À Châteauroux, le procès des enfants de l’ASE placés illégalement et maltraités s’ouvre ce lundi
JUSTICE - C’est un procès « hors norme » qui s’ouvre ce lundi 14 octobre à Châteauroux. 19 personnes seront jugées pour avoir accueilli sans agrément des mineurs, dont certains auraient subi des violences physiques, psychologiques, des humiliations et du travail forcé.
De 2010 à 2017, des dizaines d’enfants ont été confiés illégalement par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) du Nord à une structure d’accueil située dans l’Indre, qui ne disposait pas de l’agrément nécessaire.
Pour certaines de ces familles, un premier agrément avait même été retiré, après des condamnations pour agressions sexuelles sur mineurs, comme l’ont révélé la cellule investigation de Radio France et Mediapart.
La structure « Enfance et Bien-Être » dans le collimateur
Au total, des dizaines d’enfants auraient été confiés à la structure « Enfance et Bien-Être », contre des indemnités qui s’élèveraient à au moins 630 000 euros sur sept ans. Ils ont été accueillis par des familles de l’Indre, de la Creuse et de la Haute-Vienne.
Plus grave encore, une partie de ces mineurs racontent avoir été victimes de violences diverses : sévices, surdosages médicamenteux, travail forcé ou encore humiliations régulières.
« Certains de ces enfants ont été esclavagisés, nous avons été terrifiés en découvrant l’ampleur du dossier », s’indigne Me Jean Sannier, un des avocats des parties civiles auprès de l’AFP. Au moins cinq d’entre eux devraient témoigner lors du procès, qui se tiendra devant le tribunal correctionnel du 14 au 18 octobre à Châteauroux.
« Le silence assourdissant de l’ASE »
Selon l’enquête, l’affaire éclate après l’hospitalisation pour « une chute à vélo » d’un des enfants, Mathias, mais qui refuse, après une semaine de coma, de retourner chez son bourreau. Un signalement au parquet est alors effectué, qui met au jour des faits répétés commis entre 2010 et 2017.
« Cette histoire a été dévoilée après des faits atroces. Les enquêteurs remontent alors jusqu’à cette structure au nom poétique, “Enfance et bien-être” », et jusqu’à deux fondateurs présumés, explique encore Me Sannier.
Pour les parties civiles, « on est clairement sur un procès hors norme », indique Me Sannier. « Un procès de cette ampleur, impliquant autant de gens, avec autant de maltraitances, je n’avais jamais vu ça ».
« Le silence assourdissant de l’ASE » est « hallucinant », poursuit-il. « Nous avons eu des signalements répétés pendant des années auprès de l’ASE, la carence est immense ».
L’ASE n’est pas jugée
19 personnes sont ainsi appelées à comparaître entre autres pour violences, travail dissimulé en bande organisée, accueil de mineurs sans déclaration préalable, administration de substance nuisible ou usage de faux en écriture.
Parmi les prévenus figurent deux responsables présumés de l’association « Enfance et Bien-Etre ». En revanche, aucun responsable de l’ASE ne sera jugé, ce que fustigent les parties civiles.
« C’est la première fois qu’un procès pointe directement l’ASE », affirme Homayra Sellier, présidente de l’association Innocence en danger. « Mais aucun de ses responsables n’est jugé dans cette affaire, pourquoi ? » Le département du Nord, censé délivrer l’agrément nécessaire aux familles, s’est refusé à « tout commentaire en attente du jugement ».
« J’ai beaucoup d’espoirs avec ce procès », conclut Homayra Sellier. « On a l’occasion de crever un abcès gigantesque et d’offrir une seconde chance à des enfants qui ont vécu l’horreur. »
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