

Article original publié sur BFMTV.com

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