À l’Assemblée, Michel Barnier voit son « socle commun » tanguer sévèrement avec ces nouveaux votes

L’ouverture des débats au Palais Bourbon rappelle la fragilité de la coalition qui soutient le Premier ministre, tiraillée par les désaccords et les rancœurs.

Défaites sur les textes, batailles pour les postes : Barnier (ici le 22 octobre) a-t-il un « socle commun » ?

POLITIQUE - Un problème de fondation ? Un mois après la nomination difficile de son gouvernement, et la série de couacs qui a suivi, Michel Barnier voit la coalition (LR - bloc présidentiel) censée le soutenir à l’Assemblée nationale montrer des signes de lézardes inquiétantes et profondes.

Sur le budget, le possible recours au 49-3 suscite la colère des oppositions entre « brutalisation » et « coup de force »

Début octobre, le Premier ministre avait fait savoir sa « préoccupation » devant le manque de « solidarité » des « différentes entités » de son « socle commun », selon la formule consacrée. À l’époque, les troupes de Laurent Wauquiez et Gabriel Attal venaient de laisser filer la présidence de la commission des Affaires économiques à l’insoumise Aurélie Trouvé, malgré l’accord scellé sur la répartition des postes clefs à l’Assemblée.

Force est de constater que le chef du gouvernement ne peut être plus rassuré aujourd’hui. Sa coalition a eu l’occasion de resserrer les rangs, avec l’élection d’un nouveau vice-président au Palais Bourbon. Et de montrer sa cohésion avec l’ouverture des débats sur le budget, premier texte majeur de l’ère Barnier à Matignon. Il n’en est rien.

Première illustration avec le vote pour le Perchoir, mardi 22 octobre. Pour remplacer Annie Genevard, vice-présidente de l’Assemblée nommée au gouvernement, les députés ont élu l’écologiste Jérémie Iordanoff, qui a devancé de 14 voix la candidate des Républicains pourtant soutenue officiellement par le camp présidentiel, Virginie Duby-Muller. Nouveau raté pour le « socle commun », et un jeu « perdant - perdant » qui se répète.

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Dans l’affaire, les troupes de la droite républicaine perdent une vice-présidence malgré le profil très « Macron compatible » de la députée de Haute-Savoie. Le camp présidentiel lui, empêtré dans sa querelle avec le groupe de Laurent Wauquiez, doit assumer une division apparente, avec la candidature aux deux premiers tours de Christophe Blanchet qui a ratissé bien au-delà de son seul groupe MoDem.

Résultat : les alliés historiques s’accusent mutuellement. Du côté de Renaissance, on regrette la candidature du député centriste, qui ne « servait à rien. » Il faut dire que l’ancien Premier ministre avait battu le rappel en faveur de la candidate LR, appelant à outrepasser la rancœur contre le parti après l’épisode Aurélie Trouvé, pour « protéger le socle commun. » Au point d’en assurer le matin même son successeur Michel Barnier à Matignon.

« C’est bien facile de nous faire porter le chapeau », réplique-t-on au MoDem, où un cadre nous assure que « ce n’est pas les quelques voix manquantes » au sein du groupe qui ont fait évoluer les rapports de force. Quoi qu’il en soit, ce nouvel épisode fait tache pour la coalition précaire, formée pour assurer la réélection au perchoir de la macroniste Yaël Braun-Pivet, et servir de base à la nomination à Matignon de Michel Barnier.

« Les Français ne comprendraient pas… »

D’autant que s’ajoutent à ces batailles de postes, des désaccords profonds sur des enjeux politiques majeurs. Outre les débats autour de l’immigration et les déclarations remarquées de Bruno Retailleau, le « socle commun » se divise sur les questions budgétaires. L’illustration du manque de cohérence idéologique de cet alliage, appelé à gouverner sans programme ni contrat commun.

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Ainsi, il n’est pas anodin de voir qu’une grande partie des amendements déposés au budget (41 % d’entre eux, contre 21 % l’année dernière) provient des troupes censées soutenir l’action de l’exécutif, à savoir LR - EPR - MoDem - Horizons. D’ordinaire, ce sont les députés d’opposition qui rivalisent de proposition pour faire évoluer la copie du gouvernement.

Plus révélateur encore des fractures et autres contradictions : les députés du « socle commun » ne se privent pas de participer au détricotage du budget du gouvernement, comme l’ont montré les votes en commission des Finances, puis l’ouverture des débats dans l’hémicycle. Mardi soir, les parlementaires ont approuvé en séance le fait de rendre pérenne la surtaxe sur les hauts revenus. Ceci, à l’initiative de la gauche et du MoDem, contre l’avis du gouvernement. Un schéma qui promet de se répéter à plusieurs reprises au fil de l’examen du texte.

Au risque de fragiliser toujours plus la coalition en soutient à Michel Barnier ? Interrogée ce mercredi sur ces désaccords et sur la solidité du « socle commun », la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a appelé « chacun à travailler au quotidien pour cette unité » et à « faire preuve de solidarité ». « Je remarque que ça n’a pas toujours été le cas depuis quelque temps », a-t-elle encore euphémisé, avant d’expliquer que « les Français ne comprendraient pas » ces petites batailles « face à la situation qui est la nôtre ». Message reçu ?

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