Élection américaine 2024: le grand retour de Donald Trump, de l'assaut du Capitole à la présidentielle
Donald Trump aux portes de la Maison Blanche, à nouveau. Huit ans après avoir créé la surprise en remportant l'élection présidentielle face à Hillary Clinton, le magnat de l'immobilier devenu bête politique pourrait bien faire son retour au pouvoir le 5 novembre prochain.
À la veille du scrutin, le républicain est au coude-à-coude dans les sondages avec son adversaire démocrate, la vice-présidente Kamala Harris. Une course serrée qu'il est persuadé de pouvoir remporter. "Ensemble, nous nous allons nous battre, nous battre, nous battre. Et nous allons gagner, gagner, gagner!", répète-t-il comme un mantra dans ses meetings.
Si Donald Trump croit à sa bonne étoile, c'est qu'il revient de loin. Quatre ans en arrière, personne ou presque n'imaginait sérieusement l'ancien président faire son retour au premier plan. Mais profitant d'une popularité jamais démentie auprès de ses supporters, le républicain a su revenir dans le jeu politique, transformant chacun des obstacles placés sur son chemin en tremplins.
Un paria à la Maison Blanche
En 2021, Donald Trump quitte avec fracas la Maison Blanche après quatre années d'un mandat mouvementé. Battu largement par Joe Biden –il accuse 7 millions de voix de retard au niveau national, quelques milliers seulement dans certains États clés– il refuse de reconnaître sa défaite.
Le 6 janvier 2021, il prononce un discours enflammé dans lequel il appelle ses troupes à "se battre comme des diables" et à "descendre sur le Capitole". Quelques instants plus tard, le siège du Congrès est pris d'assaut, en pleine certification des résultats de l'élection.
Alors que supporters trumpistes et groupuscules d'extrême droite pénètrent violemment dans le temple de la démocratie américaine, le président américain reste silencieux pendant deux longues heures, avant de finalement appeler au "calme".
Tolérée, voire encouragée par Donald Trump, cette insurrection aurait pu signer la fin de sa carrière politique. Lâché par de nombreux responsables républicains, banni de son canal d'expression favori, Twitter, et traité en paria par la presse, le milliardaire va pourtant très vite refaire surface.
Réhabilitation expresse
"Après le 6-Janvier, les leaders du parti républicain se sont immédiatement dissociés de ses actions et ont tenté de tourner la page Trump. Mais lorsqu'ils sont revenus en circonscription, ils se sont pris des torrents d'insultes. Alors ils se sont rangés derrière lui", décrypte pour BFMTV.com Alexis Pichard, chercheur associé au Centre de recherches anglophones de l’université Paris Nanterre.
La réhabilitation de l'ancien président se fait à vitesse grand V. Dès le 28 janvier 2021, Kevin McCarthy, chef de la minorité républicaine à la Chambre, accourt à Mar-a-Lago pour discuter des prochaines échéances électorales avec l'ancien président. Ce même McCarthy, qui estimait le 13 janvier que Trump "portait la responsabilité" de l'attaque du Capitole.
Inculpé au Congrès pour "incitation à l'insurrection", Donald Trump est acquitté par le Sénat le 13 février 2021, la grand majorité des sénateurs républicains ayant refusé de condamner leur ancien président.
"Les républicains ont tous retourné leur veste", résume Olivier Richomme, professeur de civilisation américaine à l’université Lumière Lyon-2.
"Par peur de Donald Trump ou pour des raisons carriéristes", avance le chercheur, tout en confessant avoir du mal à expliquer la soumission du parti à un seul homme.
Progressivement, Donald Trump resserre l'emprise sur ses troupes. Au sein du Grand Old Party, les voix dissidentes sont réduites au silence. Devenue une opposante à Donald Trump, la républicaine Liz Cheney est évincée de son poste de numéro 3 du groupe républicain à la Chambre. C'est l'ex-président en personne qui avait appelé à se "débarrasser" d'elle dans son discours du 6-Janvier.
