À Bali, le tabou persistant du mariage intercastes
Nyerod : le mot balinais désigne un mariage entre une femme de haute caste et un homme hors caste. Il signifie “glisser” ou “déraper”. Si son emploi a été officiellement banni par la loi en 1995, il est toujours usité à Bali, la seule île de l’archipel majoritairement hindoue.
“Le système de castes balinais épouse celui de l’Inde”, explique au Jakarta Post Nyoman Yoga Segara, anthropologue et auteur de Perkawinan Nyerod (“Le mariage nyerod”, non traduit en français). Les Balinais nés dans les trois castes supérieures répondent au titre collectif de triwangsa, tandis que le reste des insulaires sont les jaba, ou hors-castes. L’anthropologue poursuit :
“En interdisant les mariages entre les femmes ‘triwangsa’ et les hommes ‘jaba’, le pouvoir économique et politique reste dans les palais et les familles royales.”
Pendant des siècles, ces mariages nyerod ont été punis de mort. Le couple était jeté vivant à la mer, lesté d’une pierre. En 1910, le gouvernement colonial néerlandais a allégé cette peine en un exil à vie hors de Bali. Puis, en 1927, cet exil a été réduit à dix années. Ce n’est qu’en 1951, six ans après l’indépendance de l’Indonésie, que le Parlement national a levé toute sanction contre le nyerod.
“Aujourd’hui, ces unions ne sont plus interdites, et progressivement ce n’est plus devenu un tabou non plus. […] Mais dans plusieurs régions de Bali, les femmes qui renoncent à leur titre en épousant un jaba doivent encore subir le Patiwangi, une cérémonie pour ‘assassiner’ symboliquement le parfum de la haute caste”, précise Segara.
Le Jakarta Post cite l’exemple de Tisha, une Balinaise de 29 ans de la caste des ksatria, les guerriers. En épousant Agha, un hors-caste, elle a perdu son nom honorifique, Anak Agung (“Noble Enfant”).
“Lors d’un dîner avec ma famille triwangsa, personne ne savait plus comment s’adresser à moi parce qu’ils ne pouvaient plus m’appeler ‘Gung’ (diminutif d’Agung). Ils ont donc réduit la conversation avec moi au strict minimum. Non seulement je ne faisais plus partie de leur caste, mais pour eux, je n’avais plus de nom”, raconte Tisha au journal anglophone.
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