À Paris, l’hommage à Jean-Marie Le Pen rassemble toutes les chapelles de l’extrême droite - REPORTAGE
La foule réunie pour célébrer la mémoire du fondateur du FN comptait de nombreux profils qui ont été chassés du parti d’extrême droite.
POLITIQUE - Jeudi 16 janvier, 10 heures, place Alphonse Laveran, Paris. Le ciel est bas et le thermomètre affiche 2 degrés. Malgré l’air glacial, ils sont nombreux à avoir répondu à l’appel du Rassemblement national, pour un ultime hommage à Jean-Marie Le Pen, mort la semaine dernière. Combien sont-ils ? Difficile à dire. Une demi-heure avant la cérémonie, une source policière avance un chiffre : 1 210. Quoi qu’il en soit, tous ne pourront pas entrer dans l’Église Notre-Dame du Val-de-Grâce.
Une bonne centaine de personnes est invitée à suivre la cérémonie à travers les grilles. Ce qui, en réalité, ne change pas grand-chose, puisque la messe est retransmise via des écrans géants et une imposante sono réglée à fort volume. La foule désireuse de rendre hommage à l’homme du « détail de l’Histoire » offre son lot de surprises. Comme si Jean-Marie Le Pen lui-même avait donné rendez-vous à toutes les chapelles de l’extrême droite, même les plus marginales.
D’Éric Ciotti à Jérôme Bourbon
Il y a d’abord la famille institutionnelle : le Rassemblement national. Jordan Bardella, Sébastien Chenu, Matthieu Vallet, Franck Allisio ou encore le maire de Fréjus de David Rachline comptent parmi les nombreux élus RN qui honorent la mémoire du « menhir » aux côtés de Marine Le Pen et de ses sœurs. Puis il y a les forces satellites. Le nouvel allié du clan, Éric Ciotti, a aussi fait le déplacement. Ce même élu niçois qui, il y a 10 ans, dénonçait « l’ignominie » du personnage. Éric Zemmour aussi est là. Tout comme Nicolas Bay, Philippe de Villiers ou l’ancien « félon » Bruno Mégret. Des anciens compagnons de route qui n’ont pas eu de mal à passer les grilles.
D’autres n’ont pas eu cette chance. Et même s’ils disent énormément de la personnalité et du parcours de Jean-Marie Le Pen, ils sont priés de se tenir à distance. Yvan Benedetti, figure de l’organisation pétainiste Œuvre française, est recalé. Même chose pour Jérôme Bourbon et ceux venus avec leurs exemplaires du journal antisémite Rivarol sous le bras. Le nationaliste Thomas Joly, patron du Parti de la France, est logé à la même enseigne. La petite grappe râle sur le réseau social X. Ils se mêleront finalement aux soutiens du patriarche restés sur la place sans le moindre heurt. « Moi j’ai quitté le FN au moment où ils ont viré Jean-Marie, j’ai plus ma place dans l’église que beaucoup qui y sont assis », persifle l’un d’eux. Au milieu des bérets d’anciens paras ou légionnaires, des profils chassés des événements du RN réapparaissent.
Quand Dieudonné débarque
Là un jeune skinhead, dans la plus pure tradition vestimentaire de l’extrême droite groupusculaire : crâne rasé et rangers aux lacets blancs. Ici une bande de gros bras aux visages dissimulés déambulant sous de longues parkas noires. Plus loin un quarteron d’admirateurs s’agenouille pour communier, donnant à la scène des airs de prière de rue.
Des admirateurs de Jean-Marie Le Pen s’agenouillent place Alphonse Laveran, alors que la messe est retransmise pic.twitter.com/fD2Cj8765l
— Romain Herreros (@Romain_Herreros) January 16, 2025
Puis, alors que la messe a démarré depuis une vingtaine de minutes, ce que le RN ne voulait surtout pas voir se produit : Dieudonné débarque. Pas gêné par le froid avec son pantacourt, le polémiste antisémite disserte face à un amas de caméras et de micros venus instantanément l’interroger. « Journalistes de merde », lance un sexagénaire situé à proximité.
Serait-il gêné par cette irruption qui viendrait gâcher l’hommage au défunt ? Pas vraiment. « Non, moi je suis lepéniste et proche de Dieudonné et Soral aussi. J’en veux juste aux journalistes qui ne disent pas pour qui ils travaillent », explique-t-il sous sa chevelure grise. La cérémonie se poursuit. Marion Maréchal prend la parole. Un discours au fond très politique de cinq minutes qui est applaudi par le public. Soit le rappel d’une évidence. L’assistance est avant tout venue saluer l’œuvre politique de cet agrégateur de toutes les chapelles de l’extrême droite. Une figure qui continue de rassembler souverainistes, nationalistes, antisémites, catholiques intégristes et autres identitaires. Même un matin polaire.
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