Difficile retour en campagne
Blanchi par son camp, Donald Trump repart en campagne pour les élections de mi-mandat de novembre 2022. Le résultat est pour le moins contrasté: si le parti républicain gagne le contrôle de la Chambre des représentants, la "vague rouge" annoncée n'a pas déferlé. Plus gênant pour Donald Trump, les candidats qu'il soutient personnellement sont majoritairement battus.
Adhèrant à la thèse d'une élection de 2020 "volée" par les démocrates, les candidats cornaqués par l'ancien président "sont apparus comme trop extrémistes", éclaire Alexis Pichard. "C'était du Trump sans Trump. Ses électeurs ne sont pas déplacés", ajoute Olivier Richomme. Dès lors, "des doutes quant à la capacité de Donald Trump à remporter des élections apparaissent", soulignent les deux spécialistes.
Le revers est aussi médiatique. Habitué à être sous le feu des projecteurs, Donald Trump est éclipsé par le grand vainqueur du scrutin: Ron DeSantis, largement réélu à son poste de gouverneur de Floride. Pourfendeur du "wokisme", "DeSantis est adoubé par l'empire de Rubert Murdoch (magnat des médias, propriétaire de Fox News et du New York Post, NDLR) et vu comme celui qui doit remplacer Donald Trump", rappelle Alexis Pichard.
Mais l'ancien président ne laisse pas abattre et remonte aussitôt en selle. Une semaine à peine après les midterms, il convoque ses militants à sa résidence de Mar-a-Lago et annonce sa candidature à l'élection présidentielle de 2024.
Base fanatisée
L'année qui suit résume le paradoxe Trump. Coup sur coup, le candidat est inculpé au pénal dans quatre dossiers, des paiements dissimulés à l'actrice X Stormy Daniels à la tentative d'inverser les résultats de l'élection de 2020. Du jamais vu pour un ancien président. Pourtant, les sondages montrent qu'il est toujours la personnalité favorite des républicains.
"Quelles que soient les circonstances, Donald Trump s'appuie une base incompressible de supporters fidèles avec qui il entretient une relation quasi-mystique", dépeint le chercheur Alexis Pichard.
Pour une large partie de ses partisans, "Donald Trump est l'incarnation d'une figure messianique qui viendrait délivrer l'Amérique d'un complot pédo-sataniste organisé par les démocrates", poursuit-il. Un récit complotiste développé par le mouvement Qanon, et que Donald Trump nourrit lui-même.
Popularité inoxydable
Début 2024, les primaires républicaines confirme l'inaltérable popularité de l'ancien président dans son camp. État après État, il distance largement ses concurrents. Sans parvenir à convaincre au-delà de la Floride, Ron DeSantis jette l'éponge dès le 21 janvier après être arrivé trente points derrière Donald Trump dans le premier État à voter, l'Iowa. Dernière alternative crédible à Donald Trump, l'ex-gouverneure Nikki Haley abandonne deux mois plus tard, laissant le milliardaire seule en piste.
"Le système des primaires, où votent principalement les militants républicains, favorise la radicalité", explique Alexis Pichard. Or la base militante du parti républicain est largement acquise à Donald Trump. Selon un sondage réalisé pour CNN cet été, 69% des sympathisants des républicains pensent, comme lui, que l'élection de Joe Biden n'est pas légitime.
Le 31 mai, la condamnation de Donald Trump dans l'affaire Stormy Daniels est un nouveau choc. Mais l'ancienne vedette de téléréalité rebondit à nouveau. Au lendemain de sa condamnation, il tient une conférence de presse fracassante dans laquelle il dénonce un procès "truqué" fomenté par Joe Biden et sa "bande" de gens "malades" et "fascistes".
"Son principe de base, c'est la contre-attaque. Il a mis tout en œuvre pour reporter les procès après le 5 novembre et pour ceux dans lesquels il est condamné, il articule ce récit du martyr pour en tirer avantage", décrypte Alexis Pichard. Le chercheur cite en exemple le mugshot (photo judiciaire) de Donald Trump. Pris dans le cadre de l'enquête sur les pressions électorales en Géorgie, le cliché a aussitôt intégré le merchandising du candidat Trump, s'affichant sur des t-shirts et des mugs.
