À son procès, le jihadiste Peter Cherif admet sa participation dans l’enlèvement d’humanitaires français au Yémen

Croquis réalisé le 16 septembre, représentant le jihadiste français Peter Cherif lors de son procès devant la cour d’assises spéciale de Paris.
BENOIT PEYRUCQ / AFP Croquis réalisé le 16 septembre, représentant le jihadiste français Peter Cherif lors de son procès devant la cour d’assises spéciale de Paris.

JUSTICE - Aveu inattendu devant la cour d’assises spéciale de Paris. Dans un revirement de situation inespéré, le vétéran français du jihad, Peter Cherif, actuellement jugé pour son rôle présumé auprès de l’un des assaillants de Charlie Hebdo en janvier 2015, a reconnu avoir été l’un des geôliers de trois humanitaires français enlevés au Yémen en 2011.

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Peu loquace depuis le début de l’audience devant la cour d’assises spéciale de Paris, où il est jugé pour association de malfaiteurs terroriste, l’homme de 42 ans qui faisait donc l’interface entre les otages et leurs ravisseurs yéménites d’Al-Qaïda a finalement craché le morceau. Alors qu’il avait toujours nié la moindre participation aux faits reprochés lors de l’instruction.

Ces trois humanitaires français avaient été enlevés le 28 mai 2011 alors qu’ils regagnaient leur domicile dans la ville yéménite de Seyoun. Ils avaient été retenus captifs dans une « grotte » du désert puis dans d’autres lieux, avant d’être finalement libérés en novembre 2011.

Il était « le traducteur »

L’aveu spontané de Peter Cherif est intervenu après l’émouvant témoignage à la barre d’une des ex-otages, Amélie (un prénom d’emprunt), 45 ans, qui a affirmé que l’accusé avait été l’un de ses geôliers. Lors de l’instruction, elle l’avait « reconnue sans certitude, à 65 % », en étant confrontée à des enregistrements d’interceptions téléphoniques entre Peter Cherif et sa mère.

« J’ai le sentiment que, clairement, c’est bien cette personne (dans le box des accusés) qui était là » lors de notre détention, a-t-elle indiqué ce mardi. Pour le prouver, elle a pointé sa corpulence, ses « chevilles abîmées » (correspondant à des blessures lors d’un saut en parachute à cette époque), mais surtout sa « voix », qu’elle a entendue lundi à l’audience.

« Je reconnais les faits (...) Je suis le traducteur » entre les otages et leurs ravisseurs yéménites d’Al-Qaïda, a-t-il fini par lâcher dans cette salle d’audience réservée aux « grands procès ».

« Je regrette d’avoir participé à tout ça », « je n’étais pas au courant du projet d’enlèvement » des humanitaires, a expliqué Peter Cherif debout dans son box. « Ce fut une situation compliquée pour moi », a-t-il assuré. « Ce que j’ai pu faire, dire, c’étaient les ordres du chef. »

« Si je n’avais pas été là, je suis persuadé que les conditions (de détention des otages) auraient été encore plus difficiles », s’est-il encore justifié. Son rôle était d’échanger avec les ravisseurs qui ne comprenaient et ne parlaient ni le français et l’anglais. Il avait d’ailleurs été surnommé « le Français » en raison de son français parfait.

« Par respect pour cette personne »

Durant l’instruction de ce dossier, les enquêteurs avaient réussi à établir sa présence au Yémen quand les trois humanitaires français de l’ONG lyonnaise Triangle Génération Humanitaire avaient été enlevés par Al-Qaïda dans la péninsule arabique. Sans jamais réussir à prouver son implication dans l’enlèvement.

Peter Cherif a d’ailleurs profité de ce moment d’aveu pour s’adresser directement à l’ex-otage, en déclarant : « Vous avez été très forte, Madame… Les conditions (de détention) étaient très dures », a-t-il confirmé. Depuis le début du procès, Amélie et les deux autres ex-otages, Pierre et Léa (qui ont témoigné tous deux par visio) ont pu raconter leurs conditions de détention très éprouvantes. La nuit notamment, où ils étaient retenus par des chaînes aux pieds.

Surprise, comme tout le monde par ce revirement, la présidente de la cour d’assises spéciale Frédérique Aline a elle aussi profité de l’occasion pour lui demander pourquoi l’accusé ne reconnaissait les faits que maintenant. « Je veux que Madame puisse tourner la page de cette histoire. Je prends mes responsabilités. Par respect pour cette personne. Le silence n’aurait pas aidé », a-t-il avancé.

Malgré cet aveu, son procès doit encore se poursuivre jusqu’au 4 octobre concernant les événements de Charlie Hebdo, où il a potentiellement joué un rôle clé auprès de son ami d’enfance, Chérif Kouachi, l’un des auteurs de l’attentat contre le journal satirique.

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