Élections américaines: pourquoi Kamala Harris parle ouvertement de son arme à feu à un mois du scrutin?
Un pistolet semi-automatique Glock chez Kamala Harris. Depuis quelques semaines et à un mois du scrutin de novembre, la candidate démocrate à la présidence face à Donald Trump, affiche de manière ostentatoire sa possession d'une arme à feu. Tout en étant favorable à un contrôle plus strict de ces armes, un sujet sensible aux États-Unis où les tueries de masse sont fréquentes et symbole de l'opposition entre le camp démocrate et républicain.
Lors d'une interview dans l'émission 60 minutes sur la chaîne CBS ce lundi 7 octobre, la vice-présidente a précisé qu'elle possédait un Glock "depuis assez longtemps".
A-t-elle déjà tiré avec? "Bien sûr que je l'ai fait. Sur un stand de tir", a-t-elle dit en riant, tout en rappelant son passé dans la justice, en tant que procureure.
Ce thème, chaise gardée du camp républicain, avait déjà été abordé mi-septembre, sur le plateau de la célèbre animatrice Oprah Winfrey. "Si quelqu'un force l'entrée de mon domicile, il se fera tirer dessus", avait lancé Kamala Harris. En 2019 déjà, l'ancienne procureure avait expliqué posséder une arme à feu pour sa "sécurité personnelle".
Capter l'électorat centriste et casser l'image de l'extrême gauche
Son objectif? "Essayer de gratter des voix au centre", là où va se jouer l'élection, nous explique Olivier Richomme, professeur de civilisation américaine à l’université Lumière Lyon-2, interrogé par BFMTV.com.
"Elle veut apparaître comme une centriste, ce qu'elle est à mon avis, ce discours lui correspond", abonde-t-il. Selon ce dernier, séduire du côté de l'électorat conservateur en grande partie acquis à Donald Trump, lui-même soutenu par la NRA -le principal lobby des armes à feu dans le pays à la grande influence politique et économique- semble en revanche peu réalisable.
"Elle veut plutôt éviter la caricature, casser l'image de la candidate d'extrême gauche", juge le spécialiste des États-Unis.
Une image que lui colle Donald Trump et le camp républicain depuis le début de la campagne.
En affichant ainsi son rapport aux armes à feu, la candidate investie par le Parti démocrate vise à contrer les critiques de son adversaire. Lors du débat présidentiel de septembre, Donald Trump avait accusé sa rivale -en tête de près de trois points dans les sondages selon l'institut de sondage FiveThirtyEight de la chaîne américaine ABC - de vouloir si elle est élue "confisquer les armes de tout le monde". Un droit protégé par le deuxième amendement de la Constitution.
"Nous ne confisquons les armes de personne, alors arrêtez de mentir continuellement sur ce sujet", avait-elle alors rétorqué.
Pour Jonathan Aronson, professeur de communication et de relations internationales à l'Université de Caroline du sud aux États-Unis, interrogé par Business Insider, Kamala Harris veut "atténuer une éventuelle attaque de Trump selon laquelle elle est anti-police et laxiste sur la criminalité".
"Il peut également être stratégique de rappeler aux électeurs que c'est la candidate de la loi et de l'ordre, en tant qu'ancienne procureure générale", estime de son côté Georgia Kernell, professeur associé de communication et de sciences politiques à l'Université de Californie à Los Angeles.
Se montrer comme détentrice d'une arme à feu est également pour elle le moyen de "casser les stéréotypes", tant vis-à-vis des démocrates que des femmes. "Elle s'affiche comme une femme à poigne qui sait de quoi elle parle, elle casse les stéréotypes du cow-boy, du macho", note Olivier Richomme qui souligne que dans la société américaine, les femmes sont aussi d'importantes détentrices d'armes à feu.
"Puis, en faisant cela, elle fait parler d'elle, elle crée la surprise", ajoute-t-il.
"Les démocrates ont une relation très ambivalente avec les armes à feu"
Si comme une majorité des Américains, les politiques démocrates possèdent une arme à feu, peu d'entre eux l'affichent publiquement.
"Il est en effet difficile pour eux de porter des projets de régulation du port d'armes tout en admettant en posséder une. Les démocrates ont une relation très ambivalente avec les armes à feu", explique Olivier Richomme qui pointe une "guerre culturelle" entre les deux camps.
Avant d'ajouter:"Jusque-là, les démocrates évitaient de mélanger les deux registres. Mais là, Kamala Harris essaye".
Elle brandit aussi la carte de son colistier Tim Walz, lui aussi propriétaire d'une arme et exception notable dans le camp démocrate. Passionné de chasse, le gouverneur du Minnesota a été un membre actif de la NRA. Mais depuis la tuerie de masse de Sandy Hook en 2012 où 20 enfants ont été tués, il s'est interrogé sur l'accès aux fusils d'assaut et a fait voter dans son État des textes encadrant davantage le port d'armes.
Kamala Harris ne bouge toutefois pas de ses positions et continue de défendre le programme de régulation propre aux démocrates.
“Chaque personne de notre nation devrait avoir la liberté de vivre à l'abri de la violence par armes à feu", avait-elle déclaré lors d'un meeting à Milwaukee dans le Wisconsin le 23 juillet dernier.
Dans la lignée de Joe Biden, la vice-présidente aimerait interdire l'achat de fusils d'assaut, et mieux encadrer le port d'armes en promouvant les "Red flags laws". Cela permettrait notamment de vérifier les antécédents d'une personne avant l'achat d'une arme ou de la retirer aux personnes jugées dangereuses pour la société.
Pour réguler les armes, "il faudrait une révolution culturelle et législative très profonde. C'est ancré dans la culture américaine", explique Olivier Richomme qui précise qu'en raison du "fédéralisme", il est "difficile de faire bouger les lignes".
"Pour moi, les partisans de la régulation des armes à feu ont perdu la plupart des batailles", conclut-il.