À la FIAC, l'artiste française Claire Tabouret cultive son mystère

Claire Tabouret, ici dans son atelier à Los Angeles. (Photo: © Claire Tabouret - Courtesy of the Artist and Almine Rech. Photo: Amanda Charchian)
Claire Tabouret, ici dans son atelier à Los Angeles. (Photo: © Claire Tabouret - Courtesy of the Artist and Almine Rech. Photo: Amanda Charchian)

ART - Son nom ne vous dit peut-être rien. Pourtant, elle est, aujourd’hui, l’une des étoiles montantes du marché de l’art. En marge de la FIAC, qui a ouvert ses portes au public ce jeudi 21 octobre, la peintre française Claire Tabouret est au cœur de trois expositions, organisées par la galerie Perrotin en accord avec Almine Rech, ainsi qu’au musée Picasso.

Autoportraits et toiles de groupe chez l’une, paysages peints sur de la fourrure synthétique colorées chez l’autre. Le jardin du musée national accueille, lui, une fontaine en bronze, la première de l’artiste, inspirée des Trois femmes à la fontaine, tableau du peintre espagnol de 1921.

Ces trois expositions n’ont rien d’anodin, elles viennent consolider le statut de l’artiste originaire de la région de Montpellier, exilée à Los Angeles depuis six ans sur les conseils de François Pinault. “Ici, le regard est moins saturé, on est moins sollicité visuellement, ou alors c’est par des fleurs, des arbres”, confiait-elle au Journal des arts, en 2017.

L’effet domino

Depuis que le magnat du luxe, aussi connu pour être un grand collectionneur d’art contemporain, a exposé certaines de ses toiles au Palazzo Grassi, à Venise, en 2014, le monde se bouscule à la porte de Claire Tabouret. “Dès qu’il repère quelqu’un, c’est l’effet domino”, commente Léa Saint-Raymond, docteure en histoire de l’art interrogée par Le HuffPost.

Née en 1981 à Pertuis, dans le Vaucluse, Claire Tabouret est devenue, sur l’année 2020-2021, l’artiste féminine française vivante la plus cotée du marché de l’art, d’après Artprice. Dans le classement des 500 artistes contemporains (morts ou vivants, français ou étrangers, hommes ou femmes), elle est 94e, derrière Robert Combas (73e) et INVADER (83e).

To be titled, 2021. (Photo: Courtesy Almine Rech and Perrotin)
To be titled, 2021. (Photo: Courtesy Almine Rech and Perrotin)

“Fait rare pour une jeune artiste française, estime l’entreprise de cotation, elle approche le million aux enchères.” The Last Day, une grande toile de 2016 représentant un groupe d’enfants costumés, “s’est littéralement envolée, atteignant 863.000 dollars [soit un peu plus de 743.000 euros] chez Christie’s, à Londres”, continue Artprice, qui rappelle que c’est “le quadruple des prévisions initiales, mais aussi le quadruple de la meilleure adjudication qu’avait obtenue l’artiste il y a tout juste un an.”

À l’étranger, d’autres personnalités de son âge connaissent tout autant de succès. C’est le cas, par exemple, de l’artiste japonaise Ayako Rokkaku (4e du Top 100 des artistes nés après 1980), qui n’a qu’un an de plus que Claire Tabouret. Reste que beaucoup ne percent qu’à leur mort, l’offre devenant “rigide”.

Rareté et mystère

Creux de l’Enfer à Thiers, Collection Lambert à Avignon, mais aussi Yuz Museum de Shanghai et (plus tôt) une résidence à Pékin. Le travail de Claire Tabouret séduit au-delà des frontières. Il est pluriel, comme en témoigne une collection de chaussures pour UGG et deux modèles de sacs pour Dior, en 2020. Elle confie, dans les colonnes du numéro du mois de novembre de Marie Claire, espérer avoir “l’opportunité de dessiner une silhouette, voire toute une collection”.

Les peintures de l’ancienne diplômée des Beaux-Arts de Paris attirent les collectionneurs, qui retrouvent dans son travail toutes les références en histoire de l’art à Manet, Cézanne ou Degas. Elles sont dites figuratives, un champ artistique “qui a le vent en poupe”, nous souffle Léa Saint-Raymond.

Le phénomène de rareté y est aussi pour quelque chose. Claire Tabouret peint peu, “seulement” une quinzaine de peintures par an. Elle donne aussi très peu d’interviews, préférant se consacrer à son travail. “Or, parler c’est passer moins de temps à l’atelier”, nous souligne Martin Brémond de la galerie Almine Rech, en contact régulier avec l’artiste. À quoi s’ajoute une présence discrète sur les réseaux sociaux. “Alors que tout le monde s’y épanche, elle cultive le mystère”, ajoute l’enseignante de l’école du Louvre.

Des peintures (plus ou moins) accessibles

Elle plaît aussi au grand public. Chacune de ses expos “draine beaucoup de monde, dont beaucoup de gens peu habitués aux galeries d’art contemporain”, observe le galeriste. La raison? Elle est, selon Télérama, une “dessinatrice surdouée” qui “renoue avec la tradition de l’autoportrait, de l’image intime et quasi-héritière de la peinture fauve, chère à Matisse ou Derain”, se plaisant ”à décliner les images familières de son cercle intime”.

Un point de vue partagé par Martin Brémond, qui rappelle qu’elle est l’une des premières, en France, à avoir remis la peinture figurative au goût du jour. “Claire Tabouret a la capacité de peindre chaque personnage dans son individualité, tout en leur permettant de se fondre dans la masse, poursuit-il. C’est un moment de transition dans la vie au cours duquel on cherche à se construire une identité et par lequel on est toutes et tous passés.”

Léa Saint-Raymond, selon qui le travail de l’artiste n’est pas si intuitif, est plus nuancée. Les peintures fantomatiques de Claire Tabouret lui rappellent beaucoup la photographie du XIXe siècle. Leurs très grand format, eux, témoignent d’une tradition propre à la peinture historique. “Il faut avoir fait un peu d’histoire de l’art pour comprendre ce jeu sur les formats”, constate la spécialiste du marché de l’art.

Cependant, poursuit-elle, c’est un peu l’idée même de l’art contemporain que de laisser libre cours à l’imagination. L’agrégée de sciences économiques et sociales ajoute: “Peut-être que ces références sont absentes chez Claire Tabouret. Moi, ce sont des choses que je vois.” Cette édition de la FIAC est sans nul doute l’occasion idéale de percer le mystère autour d’elle, chacun à sa façon.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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