"Plus il a des problèmes avec la justice, plus il lève des fonds", complète Olivier Richomme, soulignant une "inversion des normes" inédite dans la politique américaine.
Malgré la condamnation, les semaines qui suivent confirment la dynamique inexorable du candidat. Sur CNN, il triomphe de Joe Biden lors d'un débat télévisé très attendu où le président démocrate apparaît plus affaibli que jamais, aussi bien physiquement que mentalement. Puis quelques jours plus tard, c'est au tour de la Cour suprême de lui donner un coup de pouce. En décrétant une "présomption d'immunité" pour certains actes présidentiels, elle repousse encore un éventuel procès sur l’assaut contre le Capitole.
Le parti républicain vampirisé
Donald Trump, intouchable? Un nouvel événement inattendu va confirmer cette impression. Le 13 juillet, lors d'un meeting en Pennsylvanie, un jeune homme tente de l'assassiner. La balle de fusil frôle miraculeusement la tête du candidat et le blesse légèrement à l'oreille. Tandis qu'il est exfiltré par le Secret Service, le visage ensanglanté, Donald Trump s'arrête un instant, se tourne vers la foule, lève le poing et lance "Fight!, Fight!, Fight!" ("Battez-vous!").
La scène entre aussitôt dans les livres d'histoire, et les mots du candidat miraculé deviennent le cri de ralliement de ses partisans, qu'ils scandent à chacun de ses meetings de campagne.
Mi-juillet, la convention républicaine officialise la nomination de Donald Trump pour la course à la Maison Blanche. "Un tour de force", pointe Olivier Richomme, qui rappelle "qu'aucun candidat n'a jamais été nommé trois fois de suite par son parti".
La grand-messe républicaine, organisée à Milwaukee seulement deux jours après la tentative d'assassinat, confirme le statut d'icône de Donald Trump. Alors que des spectateurs portent à l'oreille un pansement à l'oreille en signe de ralliement, le milliardaire assiste au défilé de ses anciens rivaux. Nikki Haley, RonDeSantis... Tous viennent chanter ses louanges sur scène, peu importe combien ils ont été vilipendés, voire injuriés durant la campagne des primaires.
Même le ténor républicain du Sénat Mitch McConnell, qui considérait après le 6-Janvier que Donald Trump avait "incité" ses supporters à envahir le capitole, s'est résolu à soutenir l'ancien président. Signe de la trumpisation complète du parti républicain, Lara Trump, belle-fille de Donald, en est désormais la vice-présidente.
Prendre sa revanche
Après avoir regagné la confiance de son camp, Donald Trump n'attend plus qu'une chose: prendre sa revanche. Plus encore qu'en 2016 et 2020, il mène une campagne agressive, entre insultes et fake news.
De meeting en meeting, il attaque Joe Biden "l'escroc" puis Kamala Harris la "folle", traite ses opposants de "vermine", appelle l'armée à combattre les "ennemis de l'intérieur" et accuse les migrants d'"empoisonner le sang" des Américains.
"C'est globalement les mêmes recettes qu'en 2016, en allant toujours plus loin dans l'outrage", résume Olivier Richomme. "Il surfe en plus sur un sentiment de dégagisme contre l'administration Biden, qui a toujours le boulet de l'inflation aux pieds", précise-t-il.
Fans de la première heure, déçus du parti démocrate ou simples électeurs républicains: environ une moitié d'Américains seraient prêts à lui refaire confiance. Un chiffre qu'aucun événement de la campagne n'est venu chambouler: ni l'entrée en lice de Kamala Harris à la place de Joe Biden, ni son débat télévisé raté face à la vice-présidente, ni les inonbrables polémiques provoquées par lui et ses soutiens.
Mais si rien ne plombe sa campagne, rien ne la propulse non plus. "Donald Trump a verrouillé son socle électoral sans chercher à l'élargir en s'adressant aux plus modérés", pointe le spécialiste des États-Unis Alexis Pichard. "C'est ce qui depuis 2020 l'a empêché de gagner des élections. Reste à voir si cela sera suffisant pour battre Kamala Harris".